Chaque année, des dizaines de milliers d’étudiants de diverses origines arrivent au pays pour poursuivre leurs études collégiales et universitaires. Dans les dernières années, le nombre d’étudiants internationaux a connu une croissance rapide au Québec (Graphique 1). En 2015, le gouvernement canadien espérait quant à lui attirer 450 000 étudiants internationaux d’ici 2022, soit le double des effectifs de 2015 (Citoyenneté et Immigration, 2015).

Or, dans son rapport de 2018, le Bureau canadien de l’éducation internationale (BCEI) dénombrait, au 31 décembre 2017, 494 525 étudiants internationaux au Canada, tous cycles confondus (cité dans Bérubé et al., 2018)[1]. Ce nombre dépassait déjà, en 2017, l’objectif du gouvernement fédéral de 450 000 étudiants internationaux en 2022.

Au Québec, les données les plus récentes du Bureau de coopération interuniversitaire (BCI, 2018) montrent qu’à l’automne 2018, ils étaient 45 086 dans les universités québécoises, soit une augmentation de 6,4 % comparativement à l’automne 2017. La hausse est particulièrement forte au 2e cycle (12,2 %), mais se constate aussi au 1er cycle (3,7 %) et au 3e cycle (5,6 %). La part des étudiants internationaux dans l’ensemble de la population étudiante a également augmentée comparativement à 2017, passant de 13,7 % à 14,6 %.

Près d’un étudiant sur sept fréquentant les universités québécoises n’est donc pas citoyen canadien ou résident permanent.

BCI, 2018
Source : BCI, 2013 à 2018

Le réseau collégial public du Québec, qui comprend 48 cégeps, a accueilli pour sa part un nombre record de 4 431 étudiants internationaux à l’automne 2018 (Le Devoir, 2018)[2]. Compte tenu du vieillissement de la population, les cégeps recrutent de plus en plus d’étudiants internationaux, particulièrement en région (Boudreau, 2009). La survie de certains programmes dépend parfois de la présence d’étudiants internationaux, comme au Cégep de Matane, par exemple (voir Pratique inspirante du présent dossier). Dans la région du Saguenay–Lac-St-Jean, les cégeps de Jonquière, Chicoutimi, Saint-Félicien et le Collège d’Alma accueillent des étudiants internationaux depuis plus de dix ans, en développant des partenariats internationaux (Bikie Bi Nguema et al., 2018, à paraître). L’effectif total des étudiants internationaux dans la région du Saguenay–Lac-St-Jean était, en 2018, de 741 personnes d’origines diverses.

Cette augmentation du nombre d’étudiants internationaux dans les établissements postsecondaires demande une adaptation de l’ensemble des membres des communautés collégiale et universitaire, en particulier sur le plan de la compréhension des obstacles et défis spécifiques rencontrés par cette population étudiante.

Des obstacles de taille

De façon générale, dans la dernière décennie, on a constaté un écart significatif entre le taux de diplomation des étudiants dits locaux et celui des étudiants internationaux inscrits au premier cycle.

En effet, selon des statistiques du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES), un écart moyen de 16 % inférieur pour les étudiants internationaux était observable pour l’obtention d’un baccalauréat après six ans, entre les années 2005 et 2009, toutes universités francophones du Québec confondues.

cité dans Bérubé et al., 2018

Pilote et Benabdeljalil (2007) montrent que la capacité des étudiants internationaux à s’intégrer dans leur milieu d’accueil est étroitement liée à leur réussite scolaire. Autrement dit, mieux un étudiant international s’adapte à son milieu d’accueil, meilleures sont ses chances de réussite et de diplomation. Les chercheures affirment en ce sens que « les problèmes liés à l’intégration et aux autres dimensions de l’expérience internationale doivent être appréhendés comme trame de fond des autres difficultés rencontrées. » (p. 44).

Cet écart dans les taux de diplomation peut s’expliquer par les nombreux défis que rencontrent les étudiants internationaux. Les obstacles sont multiples et interviennent dans les différentes dimensions de l’expérience d’un étudiant international (socioculturelle, académique, administrative et financière, personnelle), mais aussi à différents moments (préparation, arrivée, retour dans le pays d’origine) (Maïnich, 2015).

Des travaux qui synthétisent ces défis (dont Bérubé et al., 2018; Maïnich, 2015) permettent d’en identifier certains de manière non exhaustive :

  • le choc culturel

Certains étudiants internationaux ont à faire face à des défis d’adaptation culturelle importants. Ils doivent s’adapter dans un court laps de temps à des éléments culturels nouveaux, notamment dans les domaines des relations interpersonnelles, des rapports hommes-femmes, du mode de vie occidental et nord-américain, etc.

