La notion de « climat de vie », pourtant difficilement mesurable sur le plan quantitatif (Cachat-Rosset et al., 2019), est un élément incontournable de toute analyse de la réussite en enseignement supérieur. Elle réfère aux expériences vécues par les membres des communautés collégiales ou universitaires, de même qu’aux perceptions de la population étudiante et du personnel envers les actions entreprises par leur établissement en matière d’équité, de diversité et d’inclusion.

Ces « éléments intangibles » (Tamtik et Guenter, 2019), dont il peut être difficile de faire état dans des documents institutionnels, comprennent notamment :

  • Le vécu d’exclusion des groupes marginalisés, lié, entre autres, au passé de l’établissement ;
  • Le climat psychologique, c’est-à-dire les perceptions, les attitudes et les croyances à l’égard de la diversité ;

Le climat comportemental, c’est-à-dire la façon dont les personnes membres de la communauté collégiale ou universitaire interagissent entre elles (ibid.).

À ces éléments intangibles s’ajoutent la création et le maintien d’un sentiment d’appartenance dans un espace sécuritaire (Herrera, 2021), qu’il soit virtuel ou physique.

L’importance du sentiment d’appartenance

Le besoin d’appartenance et de reconnaissance est commun à tous les êtres humains (Samura, 2022); la reconnaissance est autant le levier par lequel la personne existe, compose et recompose son identité, que la relation par laquelle elle devient une personne dans son rapport à l’autre (Pullen Sansfaçon et Bellot, 2016).

Ce besoin fondamental s’exprime dans les moments de transition importants de la vie (CAPRES, 2020) : transition entre les ordres d’enseignement, passage à l’âge adulte et apprentissage de l’autonomie financière pour les personnes plus jeunes, transition vers une nouvelle vie professionnelle, changement de projets de vie pour les plus âgées ou encore intégration dans un nouveau pays pour la population immigrante. Les établissements d’enseignement supérieur constituent ainsi des espaces de socialisation privilégiés où se jouent de nouvelles interactions et se forgent de nouvelles appartenances qui influencent la construction identitaire (Tzoneva et Gulian, 2020).

Être accepté, reconnu et sentir faire partie d’un milieu d’études est en lien direct avec la réussite au collège et à l’université (Strayhorn, 2018). En effet, la personne qui développe un sentiment d’appartenance à son environnement et qui participe à la vie étudiante serait plus susceptible de réussir (Samura, 2022).

Se sentir incluse au sein de son environnement d’études permet à la personne de répondre à son besoin fondamental d’appartenance tout en réduisant les obstacles de stigmatisation et d’exclusion rencontrés pendant son parcours scolaire. Une étudiante ou un étudiant qui a le sentiment de faire partie d’une communauté – collégiale ou universitaire – peut ainsi développer une meilleure adaptation psychologique à son milieu (Pittman et Richmond, 2008).

Les efforts déployés par les établissements d’enseignement supérieur pour augmenter le sentiment d’appartenance des personnes issues de groupes marginalisés auraient un effet positif sur leur bien-être et ultimement, sur leur réussite (Walton et Cohen, 2011). Afin d’avoir le sentiment d’appartenir à leur milieu d’études, ces personnes devraient pouvoir se reconnaitre non seulement dans le corps enseignant et professoral, mais également dans les différents corps technique, professionnel et administratif afin de favoriser un sentiment d’identification qui, à son tour, nourrit le sentiment d’appartenance.

