La professeure Cathia Papi, du Département d'éducation de la TÉLUQ, a réalisé une synthèse des connaissances portant sur les dispositifs technopédagogiques encourageant l’interaction à distance dans le cadre de l’enseignement supérieur au Canada. Son récent article, publié dans TransFormations – Recherches en éducation et formation des adultes, une revue scientifique éditée par l’Université Lille I (France), porte sur la recension de 60 études publiées entre janvier 2005 et décembre 2014. La plupart des études recensées montrent que l’interaction, tout comme le travail collaboratif, constituent des défis pour les apprenants qui considèrent davantage l’aspect contraignant que les opportunités offertes.

Mise en contexte

La volonté de favoriser la persévérance et la réussite des étudiants en formation à distance (FAD) a conduit les établissements d’enseignement supérieur à mettre en place des dispositifs d’interaction et d’accompagnement entre pairs, notamment sous forme de situations d’apprentissage coopératif ou collaboratif.  Parmi les dispositifs de soutien à l’apprentissage mis en œuvre, certains ont fait leur preuve, tel que le tutorat assuré auprès d’un individu ou d’un groupe par une personne (tuteur, enseignant, chargé d’encadrement ou autre). Plusieurs recherches s’intéressent ainsi aux interactions en FAD et les encouragent en raison des bienfaits entrevus concernant l’apprentissage et la persistance des étudiants dans leurs parcours. Toutefois, force est de constater que toute communication ou réalisation collective imposée, de même que tout usage prescrit, paraissent contrevenir à la flexibilité caractéristique de la FAD. De nombreux étudiants recourent à de telles formations précisément en raison de cette flexibilité. L’auteure s’interroge donc :  dans quelle mesure l’interaction est-elle pertinente en FAD ?

Résultats saillants

Les types de dispositifs

Différents dispositifs visent à réduire la distance, enrichir l’expérience, soutenir l’interaction ou développer des compétences. Deux types apparaissent peu fréquemment dans les publications, que la chercheure qualifie de types minoritaires. Il s’agit de ceux fondés sur un seul objectif, soit :  contrer la distance grâce aux avantages du virtuel ou tirer profit des potentialités pédagogiques de la collaboration. Deux autres types sont prédominants dans les recherches analysées. Qualifiés de « majoritaires », ils proposent de collaborer à distance afin de rompre l’isolement des étudiants entièrement à distance ou de leur permettre de développer des compétences professionnelles spécifiques.

1.Dispositifs de types minoritaires

  •  Objectif social : Réduire la distance ; collaborer à distance pour établir des réseaux. Exemple: Classe virtuelle
  •  Objectif pédagogique : Enrichir l’expérience ; diversifier les situations d’apprentissage. Exemples: Wiki, webinaire

2. Dispositifs de type majoritaires

  • Objectif social : Soutenir l’interaction ; favoriser le sentiment de proximité et présence sociale. Exemple: Visioconférence
  • Objectif pédagogique : Développer des compétences ; encourager la collaboration et la réflexivité. Exemple: Forum

Les types de problématiques

Quatre types de problématiques se dégagent des recherches analysées :
  • Dans quelle mesure l’interaction médiatisée favorise-t-elle la persévérance des étudiants en FAD ?  Les résultats soulignent la difficulté à trouver un outil ou une situation idéale, un même dispositif étant plus ou moins adopté par les étudiants. La majorité des étudiants paraît ne pas souhaiter socialiser avec les autres mais apprécie certaines modalités de soutien personnalisé, tel que le tutorat.
  • Dans quelle mesure l’interaction médiatisée favorise-t-elle l’apprentissage des étudiants ? Les résultats soulignent que les interactions en ligne tendent effectivement à favoriser un sentiment de présence sociale et semblent plus fréquentes dans le cadre des échanges centrés sur des activités pratiques comme les stages. Pour autant, la participation reste souvent limitée et aucune étude ne permet de déterminer clairement si les interactions à distance améliorent l’apprentissage.
  • Dans quelle mesure les acteurs apprécient-ils les technologies favorisant l’interaction à distance ? Les usages et préférences, présentés en termes de pourcentages, varient selon les étudiants et parcours de telle sorte que les analyses effectuées ne permettent pas de déterminer qu’un type de public serait particulièrement friand d’un type de technologie.
  • Comment une communauté se construit-elle ? Alors que la participation n’est pas garantie, certains étudiants semblent plus actifs en petits groupes et la communication en ligne ne paraît pas remplacer l’intérêt des contacts en face à face. D’autre part, on peut également constater que la construction de la communauté et des connaissances communes se réalise à travers la présence sociale.

Quoi retenir de ces études ?

La chercheure souligne que plusieurs études analysées font ressortir les problèmes techniques rencontrés ainsi que les difficultés révélatrices des manques de compétences numériques des individus. Toutefois, au-delà des technologies, le plus grand défi à l’instauration de dispositifs de collaboration à distance relève des goûts et habitudes d’apprentissage des étudiants. Sur cet aspect, les recherches soulèvent davantage de questions que de réponses. Une certaine contradiction persiste sur le travail collaboratif :  bien que de nombreux étudiants semblent être ouverts au principe de la collaboration entre pairs, la plupart des répondants ne sont pas intéressés par la création de liens sociaux dans le cours et préfèrent travailler indépendamment. Autrement dit, ces études confirment que l’interaction et le travail collaboratif ne sont pas des pratiques naturelles mais constituent des défis pour les apprenants. Cependant, elles démontrent que lorsqu’ils y parviennent, les étudiants tirent une certaine satisfaction des liens sociaux noués avec leurs pairs, voire des apprentissages réalisés dans ce contexte. Aussi, même lorsqu’il s’agit de collaboration entre étudiants, il ne faut pas oublier le rôle joué par l’enseignant dans la création des activités pédagogiques et le développement des interactions et de la pensée réflexive des apprenants. Alors que les étudiants sont souvent habitués à un modèle transmissif, les enseignants devraient notamment former les étudiants aux défis et avantages de l’apprentissage collaboratif afin qu’ils comprennent les activités proposées et adaptent leurs attentes et pratiques en conséquence.