La Revue canadienne d’enseignement supérieur a publié un article dans lequel les auteurs tentent de mieux comprendre a posteriori comment des jeunes issus de l’immigration ont vécu leur choix de programme au cégep. Il s'agit d'une étude réalisée suite au constat de la persistance d'une démocratisation scolaire inachevée. Intitulé Jeunes issus de l’immigration et choix d’orientation au postsecondaire à Montréal, cet article de M.-O. Magnan, A. Pilote, V. Grenier et F. Darchinian révèle le rôle déterminant joué par la famille dans les choix d’orientation faits par les jeunes issus de l’immigration au moment de faire la transition entre le secondaire et le collégial. La question des ressources et de la disponibilité de l’information sur l’ensemble des choix d’orientation possibles et sur les rouages du système sont également au cœur de l’analyse effectuée.

Méthodologie

La recherche présentée est une étude sociologique de nature qualitative et repose sur le recueil de récits de vie (n=60) auprès de jeunes issus de l’immigration fréquentant un cégep à Montréal. Les répondants ont été sélectionnés en fonction des critères suivants :
  • être né au Québec ou être arrivé au Québec en âge d’aller au primaire;
  • avoir deux parents immigrants;
  • avoir fait ses études primaires et secondaires en français dans la région de Montréal;
  • étudier dans un cégep francophone ou anglophone à Montréal; et
  • être âgé de 18 à 30 ans au moment de l’entrevue.
Un effort a été fait par les chercheurs afin d’avoir une certaine diversité en matière de langue maternelle, de pays d’origine et sur le plan ethnique. Des entretiens de 1 h 30 à 2 h ont été réalisés. L’analyse des entretiens a été guidée par les deux questions de recherche suivante :
  • Quelles sont les contraintes perçues par les jeunes issus de l’immigration lors de leur choix de programme postsecondaire?
  • Quelles logiques sous-tendent leur choix?

Résultats généraux

Trois tendances générales ont été identifiées au cours de l’étude par les auteurs :
  1. L’importance de la contrainte familiale dans le vécu du choix de programme;
  2. l’importance de la logique instrumentale lors du choix de programme au cégep, comparativement à la logique expressive;
  3. la conception stratifiée des parents de ces jeunes en regard des programmes au cégep.
En analysant les récits de vie de jeunes issus de l’immigration, quant au rôle que joue la famille au moment de faire leur choix, les auteurs ont pu constater que « les jeunes peuvent avoir intériorisé les aspirations de leur famille (choix sans contrainte perçue) ou avoir négocié les aspirations de leur famille après plusieurs discussions et compromis (choix sous contrainte familiale) ». Les jeunes sous multiples contraintes (familiale, économique et scolaire) sont, pour leur part, plus fragilisés. Les auteurs ont noté que ceux-ci s’affairaient à construire des stratégies (ex. : parcours par paliers, accès rapide au marché du travail après avoir terminé un programme technique, etc.) qui leur permettent de persévérer à leur mesure et selon les objectifs qu’ils se sont fixés. Par ailleurs, les jeunes issus de l’Afrique noire, des Caraïbes, de l’Amérique Centrale et du Sud percevraient davantage de contraintes (familiale, économique et scolaire) que ceux originaires d’autres pays (pays anglo-saxons ou asiatiques). C’est ainsi qu’on note chez eux davantage de cas de décrochage au postsecondaire. On note également que leur parcours est plus discontinu (réorientation, arrêt des études, etc.) et marqué par une préférence pour les programmes professionnels.

Un manque de ressources informationnelles

La recherche a permis aux auteurs de noter chez les jeunes participants un manque de ressources informationnelles afin d’effectuer un choix éclairé. À ce sujet, ils soulignent que « davantage d’explications quant aux conséquences des options choisies sur la suite du parcours postsecondaire (ex. : choix d’une technique, choix des cours de mathématiques, etc.) pourraient être données afin d’éclairer l’éventail de possibilités ». Pour Magnan et ses collègues, les résultats énoncés permettent d’identifier certaines pistes pour repenser les stratégies des conseillers d’orientation et des autres intervenants scolaires. Deux questions ressortent à cet égard :
  • « Comment utiliser les ressources du “système” scolaire pour activer le potentiel et la liberté de choix des jeunes “sous multiples contraintes ressenties” et de leur famille (Sen, 2010) afin de mieux les outiller face à l’ensemble des possibilités qui s’offrent à eux? »
  • « Comment mieux accompagner les familles immigrantes, en particulier celles qui présentent un faible capital scolaire, dans leur compréhension du fonctionnement du système scolaire québécois, des paliers d’orientation et du marché de l’emploi? »
Voilà des questions dont les réponses pourraient permettre d’orienter le personnel scolaire afin de favoriser l’orientation de ces jeunes au postsecondaire.