Un sentiment d’isolement, lequel peut découler du choc culturel, peut avoir un effet sur leur capacité à s’adapter au milieu d’accueil.

Maïnich, 2015

Les étudiants internationaux peuvent également ressentir un stress d’ « acculturation » pendant le processus d’adaptation à de nouvelles normes culturelles, sociales et institutionnelles, stress qui peut se traduire par des troubles du sommeil et de l’alimentation (ibid.). Brown et Holloway (2008, cité par Maïnich, 2015) ont étudié la phase initiale du séjour d’un étudiant international dans une université. Ils ont constaté que cette phase initiale n’a pas été caractérisée par des sentiments d’excitation; les étudiants internationaux ont plutôt été submergés par des symptômes psychologiques et émotionnels négatifs associés au choc culturel.

Le stress d’acculturation semble inévitable, mais il est possible d’identifier des avenues pour une meilleure adaptation culturelle des étudiants internationaux, notamment la création d’un réseau social (Maïnich, 2015).

  • le réseau social à (re)construire

Les étudiants internationaux interrogés dans l’étude exploratoire menée par Bikie Bi Nguema et al. (2018, à paraître) au Saguenay–Lac-St-Jean (SLSJ) reconnaissent eux-mêmes l’importance et la nécessité d’avoir un réseau social. Selon leurs dires, c’est le réseau ou l’entourage social qui les motive à persévérer.

Ils reconnaissent également l’importance de leurs pairs québécois comme élément facilitant le contact et l’intégration dans la culture québécoise. Ils affirment toutefois vivre parfois du rejet et ont tendance à aller vers ceux et celles qui leur ressemblent.

D’autres recherches (Germain et Vultur, 2016; Campbell, 2012) mettent en évidence le fait que le développement de liens, dont les amitiés avec des étudiants locaux, est favorable à une expérience positive d’études à l’étranger. Pour accompagner les étudiants internationaux dans la création de nouveaux liens, des établissements offrent des programmes de jumelage (voir Pratique inspirante du présent dossier) misant sur la collaboration des étudiants locaux et de la communauté (sur le campus et hors campus). L’étudiant nouvellement arrivé peut ainsi compter sur l’expérience, le réseau et les connaissances d’un pair pour comprendre les procédures institutionnelles, s’approprier des méthodes de travail, interpréter les codes sociaux, se mailler avec d’autres étudiants, etc.

Selon Campbell (2012), ces pratiques de jumelage seraient profitables à l’intégration des étudiants internationaux, mais également aux étudiants locaux au regard de l’acceptation des différences et du sentiment de valorisation personnelle.

Les étudiants internationaux interrogés dans l’étude de Bikie Bi Nguema et al. (2018, à paraître) affirment qu’une intégration réussie consiste à se sentir « comme chez soi » ou « comme dans sa famille en terre étrangère ». Ils soulignent que le sentiment d’appartenance n’est pas synonyme de perte d’identité; selon eux, une intégration réussie implique plutôt de s’adapter au milieu d’accueil sans oublier sa culture d’origine. Ils insistent sur l’importance de rester eux-mêmes, ce qui leur permettrait de partager leur culture. Aux yeux des étudiants interrogés, l’intégration n’est pas à sens unique et suppose un partage, un échange interculturel et consisterait en un savant mélange des deux cultures (québécoise et celle du pays d’origine) pour « avoir le meilleur des deux » (ibid.).

  • l’adaptation à l’enseignement et à l’apprentissage

Les difficultés d’adaptation au pays d’accueil ont des conséquences sur la formation et les apprentissages des étudiants internationaux, notamment en termes de nouvelles méthodes d’apprentissage, de nouvelles modalités d’évaluation et de nouveaux outils technologiques (Pilote et Benabdeljalil, 2007). Ces défis concernent également les attentes des professeurs, les approches pédagogiques, la prise de notes et même l’accent de l’enseignant (Maïnich, 2015).

De plus, l’adaptation à une autre culture scolaire et académique est un défi considérable et renvoie également à des conceptions différentes du plagiat sur les plans des définitions, des attitudes et des pratiques selon les cultures (Dinet, 2018). En Chine, par exemple, plagier consiste à rendre hommage à un auteur; en Corée, une idée ne peut pas appartenir à un seul individu (ibid.).

