Pour qualifier les étudiants venus des quatre coins du monde réaliser un projet d’études, on retrouve principalement deux épithètes : « étranger » et « international ». Ces qualificatifs sont-ils équivalents ? Désignent-ils les mêmes étudiants ? Et quelles sont les principales caractéristiques sociodémographiques de cette population étudiante au Québec ?

Plusieurs universités et cégeps québécois s’emploient activement à recruter des étudiants internationaux en vue d’attirer ceux et celles qui souhaitent réaliser un projet d’études et vivre une nouvelle expérience (Pilote et Benabdeljalil, 2007; BCEI, 2016; Belkhodja et Esses, 2013).

Dans un contexte mondial de mobilité étudiante, la notion d’« étudiant international » (international student) tend graduellement à remplacer celle d’ « étudiant étranger ». Elle est souvent employée dans les écrits relatifs à une population migrante qui englobe l’ensemble des étudiants n’ayant pas encore la citoyenneté canadienne, incluant les réfugiés.

Bérubé et al., 2018

Le terme d’étudiant étranger peut également avoir une connotation négative en stigmatisant l’étudiant par rapport aux étudiants dits locaux ou natifs (Bikie Bi Nguema et al., 2018).

Migration liée au permis d’études

L’Institut de la statistique de l’UNESCO (ISU) décrit les étudiants internationaux (ou « étudiants en mobilité internationale ») comme étant « des personnes étudiant dans un pays étranger dont ils ne sont pas des résidents permanents. » (cité par AÉLIES, 2016). L’ISU privilégie cette notion à celle d’étudiant étranger (un étudiant qui n’est pas citoyen du pays où il étudie) puisque les mesures d’accession à la citoyenneté varient largement d’un pays à l’autre, rendant ainsi difficile la comparaison internationale (ibid.).

Selon Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (2019), un étudiant international est un « résident temporaire autorisé légalement à étudier au Canada de façon temporaire ».

Cette définition met l’accent sur le statut de la personne « résident temporaire » et les autorisations qui sont octroyées pendant une période déterminée (permis d’études et résidence temporaire).

Statistique Canada (citée dans Bérubé et al., 2018) se situe dans la même lignée lorsqu’elle soutient que les étudiants internationaux comprennent : 1) les étudiants au Canada qui détiennent un visa ou sont réfugiés, mais qui n’ont pas de statut de résident permanent au Canada; 2) les étudiants inscrits dans un programme d’une institution canadienne qui n’est pas situé au Canada (ces étudiants sont aussi connus comme étant des « étudiants extraterritoriaux »); 3) les étudiants non canadiens qui étudient par Internet.

L’importance des termes

Le statut d’étudiant international est particulier puisque, selon Séguin (2011), « ils sont migrants, mais pas immigrants ».  Ils vivent une migration temporaire liée à leur permis d’études, mais leur scolarité est acquise dans leur pays d’origine et peut influencer leur adaptation au contexte d’enseignement. À cet égard, les étudiants récemment immigrés qui fréquentent un cégep ou une université québécoise peuvent vivre des situations qui ressemblent à celles des étudiants internationaux.

Ces distinctions dans les termes sont importantes car elles mettent en évidence les enjeux de temporalité, de conditions de séjour, ainsi qu’un rapport complexe de loyauté envers leur pays et culture d’origine et ceux du pays d’accueil (Bérubé et al., 2018).

Qui sont les étudiants internationaux ?

La très grande majorité des étudiants qui choisissent de venir réaliser un projet d’études postsecondaires au Québec viennent de la France[1]. La Chine arrive au second rang de la provenance des étudiants, au cégep comme à l’université (MESRSab, 2013)[2].

MESRSab, 2013

Les plus récentes statistiques du Bureau de la coopération interuniversitaire (BCI, 2018) montrent que sur les 45 086 étudiants internationaux inscrits dans une université québécoise à l’automne 2018, 55 % (24 811) d’entre eux poursuivent des études de 1er cycle, 29 % (13 255) des études de 2e cycle et 16 % (7020) des études doctorales.

La majorité des étudiants internationaux qui poursuivent des études universitaires au Québec le font à l’Université McGill (25,8 %), l’Université de Montréal/HEC/Polytechnique (22,6 %) et à l’Université Concordia (17,6 %) (BCI, 2018).

Deux universités anglophones (McGill et Concordia) concentrent ainsi 43,4 % de la population universitaire internationale dans les universités au Québec, tous cycles confondus (voir Graphique 1).

Cette présence d’étudiants internationaux dans les universités anglophones du Québec pourrait s’accroître dans les prochaines années. La Politique québécoise de financement des universités, dévoilée au printemps 2018 par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, vise en effet à déréglementer les frais de scolarité pour les étudiants internationaux, en vue de permettre aux universités de fixer elles-mêmes le coût des études.

Or, certaines études (Lesage et Hébert, 2018) montrent qu’en plus d’une course au recrutement et d’une mise en concurrence des universités, la déréglementation pourrait provoquer un déséquilibre important entre elles. La déréglementation signifie que l’État ne redistribuera plus entre les établissements les sommes payées par les étudiants internationaux. Les universités qui en attirent déjà beaucoup (notamment les universités anglophones) bénéficieront de revenus plus importants.

La simulation des impacts de la déréglementation réalisée par Lesage et Hébert (2018) montre en effet que les gagnants de la déréglementation seront l’Université McGill, l’Université Concordia et, dans une moindre mesure, l’Université de Montréal (p.6). Les établissements situés dans les régions ainsi que ceux de plus petite taille auront de plus faibles revenus, compte tenu de leur moins grande capacité d’attraction internationale et de leurs plus petits bassins de recrutement dans la francophonie.


[1] En vertu de l’entente signée entre le gouvernement du Québec et celui de la France en matière de mobilité étudiante, les étudiants français de niveau universitaire de 1er cycle (baccalauréat) peuvent se prévaloir du tarif canadien non-résident du Québec. Les Français étudiant dans un programme de formation universitaire de 2e ou de 3e cycle (maîtrise et doctorat), de formation collégiale ou de formation professionnelle ont, quant à eux, accès au tarif québécois (Site du MEES, 2019).

[2] Au Canada, l’origine des étudiants internationaux est l’Inde (27 %), la Chine (26 %), la Corée (5 %), la France (4 %), le Brésil (3 %), le Vietnam (3 %) et les États-Unis (BCEI, 2019).