Le personnel et les étudiantes et étudiants blancs dans les universités devraient être sujets de davantage de conscientisation et de formation sur les discriminations raciales et les microagressions.
Les enjeux de discriminations et de microagressions sont bien souvent invisibilisés à la fois dans la communauté universitaire et dans la société québécoise de manière générale. Plus encore, le legs d’un passé colonial marqué par une suprématie blanche s’avère encore bien présent. Ainsi, des formations devraient être obligatoires en milieu universitaire, et ce, afin de tendre davantage vers la justice raciale.
Les universités devraient transmettre un savoir-être lié à l’inclusion et à la justice sociale à travers la pédagogie universitaire et le curriculum afin d’éviter de reproduire de manière inconsciente une idéologie dominante blanche.
Nos résultats invitent à réfléchir au rôle de l’Université et à ses pratiques, ainsi qu’à son curriculum officiel et caché. Ces résultats permettent de creuser au-delà des politiques et discours universitaires, qui, pour la plupart, valorisent formellement l’équité, la diversité et l’inclusion. Les propos recueillis des étudiantes et étudiants permettent de s’interroger sur le rôle de l’Université dans la déconstruction des rapports de pouvoir et des rapports sociaux de race au Québec.
Dans un contexte de massification de l’enseignement supérieur, ces entretiens demandent de considérer le rôle de l’Université dans la transmission d’un savoir-être lié à l’inclusion et à la justice sociale à travers la pédagogie universitaire et le curriculum afin d’éviter de reproduire de manière inconsciente une idéologie dominante blanche (Bailey, 2015). Cette parole étudiante appelle à la décolonisation des universités, tant dans ses catégories, ses politiques, que dans son curriculum formel et réel; dans sa culture institutionnelle, dans la diversification des embauches de son personnel et dans son recrutement étudiant. Une des premières propositions d’action, mise à part l’application de la Loi sur l’équité en matière d’emploi (L. C., 1995), pourrait notamment être de rendre obligatoire des formations EDI destinées aux équipes de direction et aux services des ressources humaines, afin de sensibiliser, conscientiser et favoriser l’agir institutionnel vis-à-vis des rapports sociaux de race dans les universités québécoises.
Pistes d’action pratiques
- Sensibiliser et former l’ensemble de la communauté universitaire à la lutte contre le racisme systémique, la discrimination et les microagressions.
- Former le corps professoral à la pédagogie inclusive et antiraciste ainsi qu’à la décolonisation du curriculum formel, notamment des plans de cours et des lectures obligatoires.
- Encourager la parole des groupes racisés dans les cours, autant chez la communauté étudiante présente dans la classe que par l’invitation de conférencières et conférenciers racisés.
- Diversifier le personnel de l’université afin d’accroître la diversité raciale, afin de rendre visibles des modèles inspirants pour les communautés noires et de rendre plus représentatives les instances décisionnelles de l’université (ex.: diversifier les personnes occupant des postes décisionnels clés).
Pistes de recherche
- Analyser la mise en œuvre des politiques EDI dans les universités.
- Recueillir le point de vue des étudiantes et étudiants noirs dans les universités au sujet de la mise en œuvre des politiques EDI et sur les actions qu’ils proposent pour atteindre la justice raciale en enseignement supérieur.
Pour approfondir le sujet
Collins, T. et Magnan, M.-O. (2018). Postsecondary Pathways among Second-Generation Immigrant Youth of Haitian Origin in Quebec. Canadian Journal of Education, 41(2), 413-440.
Magnan, M.-O., Collins, T., Darchinian, F., Kamanzi, P. C. et Valade, V. (2021). Student voices on social relations of race in Québec Universities. Race Ethnicity and Education.
Valade, V. (2021). Parcours d’étudiants racisés à l’université au Québec: le cas d’étudiants montréalais d’origine haïtienne [mémoire de maîtrise, Université de Montréal].
Références
Bailey, K. A. (2015). Racism within the Canadian university: Indigenous students’ experiences. Ethnic and Racial Studies, 39(7), 1261-1279.
Bhopal, K. (2017). Addressing racial inequalities in higher education: Equity, inclusion and social justice. Ethnic and Racial Studies, 40(13), 2293-2299.
Chapman, T. K., Dixson, A. D., Gillborn, D. et Ladson-Billings, G. (2013). Critical Race Theory. Dans B. J. Irby, G. H. Brown, R. Lara-Alecio et S. Jackson (dir.), The Handbook of Educational Theories (p. 1019‑1026). Information Age Publishing Inc.
Dei, G. S. et Kempf, A. (2013). New Perspectives on African-Centred Education in Canada. Canadian Scholars’ Press.
Delgado, R. et Stefancic, J. (2000). Critical Race Theory: The Cutting Edge (2e éd.). Temple University Press.
Gillborn, D., Rollock, N., Vincent, C. et Ball, S. J. (2012). ‘You got a pass, so what more do you want?’: race, class and gender intersections in the educational experiences of the Black middle class. Race Ethnicity and Education, 15(1), 121-139.
Mc Andrew, M., Alhassane, B., Bakhshaei, M., Tardif-Grenier, K., Audet, G., Armand, F., Guyon S., Ledent, J., Lemieux, G., Potvin, M., Rahm, J., Vatz-Laaroussi, M., Carpentier, A. et Rousseau, C. (2015). La réussite éducative des élèves issus de l’immigration : dix ans de recherche et d’intervention au Québec. Presses de l’Université de Montréal.
Thésée, G. et Carr, P. (2016). Les mots pour le dire : acculturation ou racialisation? Les théories antiracistes critiques (TARC) dans l’étude de l’expérience scolaire de jeunes NoirEs du Canada en contextes francophones. Comparative and International Education / Éducation Comparée et Internationale, 45(1), 1-17.
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ISSN 2817-2817