Des étudiants interrogés dans le cadre de l’étude de Maïnich (2015) témoignent ainsi de leur adaptation à des conceptions différentes de l’autorité professorale : pour Jao, un étudiant brésilien, « Au Brésil, le professeur est comme un prêtre » (p.160). Pour Parfait, originaire du Burkina Faso, l’enseignant revêt plutôt une figure paternelle :

« Il y a des enseignants qui sont cools et d’autres qui ne le sont pas. Quand je dis qu’ils ne sont pas proches, c’est dans le sens : on peut très bien s’entendre avec un professeur, mais on lui parle et le salue comme un père. On ne peut pas le salir, alors qu’ici on peut leur causer comme à des camarades. On doit utiliser le vouvoiement, mais il y en a qui nous disent de les appeler par leur prénom ».

Maïnich, 2015, cité p.160

Néanmoins, les étudiants internationaux des cégeps du Saguenay–Lac-St-Jean interrogés par Bikie Bi Nguema et al. (2018) semblent apprécier cette accessibilité des enseignants, les déclarant plus ouverts et à l’écoute que les enseignants de leur pays d’origine. Selon eux, ils seraient professionnels, sauraient rester neutres et les mettraient en confiance. Il serait ainsi facile d’aller vers eux, de leur poser des questions et de leur demander des explications supplémentaires.

Ces étudiants interrogés par Bikie Bi Nguema et al. (2018) soulignent que les enseignants de leur cégep sont très proches des étudiants internationaux et très compréhensifs envers eux : ils les encouragent, tentent de trouver des solutions lorsqu’ils ont des problématiques d’ordre scolaire et valorisent leur travail devant la classe.

  • la barrière de la langue

Les étudiants internationaux ne maîtrisent pas toujours suffisamment la langue officielle et d’enseignement du pays et de l’établissement qui les accueillent. Maïnich (2015) souligne que de nombreuses recherches ont montré le lien entre les compétences linguistiques des étudiants internationaux et leurs performances académiques. Plus l’étudiant est compétent dans la langue d’enseignement de l’université d’accueil, moins il ressentira de stress d’acculturation (Poyrazli et al., cité dans Maïnich, 2015)

Comme nous l’avons vu plus tôt, la barrière de la langue peut nuire à l’intégration sociale et culturelle de l’étudiant et contribuer à l’émergence d’un sentiment d’isolement ou de choc culturel. La communication peut constituer un défi majeur pour les étudiants internationaux avec les autres étudiants, mais aussi avec les enseignants et le personnel de l’établissement « en raison du fossé culturel qui peut les séparer » (CRÉPUQ, 2010 : 17).

Les difficultés à communiquer dans une langue différente peuvent rendre les productions écrites (examens, rapports, mémoires, thèses, etc.) laborieuses pour les étudiants internationaux. Quand il s’agit de travaux d’équipe, des obstacles liés à la méthodologie et aux stratégies d’apprentissage peuvent s’ajouter aux défis d’écriture et de lecture (ibid.).

Les défis liés à la langue sont donc étroitement liés à ceux de l’apprentissage, de l’enseignement, de la pédagogie et de l’encadrement.

Le défi consiste à s’adapter à un système qui valorise la compréhension, l’expression personnelle, le développement du jugement critique et le travail d’équipe  (Gaudet et Loslier, 2009). Cette adaptation peut générer de l’anxiété chez l’étudiant pour qui des stratégies comme le travail individuel et la mémorisation ont été valorisées pendant son parcours scolaire antérieur.

Pour outiller les étudiants, plusieurs initiatives et programmes incluent dans leur offre linguistique un volet sur la méthodologie et sur la culture québécoise.

  • le racisme et les préjugés

Le Bureau canadien de l’éducation internationale a mené une grande enquête (BCEI, 2013) sur la fréquence et les formes de discrimination et de racisme vécues par les étudiants internationaux au Canada. Les résultats de cette étude montrent que certains d’entre eux affirment avoir été victimes de discrimination dans leurs interactions avec les enseignants, le personnel, les étudiants locaux et le milieu d’accueil.

Plus précisément, ils se sont sentis moins accueillis dans leurs interactions avec les autres étudiants et les personnes hors du campus qu’avec le personnel et les enseignants. Environ 25 % des étudiants internationaux interrogés dans le cadre de cette enquête ont dit avoir été victimes de discrimination raciale et environ 29 % de discrimination culturelle et/ou religieuse.

