Les travaux de Rachel Bélisle, du Département d'orientation professionnelle de l'Université de Sherbrooke, examinent le parcours des adultes aux études et le processus de reconnaissance de leurs acquis. Or, l'absence de recherches sur ce thème au Québec confirme qu'il faut la soutenir et la développer. Dans un récent billet rédigé dans le cadre des Journées de la persévérance 2018, Éric Massé (Université de Sherbrooke) rappelle que les enjeux de la réussite et de la persévérance scolaires se posent aussi pour les étudiants adultes engagés dans un processus de retour aux études et de reconnaissance des acquis et des compétences (RAC). De fait, leurs compétences acquises sur le marché du travail ou dans le cadre d’activités non salariées peuvent être valorisées dans un processus professionnel de RAC, dans le but d’obtenir un premier diplôme d’éducation postsecondaire.

S’inspirer d’ailleurs

Réalisée par la chercheure Bélisle et son équipe dans le cadre d’un projet subventionné par le FRQSC, la synthèse des écrits sur les pratiques de reconnaissance d’acquis de l’apprentissage non formel et informel (apprentissage non scolaire) s’intitule Rôle des pratiques en reconnaissance des acquis et des compétences dans la persévérance et la réussite scolaires d’adultes sans diplôme qualifiant. Cette synthèse confirme que « les dispositifs mis en place dans divers pays permettent, à certaines conditions, l’obtention d’un premier diplôme qualifiant et l’amélioration de conditions de vie ». Au Québec, il s’agit de dispositifs variés de reconnaissance des acquis et des compétences (RAC), selon l’appellation générique adoptée dans la Politique gouvernementale d’éducation des adultes et de formation continuepubliée en 2002. Plusieurs pays anglosaxons ont quant à eux adopté le portfolio, une méthode de RAC pouvant favoriser l’obtention du diplôme et même permettre « de donner plus de sens au parcours de formation ».  La France privilégie entre autres la méthode de préparation d’un dossier présenté devant un jury en Validation des acquis de l’expérience (VAE). Selon Bélisle et son équipe, ces deux méthodes reposent sur des approches narratives et l’accompagnement personnalisé y paraît particulièrement bénéfique. La synthèse des écrits souligne également qu’aucune étude empirique n’existe sur le rôle des pratiques de RAC dans l’obtention d’un premier diplôme qualifiant au Québec. Le rapport conclut donc que le développement de la RAC dans les pays de l’OCDE est dynamique, mais encore loin des cibles. Les pays de l’Union européenne se sont dotés d’outils communs pour soutenir le développement de la RAC et accroître son accessibilité aux populations défavorisées, incluant la recherche et la veille. Le développement plus avancé dans certains pays de l’UE, dont la France, semble attribuable à un système qui intègre :
  • l’information au grand public;
  • le soutien financier;
  • l’accompagnement des personnes candidates;
  • l’évaluation de la mise en œuvre;
  • des ajustements pour tenter de rejoindre et soutenir plus d’adultes.
La chercheure et son équipe concluent qu’en comparaison avec ce qui se fait ailleurs, le Québec doit amorcer un virage majeur afin d’améliorer l’information et la recherche dans le domaine.

Des obstacles à la RAC

L’avantage de réaliser des études réside dans le fait que la recherche réussit à pointer les difficultés dans la RAC, dont celle de rejoindre des populations défavorisées. Des études menées aux États-Unis et en Europe ont montré que les personnes précarisées ont souvent accumulé plusieurs expériences, voire plusieurs métiers, exercés dans des conditions parfois difficiles. Différents types d’obstacles liés au processus de RAC ont été inventoriés :
  • obstacles institutionnels : délais parfois longs entre les phases, vocabulaire scolaire éloigné de celui du monde du travail, faible accompagnement, personnel plus ou moins formé, manque de soutien financier pour les personnes salariées ayant souvent un bas salaire;
  • obstacles situationnels : difficulté de conciliation travail-famille-RAC-formation complémentaire;
  • obstacles dispositionnels : expériences scolaires passées négatives.

Recommandations et pistes d’action

En comparaison avec ce qui se fait ailleurs, il semble que le Québec doit soutenir la persévérance et la réussite scolaires des adultes qui s’engagent dans un processus de RAC. Le rapport propose notamment :
  • d’intégrer davantage la RAC en milieu de travail;
  • de tenir compte des préoccupations des adultes sans diplôme qualifiant, du langage du monde du travail et des divers acteurs travaillant en amont de la RAC officielle;
  • de prévoir du soutien financier aux adultes;
  • de soutenir la recherche et la publication de données pour améliorer les processus;
  • de réduire les délais entre les phases;
  • de donner plus de moyens aux universités qui veulent offrir des services, principalement au 1er cycle universitaire.