Jean-Luc Ratel (Université du Québec à Montréal) et Annie Pilote (Université Laval) analysent comment les étudiant·es des Premiers Peuples combinent les apports de l’éducation autochtone et ceux de l’éducation occidentale, en développant des parcours qui s’inscrivent dans le mouvement actuel de décolonisation.

Leur article intitulé Métamorphoses de l’université et parcours d’étudiants autochtones au Québec : enjeux d’accessibilité aux études et de persévérance scolaire dans une perspective de décolonisation de l’éducation et paru dans la revue Recherches en éducation de l’Université de Nantes (France), prend appui sur les données recueillies dans le cadre de la thèse de doctorat (2019) de Jean-Luc Ratel. Provenant de 12 communautés autochtones, 23 étudiant·es et diplômé·es de 15 universités canadiennes (dont 12 québécoises) ont été interviewé·es au sujet de leur parcours scolaire, de leur rapport à l’identité et aux cultures autochtones, ainsi que de leur milieu d’origine.

Une analyse qualitative de ces données a permis de dégager certains constats concernant leur rapport aux études universitaires et les enjeux associés à la conciliation études-travail-famille.

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Principaux constats

Le rapport aux études

Les étudiant·es universitaires des Premiers Peuples rencontré·es développent davantage un rapport aux études de nature expressive, ancré dans leur identité et orienté vers l’amélioration du mieux-être en milieu autochtone.

Ce rapport aux études peut être qualifié d’« altruiste » dans la mesure où il est associé aux motifs et aux intérêts reliés à la poursuite des études universitaires chez une majorité de participant·es.

Les étudiant·es cherchent ainsi à combiner leur intérêt personnel pour un champ de connaissances aux besoins de leur groupe d’appartenance, que ce soit dans leur communauté d’origine ou dans d’autres communautés.

La conciliation études-travail-famille

Ratel et Pilote soulignent que la conciliation études-travail-famille se déroule plus difficilement chez les participant·es qui effectuent un retour aux études. En effet, plusieurs participant·es sont parents et ont déménagé de leur communauté d’origine. Le fait que les participant·es en retour aux études soient nombreux·ses dans l’échantillon confirme que le cheminement linéaire n’est plus le modèle unique dans les parcours scolaires. Cela implique également de  » […] réfléchir aux mesures déployées par les universités en vue de favoriser leur inclusion. » (p.109).

L’accessibilité

La recherche souligne l’influence de l’institution universitaire sur l’accessibilité aux études chez les Premiers Peuples, étant donné la plus grande flexibilité offerte en termes de retour aux études et de changements de programme.

Selon Ratel et Pilote, l’ouverture de la communauté universitaire à l’égard des étudiant·es des Premiers Peuples n’estompe pas pour autant la situation de discrimination systémique subie sur les campus, en lien avec l’invisibilité de leurs cultures et la méconnaissance de leurs réalités par les étudiant·es allochtones et le personnel des établissements.

Néanmoins, le mouvement de décolonisation de l’éducation, notamment en enseignement supérieur, contribue à offrir une plus grande sécurisation culturelle pour ces étudiant·es et à améliorer leur réussite éducative. Les étudiant·es et diplômé·es des Premiers Peuples contribuent au mieux-être en milieu autochtone et l’université et les pouvoirs publics peuvent les aider en les soutenant adéquatement (p.109).


Référence : Ratel, J.-L. et Pilote, A. (2021). Métamorphoses de l’université et parcours d’étudiants autochtones au Québec : enjeux d’accessibilité aux études et de persévérance scolaire dans une perspective de décolonisation de l’éducationRecherches en éducation, 44, 100-113.

Consulter notre dossier sur les étudiant·es des Premiers Peuples en enseignement supérieur