Les participants de l’étude de Bikie Bi Nguema et al. (2018) soulignent pour leur part que lorsqu’ils sont confrontés à un climat de classe négatif, c’est-à-dire à une classe où ils ressentent de l’adversité, ils ne se sentent pas accueillis, ressentent du rejet et de la discrimination, ont moins le goût de s’intégrer et sont moins motivés.

Certains étudiants interrogés par Bikie Bi Nguema et al. (2018) au Saguenay-Lac-St-Jean affirment avoir été victimes de racisme et d’autres affirment connaître une personne de leur entourage qui l’a été. Ils croient que ce racisme est centralisé en région et se manifeste de manière subtile dans les propos et les gestes, comme celui de ne pas vouloir se mettre en équipe avec un étudiant international.


Lorsqu’on demande aux étudiants internationaux eux-mêmes ce qui favorise leur intégration et leur réussite scolaires, ils identifient les éléments suivants (Bikie Bi Nguema et al., 2018) qui correspondent aux défis identifiés :

  1. Les éléments liés à la classe : la proximité avec les enseignants, la bonne relation avec les enseignants, le climat de classe, le partage de connaissances, l’entraide, le travail de groupe avec les autres étudiants;
  2. Les éléments propres à l’étudiant international : être ouvert d’esprit, aller vers les gens, participer aux activités, se donner les moyens de vouloir s’intégrer, être persévérant et motivé, ne pas oublier l’objectif pour lequel ils sont venus au Québec;
  3. Les éléments liés à l’établissement d’enseignement : l’accueil chaleureux qui réduit le stress, facilite l’intégration et fait naître le sentiment d’acceptation, l’existence de nombreuses activités, la présence de personnes-ressources;
  4. L’existence d’un bon réseau social qui permet de lutter contre le sentiment d’isolement et favorise le sentiment d’appartenance et d’acceptation.

Aux défis identifiés, il est possible d’en ajouter d’autres : la recherche de services et de soutien[3], les contraintes financières, la bureaucratie (les formalités liées à l’immigration), la recherche d’un logement, la recherche d’une assurance médicale, la situation d’étudiants-parents et la conciliation études-famille, etc.

Vers une diversité positive

Même si les étudiants internationaux rencontrent de nombreux défis et obstacles lors de leur séjour d’études, il importe de mentionner qu’ils sont nombreux à se démarquer dans leur programme et à obtenir leur diplôme (Proulx, 2017).

En effet, par leur bagage culturel et leur regard neuf ou renouvelé sur leur milieu d’accueil, les étudiants internationaux apportent une contribution majeure dans le développement du savoir, en plus de constituer une source de diversité et de créativité.

Belkhodja, 2013

Leur présence croissante demande aux établissements des mesures d’accueil et d’accompagnement susceptibles d’assurer leur réussite scolaire, mais également leur sécurité psychosociale (Pilote et Benabdeljalil, 2007). Si la réussite scolaire est facile à observer et à mesurer par les notes ou la diplomation, leur bien-être, leur santé mentale et leur sécurité psychosociale [4] restent complexes (Bérubé et al., 2018).

En ce sens, il semble important de souligner la nécessité de la coopération des milieux d’accueil pour la réussite académique et la sécurité psychosociale des étudiants internationaux. En effet, lors des démarches liées à l’accès au logement, à l’emploi, aux services de santé, aux activités culturelles ou encore à des stages de formation, les étudiants internationaux semblent rencontrer des difficultés dans les communautés d’accueil (ibid.), et pas seulement sur les campus.

Dans le cadre du présent dossier, le CAPRES propose certains exemples de pratiques inspirantes pour les étudiants internationaux, notamment en termes de collaboration entre l’établissement postsecondaire et la communauté d’accueil, dans le but de rendre l’expérience internationale aussi bénéfique pour l’étudiant que pour le milieu. Les étudiants locaux comme les étudiants internationaux peuvent ainsi tirer une expérience positive de la diversité dans leur milieu d’études et de vie.


[1] Ces chiffres cités par le BCEI proviennent d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).

[2] Au Canada, la croissance des étudiants internationaux collégiaux a connu une augmentation de 130 % depuis 2015 (BCEI, 2019).

[3] La santé mentale des étudiants internationaux fera l’objet d’un second enjeu traité distinctement dans le cadre du présent dossier, dans la mesure où le choc culturel décrit précédemment induit des difficultés psychosociales de taille sur les plans affectifs, cognitifs, identitaires, culturels et spirituels (Van de Velde, cité dans Bérubé et al., 2018).

[4] Rappelons que la santé mentale des étudiants internationaux fait l’objet d’un second enjeu traité distinctement dans le cadre du présent dossier.