Dans une récente étude de cas, les chercheures Émilie Tremblay-Wragg, Carole Raby et Louise Ménard de l'UQAM examinent en quoi des stratégies pédagogiques variées favorisent la motivation à apprendre des étudiants.
S’il est reconnu qu’une pluralité de stratégies pédagogiques permet de profiter des avantages de chacune d’entre elles, le lien avec la motivation à apprendre des étudiants reste peu documenté. Dans un récent article (2018) paru dans RIPES (Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur), les chercheures ont entrepris d’étudier le cas d’un professeur universitaire qui utilise plusieurs stratégies pédagogiques dans son enseignement.

Les stratégies de Carlos

Une étude a d’abord été menée auprès de quatre enseignants universitaires de deux domaines différents (génie et éducation) au premier cycle universitaire de trois universités au Québec. Un des enseignants de cette recherche, Carlos, s’est démarqué parce qu’il utilisait beaucoup plus de stratégies pédagogiques dans le cadre de son cours que les trois autres, mais aussi par le fait que ses 59 étudiants étaient les plus motivés à apprendre.

Les stratégies pédagogiques utilisées par Carlos sont diverses, tant au niveau du degré de contrôle de l’apprentissage et des courants pédagogiques qu’au niveau des techniques et des méthodes utilisées :
  • une majorité de stratégies pédagogiques sont pédocentrées (par exemple, l’apprentissage par problèmes) ;
  • d’autres sont plutôt magistrocentrées (exposé magistral, exposé interactif, présentation d’une vidéo, etc.) ;
  • plusieurs stratégies sont inspirées du courant socioconstructiviste (par exemple, le jeu de rôles) et du courant béhavioriste (par exemple, l’exposé magistral) ;
  • peu de stratégies pédagogiques sont inspirées du courant cognitiviste (travail individuel en classe) et aucune du courant humaniste de l’apprentissage ;
  • ses stratégies pédagogiques comprennent à la fois des méthodes (par exemple, l’étude de cas) et des techniques pédagogiques (par exemple, le jeu de rôles).
Les extraits des entrevues avec les étudiants du cours de Carlos sont révélateurs : le fait qu’il utilise des stratégies variées « changeait beaucoup la dynamique d’un cours universitaire ». Une étudiante souligne que « Carlos avait un défi de taille parce qu’on était 60 dans un petit local cordé. Puis ce n’était pas toujours évident. On aurait tendance à croire que dans ce local-là, le magistral allait l’emporter ».

Résultats

1. Engagement actif des étudiants

L’étude confirme que les quatorze stratégies pédagogiques utilisées par Carlos contribuent à un niveau élevé de motivation chez les étudiants de son cours. Carlos crée des situations pédagogiques qui suscitent l’engagement cognitif des étudiants, là où la plupart des enseignants gardent les étudiants beaucoup moins actifs dans leurs apprentissages. Ce choix a une grande influence sur le niveau de participation et de collaboration des étudiants en classe. Selon Carlos lui-même, l’utilisation de stratégies pédagogiques diversifiées permet de soutenir l’attention et de favoriser la participation des étudiants : « Ce sont des activités qui permettent quand même aux étudiants de participer. Il y a plusieurs étudiants qui autrement ne prendront pas la parole en classe ». À cet égard, les résultats qualitatifs mettent en évidence le fait que Carlos met ses étudiants en action et les fait travailler en équipe.

2. Maintien de la motivation

La motivation des étudiants de Carlos est restée assez stable au cours de la session, ou du moins, elle n’a pas diminué. Les résultats individuels ont également démontré que la majorité des étudiants ayant répondu aux trois temps du questionnaire ont maintenu ou augmenté leur motivation à apprendre entre le début et la fin du cours dispensé par Carlos.

Obstacles et pistes futures

Certains obstacles liés à une utilisation diversifiée des stratégies ont été soulevés par le professeur. Selon lui, les stratégies utilisées dans ce cours engendrent des coûts importants (notamment l’achat de matériel pédagogique), en plus de demander davantage d’organisation et un temps supplémentaire pour la planification de l’enseignement. De plus, les conditions administratives ne favorisent pas l’apprentissage actif en contexte d’enseignement universitaire.  À titre d’exemple, la réalisation d’une situation d’apprentissage par problèmes en entier est pratiquement impossible si l’on souhaite respecter toutes les étapes sans avoir d’auxiliaires d’enseignement. À cet égard, plusieurs recherches soulèvent le tiraillement entre l’enseignement, la recherche et les tâches administratives que vivent continuellement les enseignants universitaires. L’enseignement étant présentement l’aspect le moins valorisé dans la carrière professorale, cela « contribue probablement à un moindre investissement de leur part en la matière ».
Les données produites dans cette étude peuvent avoir un impact non négligeable pour orienter les pratiques pédagogiques en vue de motiver davantage les étudiants universitaires et ultimement favoriser leurs apprentissages et leur réussite. Ces résultats pourraient amener les enseignants universitaires qui n’utilisent qu’une seule stratégie pédagogique dans leur cours à envisager la possibilité de varier leurs stratégies, en complément aux pratiques plus traditionnelles.