Le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) vient de publier un avis au Ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) dans lequel il met en lumière les enjeux et les défis actuels pour l’ensemble du système universitaire québécois.

Cet avis, intitulé Les réussites, les enjeux et les défis en matière de formation universitaire au Québec, traite de préoccupations soulevées au sein et à l’extérieur des universités en ce qui a trait à la formation universitaire, à la fois pour les individus et la société québécoise, par-delà les réalités propres à chacun des établissements et à chacune des disciplines.

Avant d’aborder directement ces enjeux, le CSE brosse des portraits de situation qui permettent ensuite d’examiner en profondeur certains aspects de la formation universitaire.

L’état de la scolarisation universitaire au Québec

Le premier chapitre de l’avis présente un portrait quantitatif et qualitatif comprenant des données sur la diplomation et l’accès aux études universitaires.

Bien que la situation du Québec soit comparable à celle de l’Ontario ou du Canada en ce qui concerne la maîtrise et le doctorat, des efforts devront être mis en œuvre du côté du baccalauréat.

De plus, selon le CSE, la démocratisation de l’enseignement universitaire reste inachevée. Des disparités persistent sur le plan du genre, pour ce qui est du « grand désavantage des hommes au baccalauréat et à la maîtrise », ainsi que de la sous-représentation des femmes dans plusieurs domaines du génie. Des disparités persistent également entre les grands centres urbains et les régions (p.55).

Les cheminements scolaires

Le deuxième chapitre présente différents aspects propres au cheminement scolaire qui influencent l’accès aux études universitaires et le choix du programme d’études.

Le CSE y constate la lourdeur des conséquences des règles de passage d’un ordre d’enseignement à un autre. Le « destin scolaire » et, par conséquent, le « destin socioprofessionnel » se fabriquent au fil de « choix » précoces dans le parcours de formation.

Dans quelle mesure le système éducatif québécois est-il encore prédéterminé ? Selon le CSE, le système d’options au secondaire joue un rôle potentiellement discriminant quant au choix de programmes à l’université.

CSE, 2019, p.90

Par ailleurs, l’utilisation de la cote R comme seul moyen de sélection ne permet pas de prendre en compte l’intérêt et la motivation de la population étudiante, ni ses compétences transversales comme le savoir-être et le savoir-agir.

Le CSE fait donc sien le principe selon lequel l’orientation scolaire et professionnelle doit se fonder avant tout sur les aspirations et les champs d’intérêt des personnes. Par conséquent, il juge important que l’ensemble des formations, tous ordres confondus, soient à la fois offertes et accessibles.

L’encadrement de la formation universitaire

Le troisième chapitre traite de l’encadrement de la formation universitaire par un recensement des différentes mesures mises en œuvre et des divers acteurs qui veillent à la qualité et à la pertinence de cette formation.

Le CSE est préoccupé par la faible connaissance de la population étudiante et du corps enseignant des différents référentiels de compétences évoqués. Il s’interroge entre autres sur les moyens de favoriser leur visibilité, leur diffusion et l’appropriation de leur contenu.

Le lien entre formation et emploi

Le quatrième chapitre de l’avis porte sur le lien entre la formation universitaire et le domaine de l’emploi.

Au sujet des stages, le CSE relève d’abord la reconnaissance étendue de leurs bénéfices. Il note qu’ils représentent un sujet sensible pour les acteurs concernés, notamment les étudiants aux prises avec les défis de la conciliation études-travail-famille. De plus, il constate que les conditions de stage sont fortement variables.

Enfin, le Conseil rappelle l’importance de soutenir la formation des doctorants.

L’université, lieu de culture et d’épanouissement

Le dernier chapitre est consacré à l’examen des bénéfices propres aux études universitaires et moins connus que ceux liés à l’emploi.

Il porte principalement sur les programmes interdisciplinaires, l’apport culturel des cours hors spécialité, la capacité de l’offre de formation à assurer une représentation de l’ensemble des disciplines et les autres bénéfices liés à la formation universitaire et contribuant à l’épanouissement personnel.

Concernant la mission de l’université du 21e siècle, le CSE adopte une position mitoyenne. En effet, il ne faudrait pas sous-estimer l’importance des critères socioéconomique lors de la création et l’évaluation de programmes, mais il faut éviter que des programmes soient conçus étroitement en fonction de besoins des personnes diplômées, des employeurs et de la société car ceux-ci évoluent rapidement et « appellent une vision ample des compétences à acquérir » (p.160).

En d’autres termes, pour le Conseil, les préoccupations relatives à l’employabilité et au développement de leurs compétences ne doivent pas faire perdre de vue les visées de la formation générale associées aux études universitaires, et ce, alors même que celles-ci font partie des demandes exprimées par les employeurs.

Par conséquent, le véritable enjeu n’est pas tant de savoir si l’université peut ou doit répondre aux besoins de formation et, par là, aux besoins du marché et du monde du travail. Il s’agit plutôt de savoir comment elle peut et doit le faire : d’abord efficacement, en s’organisant pour percevoir et suivre l’évolution des besoins, tout en étant fidèle à la mission qui est la sienne.

CSE, 2019

Viser la formation des personnes comme personnes; exercer cette capacité de réflexion et de distance critique; ne pas perdre de vue les impératifs du long terme en discernant les tendances des fondements qui durent; garder bien vivante la conscience des enjeux sociaux et éthiques qui sollicitent les gestes professionnels; préparer à l’emploi et répondre ainsi aux besoins du marché, voilà toutes des tâches pertinentes pour l’université en 2020.

Source : Conseil supérieur de l’éducation – CSE (2019). Les réussites, les enjeux et les défis en matière de formation universitaire au Québec, Québec, Le Conseil, 217 p.