Dans le plus récent numéro de la revue française "Éducation et socialisation. Les Cahiers du CERFEE (Centre de recherches sur la formation, l’éducation et l’enseignement)", des chercheur·e·s examinent le thème de l’égalité des chances en enseignement supérieur.

Ce numéro intitulé Égalité des chances… ou des réussites et des places dans l’enseignement supérieur ? et coordonné par Emmanuelle Annoot (Université de Rouen Normandie) et Richard Étienne (Université Paul-Valéry Montpellier) comprend des articles basés sur des conférences présentées lors du colloque Egalisup, les 5 et 6 mars 2020, à Montpellier.

Le numéro débute par la conférence d’ouverture de l’événement présentée par François Dubet, sociologue et ancien directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales. Il y discute notamment des effets non voulus des massifications de l’enseignement en France, du secondaire au premier cycle du supérieur.  

Dans l’article L’égalité dans l’enseignement supérieur entre utopie et solutions concrètes, on retrouve les propos tenus lors d’une table ronde réunissant trois spécialistes de la pédagogie universitaire et de la didactique, soit Dominique Bucheton, Jean-Marie De Ketele et Philippe Meirieu. Ils y montrent que le rôle de l’écrit est essentiel dans la réussite des étudiant·e·s. L’organisation de travaux d’écriture avec des outils et une méthode progressive constitue donc une pratique sur laquelle peuvent s’appuyer les enseignant·e·s-chercheur·e·s.

Selon ces trois experts, les dispositifs pédagogiques et didactiques sont au moins aussi importants que le contenu de la formation.

Dans leur article Orienter et s’orienter vers l’enseignement supérieur dans un contexte de changement des politiques éducatives : incertitudes, choix, inégalités, Carole Daverne-Bailly et Claudie Bobineau (Centre interdisciplinaire de Recherche Normand en Éducation et Formation – CIRNEF) examinent l’articulation entre la réforme du lycée de 2018 et la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, dite loi ORE. Les auteures montrent que les dispositifs d’accompagnement à l’orientation se déclinent différemment dans les établissements d’enseignement secondaire, selon les priorités des équipes de direction.

Les résultats de leurs recherches témoignent d’une difficulté à réduire les inégalités d’orientation dans la transition vers l’enseignement supérieur.

À la suite d’une enquête dans l’Académie de Strasbourg, Sophie Kennel (Université de Strasbourg) analyse les intentions et les effets du dispositif des « cordées de la réussite » qui visent à favoriser l’ascension sociale dans l’enseignement supérieur. Son étude qualitative montre que les élèves inscrit·e·s font déjà preuve d’ambition scolaire avant d’intégrer le dispositif et ont un fort potentiel de réussite. Les cordées de la réussite constitueraient ainsi un modèle fondé sur le mérite individuel.

Un autre article de ce numéro qui a retenu l’attention du CAPRES est celui de Mikaël De Clercq (Université catholique de Louvain) et Cathy Perret ((Université de Bourgogne Franche-Comté). Les auteurs confirment que la transition universitaire est une période ponctuée de défis que l’étudiant·e doit pouvoir relever pour s’adapter à son nouvel environnement. Leur étude exploratoire comparative entre la France et la Belgique montre des similitudes entre les deux pays, mais également d’importantes différences telles qu’une plus grande perception d’obstacles pour les femmes d’un niveau socio-économique défavorisé dans le cas belge et de plus fortes différences entre les secteurs d’études dans le cas français.

Dans Trouver sa place dans le secteur académique, un projet de moins en moins attractif pour les doctorants ?, Julien Calmand et Jean-François Giret (Université de Bourgogne-Franche Comté) s’appuient sur les enquêtes du Céreq concernant l’insertion des jeunes docteur·e·s. Ils relèvent une baisse assez sensible de leurs aspirations à rejoindre le secteur académique en fin de thèse. La hausse de la précarité dans ce secteur semble affecter leur projet professionnel en les incitant à se tourner vers d’autres débouchés.

Un autre article qui a retenu notre attention est celui du sociologue Dany Daniel Bekale (Université Omar Bongo de Libreville). Au Gabon, la rhétorique de l’égalité des chances apparaît comme le crédo des autorités politiques, lesquelles y voient le modèle par excellence de la justice sociale. Or, un taux d’échec massif en première année met à l’épreuve cette rhétorique de l’égalité des chances au regard des conditions d’études et de vie des étudiants.

Bekale s’interroge : comment parler d’égalité des chances dans un contexte marqué par différentes formes de précarité ?

Enfin, dans l’article Accompagner la réorientation en licence : une évaluation de l’implantation d’un dispositif d’aide à la réussite, Nathalie Younès, Juliette Robert, Elisa Guyon et Emmanuèle Auriac-Slusarczyk (Université Clermont Auvergne) abordent l’évaluation des dispositifs d’aide à la réussite en licence. Les résultats de leurs enquêtes montrent que la maitrise de la langue intervient comme un fait saillant pour caractériser les étudiants suivis. Aussi, les taux d’assiduité sont différents selon les filières. Les auteures s’interrogent sur les manières d’ajuster le dispositif à la réalité du public ciblé et de choisir des modes de sélection plus adéquats et moins discriminatoires.

Consulter : Égalité des chances… ou des réussites et des places dans l’enseignement supérieur ? Éducation et socialisation. Les Cahiers du CERFEE. Numéro coordonné par E. Annoot et R. Étienne, no 58, 2020.