Dans leur article publié dans la revue European Journal of Psychology of Education et intitulé « Achievement of first-year students at the university: a multilevel analysis of the role of background diversity and student engagement », les chercheurs Lardy, Bressoux et De Clercq analysent les facteurs de la réussite étudiante au moment de la transition entre le cycle secondaire et le cycle universitaire en France.

Constatant la « massification et la diversification » des profils de la population étudiante en première année universitaire, les chercheurs postulent qu’une meilleure compréhension de cette diversité peut aider les professionnel·les de l’enseignement à cerner les ressorts de la réussite scolaire étudiante durant cette transition scolaire cruciale.

« Cette étude vise à analyser dans quelle mesure la diversité des parcours d’entrée à l’université et l’engagement étudiant peut expliquer la réussite scolaire. L’analyse de l’influence de ces deux types de variables sur la réussite permet de remettre en cause le déterminisme de l’enseignement secondaire sur la réussite scolaire. » (traduction libre)

Lardy et al., p. 1

Contexte des Instituts universitaires de technologie (IUT) français

Afin d’observer cette diversité des parcours académiques, les chercheurs ont porté leur attention sur des détenteurs du bac français qui commençaient leur cursus universitaire dans des Instituts universitaires de technologie (IUT). Selon eux, ces IUT constituent des lieux où la diversité des parcours académiques se manifeste. L’accent mis sur les conditions de réussite dans les IUT, un sujet peu étudié, constitue d’ailleurs un apport inédit de leur recherche.

Ainsi, les chercheurs ont tenté de comprendre l’influence du parcours académique des étudiant·es de première année universitaire et l’effet de leur engagement sur la réussite scolaire dans les études supérieures en France. Pour ce faire, ils ont choisi de porter leur attention sur le parcours dit technologique. En effet, la mixité des antécédents académiques observée dans cette filière universitaire française est propice à mesurer l’effet des parcours scolaires et de l’engagement étudiant sur la note de fin d’année.

Méthode

Durant l’année scolaire 2014-2015, au second semestre précisément, un échantillon de 1229 étudiant·es de première année a été ciblé pour participer à cette recherche. Cela dit, des analyses multiniveaux ont finalement été réalisées auprès d’un échantillon de 748 étudiant·es de première année. L’écart entre le nombre initial d’étudiant·es contacté·es, soit 1229, et le nombre réel des sondé·es, soit 748, s’explique par les abandons en cours d’année scolaire. À noter que la moyenne d’âge des participant·es était de 18,43 ans (ibid., p. 7).

Par ailleurs, l’engagement étudiant a été mesuré à l’aide de deux enquêtes :

  • Approaches and Study Skills Inventory for Students (ASSIST);
  • Motivated Strategies for Learning Questionnaire (MSLQ).

Quant à la stratégie de modélisation retenue par les auteurs pour compiler les résultats, les variables ont été introduites par blocs : un modèle vide (modèle 0); les antécédents scolaires et sociaux (modèle 1); l’engagement étudiant (modèle 2); et enfin, les variables de composition de la classe (modèle 3) (ibid., p. 12).

Image : Canva

Résultats et discussion

Trois principaux constats ressortent de l’analyse des données :

  • Premièrement, le parcours scolaire au secondaire influence la note moyenne de fin d’année obtenue par les étudiant·es de première année universitaire (ibid., p. 14);
  • Deuxièmement, les Instituts universitaires de technologie (IUT) semblent contribuer à la réussite d’étudiant·es dont l’origine sociale est plus défavorisée, notamment en raison de la diversité des parcours des étudiant·es qui se côtoient dans les salles de classe. De plus, les IUT encourageraient la diversité et la mixité dans l’enseignement supérieur, selon les auteurs (ibid., p. 15);
  • Troisièmement, le rôle déterminant de l’engagement étudiant pour comprendre les performances scolaires ressort des résultats de la recherche, et ce, indépendamment du milieu universitaire des étudiant·es. Stimuler l’engagement étudiant serait un moyen de déjouer le déterminisme de leur milieu universitaire (ibid., p. 16).

Pistes pour une transition interordre réussie

« Ainsi, si les acteurs de l’enseignement supérieur veulent faciliter la transition vers l’enseignement supérieur, ils doivent s’efforcer de créer un contexte favorisant l’engagement étudiant et garder à l’esprit qu’il ne sera pas suffisant pour les étudiant·es les moins bien préparé·es. » (traduction libre)

Ibid., p. 16-17

Le parcours académique s’avère être un « poids lourd » de la réussite scolaire à l’université, selon les données recueillies par cette recherche. Ainsi, selon les chercheurs, il faudrait offrir un « accompagnement spécifique » aux étudiant·es qui possèdent une formation qui les aurait moins bien préparé·es au métier d’étudiant·e.

De plus, la variable de l’engagement s’est révélée déterminante dans la réussite des étudiant·es indépendamment de leur milieu scolaire. Cela porte les auteurs à croire qu’une manière de mieux accompagner les étudiant·es à risque serait de stimuler leur engagement scolaire.

Limites et enjeux de la recherche

Selon les auteurs, les abandons scolaires au premier semestre constituent une limite de la recherche, dans la mesure où les témoignages des étudiant·es ayant vécu le plus difficilement la transition secondaire-universitaire n’ont pas pu être intégrés dans la recherche. C’était pourtant l’objet de la recherche de cerner les difficultés de cette transition importante dans le cursus scolaire français. De même, les auteurs reconnaissent que les variables utilisées pour analyser leur corpus auraient pu être plus étendues, mieux contextualisées et plus précises à la fois (ibid., p. 17).

Les chercheurs souhaitent que les recherches sur la relation entre la diversité des parcours scolaires dans le secondaire et la réussite dans l’enseignement supérieur soient plus nombreuses. Car, si le lien semble important, les données empiriques manquent pour bien documenter l’enjeu.

En somme, entre déterminisme et engagement, les étudiant·es français·es tentent de se frayer un chemin vers la réussite de cette transition scolaire déterminante.  

Référence : Lardy, L., Bressoux, P., et De Clercq, M. (2021). Achievement of first-year students at the university: a multilevel analysis of the role of background diversity and student engagement. European Journal of Psychology of Education, 21p.