Une équipe de recherche suisse propose une réflexion sur le processus de professionnalisation des stagiaires en formation dans le domaine du travail social. Plus précisément, elle aborde le travail d'équipe au sein des processus de formation pratique et le fait d’apprendre à « prendre sa place ».

L’article Former à « prendre sa place » dans une équipe du travail social : une dimension collective des pratiques de tutorat, publié dans Éducation et socialisation. Les Cahiers du CERFEE, a été rédigé par Dominique Trébert (professeur à la Haute école de travail social et de la santé Lausanne, HETSL) et les collaboratrices scientifiques de la HETSL, Fanny Bovey, Camille Montefusco et Marianne Zogmal.

Comment s’élaborent et se négocient conjointement les opportunités pour apprendre au cœur des pratiques professionnelles quotidiennes ? Comment étudiant·e, tuteur·trice et membres d’une équipe socioéducative construisent-ils leurs « places » respectives au service de l’apprentissage ? Voilà les principales questions auxquelles tentent de répondre Trébert et ses collaboratrices dans cet article.

Ce texte propose une analyse de trois extraits d’un stage de formation en travail social en vue de mieux comprendre comment un ou une stagiaire prend sa place au sein d’une équipe en situation de travail et comment une équipe de travail, destinée à l’accompagner et à l’aider, s’y ajuste. Ces trois extraits sont issus d’enregistrements audiovisuels qui mettent en scène une variété d’acteurs et d’actrices impliqué·es dans des situations de formation et de travail à différents moments du stage (paragraphe §14).

Le travail d’équipe inhérent à la profession

Les interactions avec autrui et les situations complexes sont inhérentes à la pratique quotidienne du travail social. L’activité professionnelle est nécessairement collective puisque « travailler ensemble » s’avère incontournable pour accomplir les actes professionnels attendus.

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 « Les tuteurs et les tutrices ne travaillent en effet jamais seul·e·s […] Ils [et] elles interagissent en permanence avec les membres d’une équipe socioéducative, avec les usagères et usagers accueilli·e·s au sein de la structure et avec les étudiant·e·s. Ils [et] elles sont également amené·e·s à coordonner leur travail avec une variété de services extérieurs. » (§6)

Un processus complexe

À la suite de l’analyse des interactions d’une étudiante stagiaire, d’une praticienne formatrice et de trois autres personnes membres de l’équipe, Trébert et ses collaboratrices examinent comment les stagiaires vivent leur intégration au travail.

Voici les grands constats qui se dégagent de leur analyse du processus de « prendre sa place » :

  • il comporte des risques qui ne sont pas sans enjeux de pouvoir, autant pour l’apprenant·e que l’équipe professionnelle;
  • il ne concerne pas seulement le tandem étudiant·e – praticien·ne, mais aussi l’équipe élargie;
  • il comprend des enjeux émotionnels;
  • il est fortement langagier et repose sur une diversité de ressources sémiotiques, c’est-à-dire de significations (§37).

En effet, prendre sa place au sein d’un équipe implique de mobiliser une variété de ressources verbales et non verbales. Selon Durand (2017, cité §38), poser une question explicite à un·e tuteur/trice ou à un membre du collectif de travail fait partie des ressources mobilisées.

Lorsque l’apprenant·e rencontre des obstacles ou s’il ne dispose pas des informations ou des connaissances nécessaires pour accomplir une activité, cela peut lui permettre d’accéder aux savoirs des praticien·nes expérimenté·es. Par ailleurs, poser des questions peut être vu comme le signe d’un manque d’autonomie et une façon non professionnelle de résoudre les problèmes dans les contextes de travail (§39).

Dans ce contexte paradoxal, l’étudiant·e doit poser des questions mais au moment opportun et de la bonne manière. Apprendre à prendre sa place en demandant de l’aide peut être pertinent mais également montrer une certaine vulnérabilité qui n’est pas sans enjeux, notamment celui relatif au contrôle et à l’évaluation (§40).

Demander de l’aide peut aussi être contraignant pour l’équipe ; l’étudiant·e doit donc chercher de l’aide en s’intégrant au flux des interactions, sans trop déranger le fil des activités en cours (§41). Le contexte de stage est donc un lieu d’apprentissage mais aussi un lieu de tension où la demande d’aide peut être source de nombreux dilemmes (ibid.).

Finalement, chez ceux et celles qui accompagnent les stagiaires, certaines stratégies sont à favoriser pour les « former à prendre sa place ». Parmi celles soulignées, retenons qu’il est bénéfique d’encourager la mobilisation des ressources des stagiaires, de leur laisser du temps pour trouver les réponses de façon autonome, dans l’action, et finalement, d’offrir des pistes de réponses sans pour autant le faire à leur place.

Référence 

Trébert, D., Bovey, F., Montefusco, C. et Zogmal, M. (2021). Former à « prendre sa place » dans une équipe du travail social : une dimension collective des pratiques de tutoratÉducation et socialisation. Les Cahiers du CERFEE, (62).