Titre de l’image : cadre pour l’inclusion.
Lorsqu'un individu a un faible sentiment d'appartenance et qu'il y a une faible valorisation de son caractère unique, il s'agit d'EXCLUSION. L'individu n'est pas traité comme un membre de l'organisation ayant une valeur unique dans le groupe de travail.
Lorsqu'un individu a un faible sentiment d'appartenance et qu'il y a une forte valorisation de son caractère unique. Il s'agit de DIFFÉRENCIATION. L'individu n'est pas traité comme un membre de l'organisation dans le groupe de travail, mais ses caractéristiques sont considérées comme précieuses et nécessaires à la réussite du groupe/de l'organisation.
Lorsqu'un individu a un fort sentiment d'appartenance et qu'il y a une faible valorisation de son caractère unique, il s'agit d'ASSIMILATION. L'individu est traité comme un membre de l'organisation dans le groupe de travail lorsqu'il se conforme aux normes de la culture organisationnelle/dominante et qu'il minimise son caractère unique.
Lorsqu'un individu a un fort sentiment d'appartenance et qu'il y a une faible valorisation de son caractère unique, il s'agit d'INCLUSION. L'individu est traité comme un membre de l'organisation et est également autorisé/encouragé à conserver son caractère unique au sein du groupe de travail.
Le tableau est adapté de Shore et al. (2011), dans Caidor (2021).

Comme le montre le tableau précédent, le caractère unique de la personne est valorisé dans un climat inclusif de même que son sentiment d’appartenance envers l’organisation (Caidor, 2021). Traitée comme membre à part entière, la personne est encouragée non seulement à conserver ses différences, mais à les valoriser.

Pistes d’action pour un climat inclusif

Sur le plan des services à la vie étudiante

  • Développer des initiatives qui renforcent le sentiment d’appartenance de toute la population étudiante, avec une attention particulière à celle issue de groupes minoritaires ou marginalisés.
  • Soutenir la mise en place de comités étudiants pour la valorisation de l’identité, la défense des droits ou le soutien aux personnes étudiantes faisant partie d’un groupe marginalisé (Doutreloux et Auclair, 2021).
  • Sensibiliser les équipes des services à la vie étudiante aux préjugés et aux biais inconscients, notamment les services d’orientation (Magnan et al., 2017).
  • Bonifier l’offre de bourses d’études et d’exemptions de frais de scolarité en ciblant la population étudiante aux parcours non traditionnels (Universités Canada, 2019).
  • S’assurer d’une meilleure représentation du caractère diversifié de la population étudiante dans les outils de communication (Université du Québec, 2021), ce qui devrait aussi inclure une représentation juste et diversifiée du personnel des établissements, et en particulier, du corps enseignant et de la communauté de la recherche.
  • Mener des enquêtes pour comprendre les facteurs complexes du climat de vie dans l’établissement et ses effets sur l’expérience et la réussite étudiantes, dont les approches quantitatives ne rendent pas toujours compte (Hansen et al., 2021).
  • Informer la communauté collégiale ou universitaire des services offerts et faire la promotion des ressources disponibles, particulièrement auprès des populations concernées et des équipes professionnelles qui les accompagnent.

Sur le plan de la gouvernance institutionnelle

  • Poursuivre la sensibilisation de toute la communauté collégiale ou universitaire à l’EDI, aux préjugés, aux discriminations et aux privilèges (Lafortune, 2020; Universités Canada, 2019).
  • S’engager dans un processus d’identification des besoins des personnes issues de groupes vivant des iniquités, et ce, par étapes itératives et de manière coconstructive.
  • Développer des méthodes de formation respectueuses permettant d’aborder les sujets difficiles dans un climat sécuritaire (Campbell, 2021).
  • Allouer des ressources humaines et matérielles à des enquêtes périodiques pour mesurer le niveau d’inclusion et de sentiment d’appartenance de la population étudiante (ibid.).
  • Renforcer la collecte de données permettant d’illustrer le caractère diversifié de la population étudiante et des membres des différentes catégories de personnel.
  • Identifier des indicateurs pour mesurer et suivre la mise en place d’un climat inclusif, en s’assurant de ventiler ces données selon des sous-groupes pertinents (sexe, genre, personnes racisées, etc.).
  • Favoriser l’implication d’une diversité de voix étudiantes dans la mise en place, le suivi et l’amélioration des politiques institutionnelles en EDI (Cuellar et al., 2022).

