Une analyse montre que plusieurs étudiants autochtones choisissent des programmes d'études leur permettant de contribuer au développement de leur nation.

Dans son mémoire intitulé Analyse des parcours scolaires exceptionnels des élèves autochtones au Canada (2017), réalisé dans le cadre d’une maîtrise en science, technologie et société à l’UQAM, Illa Ticci Sarmiento examine les différents parcours d’étudiants autochtones qui ont entrepris des études universitaires. Son étude a pour objectif de comprendre la relation entre la réussite et l’échec scolaire des Autochtones par rapport au contexte social desquels ils sont issus. Pour ce faire, l’auteure analyse leur réussite dans une perceptive sociologique, comme le résultat d’une combinaison de divers éléments : psychologiques, sociaux, culturels, politiques et pédagogiques.

Méthodologie

À la suite d’entrevues semi-dirigées avec des participants volontaires, Sarmiento a décortiqué les histoires de vie de vingt étudiants autochtones universitaires inscrits à la First Nations University of Canada (Regina, Saskatchewan), l’Université de Toronto (Toronto, Ontario), l’Université Concordia (Montréal, Québec) et au Collège Kiuna (Odanak, Québec). Ces étudiants sont issus des communautés Crie, Wendake, Dene, Inuit et Mohawk.

Typologie de parcours réussis

Pourquoi ou comment certains étudiants autochtones arrivent à poursuivre leur parcours scolaire jusqu’à l’université, et ce, malgré l’adversité ? L’analyse de données obtenues par l’auteure lui permet d’identifier trois types de parcours « réussis » :

  1. Le premier parcours est réalisé par des Autochtones urbains, qui perçoivent leur passage aux études postsecondaires comme tout à fait naturel. En ce sens, ce parcours n’est pas tant atypique;
  2. Le parcours accidenté est entrepris par ceux et celles qui ont réussi à reprendre leur parcours scolaire malgré des événements ou des expériences de vie difficiles qui auraient pu les faire décrocher;
  3. Le troisième parcours est jugé exceptionnel car il a été réussi contre toute attente ; il est fondé sur une très forte résilience de la part des personnes qui l’ont vécu. L’histoire de Sam, par exemple, est exceptionnelle : né dans une famille dysfonctionnelle et resté presque une année dans la rue, Sam a été pris en charge par une famille d’accueil propriétaires d’un magasin d’artisanat au centre-ville de Toronto. Il a réussi à finir son secondaire et, avec le soutien de cette famille, s’est inscrit à l’Université de Toronto où il fait des études en art. Après ses études, il prévoit ouvrir son propre magasin d’artisanat.

Cette typologie des parcours permet d’identifier la situation socio-économique, mais aussi la résilience comme étant les principaux facteurs de réussite chez les Autochtones interviewés.

Aider sa communauté

L’un des résultats les plus intéressant de cette analyse qualitative concerne le choix de programme des étudiants autochtones interviewés. Leur choix est souvent dicté par une certaine forme d’altruisme et de fierté des origines : ils désirent étudier dans un domaine qui leur permettra d’aider leur communauté et de contribuer à son développement. Une étudiante en travail social dans un grand centre urbain prévoit ainsi retourner dans son village d’origine. Le fait de chercher à s’améliorer et de se rendre utile à la communauté d’origine se présente comme un facteur important de la persévérance scolaire.

Après avoir fréquenté des institutions autres que celles conçues pour les Autochtones et après avoir expérimenté des difficultés surtout académiques, certains participants ont opté pour un changement de programme. Pour ce, ils ont eu recours aux conseillers et ressources conçues spécialement pour des étudiants autochtones.

Facteurs de réussite

Les facteurs de persévérance identifiés par l’auteure sont de plusieurs ordres. Mentionnons l’implication des parents comme un soutien face à l’action de l’école, l’éloignement géographique et la nécessité, pour l’étudiant, de sortir de la communauté pour réaliser son projet scolaire.

La recherche a démontré que la résilience était un élément important de la réussite scolaire. Cette résilience repose sur des processus de mobilisation personnelle, familiale et communautaire. Les étudiants qui réussissent ont des projets, l’espoir de réussir et élaborent des stratégies d’ apprentissage. S’ils maîtrisent progressivement la langue d’ enseignement (le français ou l’anglais), ils valorisent aussi leur langue maternelle.

Obstacles et facilitateurs

Pour plusieurs, des obstacles ont émergé dès l’école secondaire et lors de la décision de quitter leur entourage pour continuer leurs études. Or, le fait qu’ils maîtrisent une langue seconde facilite beaucoup leur apprentissage. Ils ont aussi dépassé leurs appréhensions face à l’éloignement de leur communauté, de leur famille et de leurs amis. Les avancées technologiques leur permettent maintenant de rester en contact avec leurs proches.

L’auteure souligne que c’est souvent le soutien d’instances spécifiques pour les étudiants autochtones dans les universités (conseillers, associations) qui leur a permis de s’adapter à leur nouvelle vie en ville, au Sud.