Le média numérique The Conversation a réalisé, en 2018, une série d'articles portant sur la vision de leaders à propos des enjeux cruciaux de l'enseignement supérieur. La première question de cette série était : "Si vous deviez concevoir un seul outil ou une seule mesure pour aider le grand public à évaluer la valeur d'une université ou d'un diplôme en particulier, quel serait-il et pourquoi ?" Dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre, la valeur d’une formation postsecondaire est parfois remise en doute. Pourquoi choisir une formation de longue durée alors que les employeurs peinent à recruter des travailleurs ? Le média The Conversation, une source indépendante de nouvelles et de points de vue provenant de la communauté universitaire, a interrogé à ce sujet un groupe de recteurs de l’Université du Michigan, de l’Université de l’Oregon et de l’Ohio State University.

Augmenter l’espérance de vie

Selon Michael Drake, recteur de l’Ohio State University, la plupart des gens souhaitent que leurs enfants accèdent à l’enseignement supérieur. Il réfère entre autres à une récente étude (Rugabey, 2017) montrant que les diplômés des collèges sont plus susceptibles d’avoir un emploi et de gagner davantage que ceux qui n’ont pas de diplôme. Une autre recherche (Hout, 2012) indique également que les personnes qui détiennent un diplôme d’études collégiales sont plus heureuses et engagées, en meilleure santé et vivent plus longtemps. En effet, il existe une corrélation entre les études postsecondaires et une espérance de vie plus longue. En fait, une étude suggère que ceux qui fréquentent l’université vivent, en moyenne, sept ans de plus. Dans un contexte où l’écart entre les riches et les pauvres en matière d’espérance de vie se creuse, Drake soutient que l’enseignement supérieur fait partie de la solution – à la condition qu’il soit accessible et de qualité.

Favoriser la mobilité sociale des EPG

Michael Schill, recteur de l’Université de l’Oregon, croit pour sa part que la valeur d’une formation postsecondaire réside dans le nombre élevé d’étudiants de première génération (EPG) qui poursuivent des études postsecondaires. Lui-même EPG, il est d’avis que ce nouvel accès à l’enseignement supérieur peut améliorer la mobilité sociale de personnes auparavant laissées-pour-compte du système économique. Schill opère une distinction claire entre le nombre d’inscriptions des EGP et leur taux d’obtention de diplôme. Selon lui, certains étudiants qui vont à l’université et qui ne reçoivent pas de diplôme sont peut-être en moins bonne santé économique que ceux qui n’y vont pas du tout. En effet, plusieurs EPG rencontrent des obstacles financiers de taille compte tenu des faibles revenus de leur milieu d’origine. De plus, ils sont plus susceptibles de faire partie d’une minorité racisée, ce qui peut augmenter les obstacles à la diplomation, notamment les préjugés et les discriminations vécues.     Bien que les établissements admettent un grand nombre d’étudiants issus de milieux modestes, le taux d’obtention de diplôme reste plus faible que les étudiants issus de milieu aisé. Le défi est donc le suivant : soutenir la réussite et la persévérance de ces étudiants, à la fois pour apprendre à réussir sur le plan scolaire, mais aussi pour s’intégrer socialement et augmenter le niveau de leurs conditions de vie.

Un levier de liberté

Mark S. Schlissel, recteur de l’Université du Michigan, souhaite quant à lui réorienter la question posée par The Conversation :

au lieu de se demander quelle est la valeur d’un diplôme postsecondaire, il faut s’interroger : que recherchent nos étudiants dans la vie et comment un diplôme postsecondaire peut-il changer la qualité et la trajectoire de leur vie?

Schisslel réfère également à des recherches selon lesquelles les détenteurs d’un diplôme postsecondaire mènent une vie plus riche et plus épanouie, sont plus heureux et en meilleure santé. Selon lui, l’ensemble de ces paramètres renvoie à un concept-phare dans nos sociétés occidentales: la liberté. Le lien entre la liberté et l’éducation, rappelle Schisslel, existe depuis longtemps. L’éducateur et philosophe John Dewey soutenait au début du XXe siècle, que « nous associons naturellement la démocratie à la liberté d’action, mais la liberté d’action sans capacité de pensée libre n’est que chaos ». En somme, le recteur de l’Université du Michigan soutient que l’enseignement supérieur donne la liberté de prendre des décisions, et non de les subir. En s’éduquant, la personne poursuit des trajectoires qui peuvent changer, se transformer, être marquées par des contraintes externes, mais aussi par des choix de bifurcation. Elle a le pouvoir et la liberté de réfléchir et d’agir. Ainsi, en plus d’être un facteur de prospérité et d’égalité, l’enseignement supérieur constitue un levier de liberté individuelle et collective. Accéder aux articles de The Conversation sur l’enseignement supérieur