Références

Cachat-Rosset, G., Carillo, K. et Klarsfeld, A. (2019). Reconstructing the Concept of Diversity Climate – A Critical Review of Its Definition, Dimensions, and Operationalization. European Management Review, 16(4), 863‑885.

Caidor, P. (2021, 12 novembre). Vers une excellence inclusive : cadre de changement pour l’excellence inclusive dans le milieu de l’enseignement supérieur [communication orale]. Colloque de l’IRIPI « Regards croisés sur les pratiques en recherche et en sciences humaines », Montréal, QC.

Campbell, A. (2021). Equity education initiatives within Canadian universities: promise and limits. Perspectives: Policy and Practice in Higher Education, 25(2), 51‑61.

CAPRES (2020). Transitions interordres et intercycles en enseignement supérieur.

Cuellar, M. G., Bencomo Garcia, A. et Saichaie, K. (2022). Reaffirming the Public Purposes of Higher Education: First-Generation and Continuing Generation Students’ Perspectives. The Journal of Higher Education, 93(2), 273‑296.

Doutreloux, E. et Auclair, A. (2021). Rapport d’enquête sur l’expérience étudiante en lien avec l’équité, la diversité et l‘inclusion. Service de recherche et de développement pédagogique du Cégep de l’Outaouais.

Hansen, M. J., Keith, C. J., Mzumara, H. R. et Graunke, S. (2021). Developing and implementing an institutional research office diversity, equity, and inclusion strategic plan. New Directions for Institutional Research, 2021(189‑192), 93‑108.

Herrera, D. (2021, 11 novembre). Vers une culture de l’inclusion [communication orale]. Colloque de l’IRIPI « Regards croisés sur les pratiques en recherche et en sciences humaines », Montréal, QC.

Lafortune, G. (2020). De l’inclusion et de la réussite au collégial : « Au fond, vous voulez savoir ce que ça veut dire d’être Noir.e au cégep ». Les Cahiers de l’IRIPI, no 3, 7‑12.

Magnan, M.-O., Pilote, A., Grenier, V. et Darchinian, F. (2017). Jeunes issus de l’immigration et choix d’orientation au postsecondaire à Montréal. Canadian Journal of Higher Education / La Revue canadienne d’enseignement supérieur, 47(3), 34‑53.

Pittman, L. D. et Richmond, A. (2008). University Belonging, Friendship Quality, and Psychological Adjustment During the Transition to College. The Journal of Experimental Education, 76(4), 343‑362.

Pullen Sansfaçon, A. et Bellot, C. (2016). L’éthique de la reconnaissance comme posture d’intervention pour travailler avec les jeunes trans. Nouvelles pratiques sociales, 28(2), 38‑53.

Samura, M. (2022, 6 mai). 3 ways to make « belonging » more than a buzzword in higher ed. The Conversation.

Strayhorn, T. L. (2018). College Students’ Sense of Belonging A Key to Educational Success for All Students. Routledge.

Tamtik, M. et Guenter, M. (2019). Policy Analysis of Equity, Diversity and Inclusion Strategies in Canadian Universities – How Far Have We Come? Canadian Journal of Higher Education / La Revue canadienne d’enseignement supérieur, 49(3), 41‑56.

Tzoneva, T. et Gulian, T. (2020). Les enjeux de la réussite scolaire des étudiants issus de l’immigration au cégep. Les Cahiers de l’IRIPI, no 3, 55-63.

Université du Québec (2021).Guide de communication inclusive. Pour des communications qui mobilisent, transforment et ont du style ! Université du Québec.

Universités Canada (2019). Équité, diversité, et inclusion dans les universités canadiennes : Rapport sur le sondage de 2019. Universités Canada.

Walton, G. M. et Cohen, G. L. (2011). A Brief Social-Belonging Intervention Improves Academic and Health Outcomes of Minority Students. Science, 331(6023), 1447‑1451.