Une période d’adaptation est inévitable lors d’une transition vers un nouvel endroit. En plus des défis rencontrés par les jeunes adultes en transition, les étudiants internationaux peuvent vivre un « choc culturel » (ACSM, 2010; Nashef, 2017; Winter, 2019).

Dans les années 1960, Kalervo Oberg a été le premier anthropologue à utiliser l’expression culture shock qui renvoie à « une expérience de stress et de désorientation vécue par la personne devant apprendre à vivre dans une nouvelle culture ». La perte des repères qui résulte du choc de déménager, de se retrouver dans un nouvel environnement et de devoir s’adapter rapidement à un nouvel univers culturel peut générer de l’anxiété et du stress, voire une désorientation psychologique et physique (Winter, 2019).

L’étude exploratoire menée par le Groupe d’Étude des COnditions de vie et des BESoins de la population (ÉCOBES) montre que pour les étudiants internationaux, l’expérience migratoire est synonyme de grands changements et peut devenir un élément de stress et d’anxiété :

« C’est beaucoup de changements. Toutes nos habitudes sont bouleversées. On n’a plus ce confort de l’habitude. Il faut tout reconstruire, se refaire des amis, il faut se réhabituer. »

Témoignage d’un étudiant international, cité dans Bikie Bi Nguema et al., 2019

Westwood et Barker (cités dans AELIES, 2016) vont dans le même sens lorsqu’ils affirment que le choc culturel est précipité par l’anxiété venant de la perte des symboles familiers d’interaction sociale. Les symptômes du stress culturel sont l’anxiété, le désespoir, l’irritabilité et un désir de se retrouver dans un environnement plus prévisible et gratifiant (ibid).

Le sentiment exprimé par les étudiants renvoie souvent au « mal du pays », soit un désir de retrouver un environnement familier, comme en témoignent les résultats de l’étude exploratoire menée par Bikie Bi Nguema et al. (2019).

Selon Nashef (2017), psychologue à l’Université de Waterloo, le choc culturel constitue un processus normal qui peut être vécu dans les premiers temps d’un séjour à l’étranger. La plupart des étudiants internationaux passent à travers ce processus, qui possède des éléments caractéristiques (ibid.) :

  • une anxiété générée par la transition vers un nouvel environnement;
  • ne pas savoir quoi faire ou comment faire les choses parce que la situation est nouvelle;
  • un inconfort physique et émotionnel;
  • un mal du pays;
  • un désir d’éviter les milieux sociaux;
  • un sentiment d’hostilité envers la culture d’accueil;
  • un état dépressif et un sentiment d’impuissance;
  • des difficultés à suivre les cours et à se concentrer;
  • des difficultés liées au sommeil;
  • etc.

La culture pédagogique

Un nouvel environnement culturel peut signifier également, pour certains étudiants internationaux non occidentaux, un nouvel environnement pédagogique. Certains d’entre eux sont habitués à un mode d’apprentissage basé sur la mémorisation de leçons et la rétention d’informations et doivent s’ajuster à un style d’enseignement interactif et à valorisation de la pensée critique (Smith et Khawaja, 2011). À ce propos, la surcharge de travail est l’une des situations suscitant le plus de perte de contrôle émotionnel chez les étudiants internationaux anxieux évalués dans l’étude de Gallais et al. (2019). Elle est associée à une augmentation significative de l’anxiété (ibid). Dans le même ordre d’idée, l’échec est une situation entraînant des réactions émotionnelles négatives fortes chez certains étudiants internationaux, associées à une augmentation significative de l’anxiété (ibid).

Les rapports d’autorité plus horizontaux, les travaux d’équipe fréquents, les rapports homme/femme plus égalitaires et les exigences élevées en termes de production de travaux et de ponctualité sont également des éléments qui peuvent troubler certains étudiants internationaux qui n’ont pas connu la culture pédagogique occidentale.

Smith et Khawaja, 2011

Les étapes du choc culturel

Le choc culturel ne se produit pas nécessairement immédiatement après l’arrivée dans le pays d’accueil, comme le terme « choc » pourrait le suggérer. Néanmoins, il s’installe souvent après les premiers jours ou premières semaines d’entrée dans un nouveau pays (Nashef, 2017).

Le choc culturel se déroule souvent en plusieurs étapes, qui ressemblent à des montagnes russes comme le montre la courbe en U (BVE de l’Université Laval, 2019) :

Image : BVE de l’Université Laval, 2019
  • La lune de miel. C’est une étape caractérisée par l’excitation d’un nouvel environnement, l’enthousiasme, la fascination et une grande énergie. Cette lune de miel commence dès le pays d’origine, avant même la migration. La majorité des étudiants rencontrés dans le cadre du projet réalisé par Écobes déclarent qu’ils étaient excités, contents et avaient hâte de de voir ce qui les attendait dans le pays d’accueil. Ils avaient une image idyllique du Québec et de la région où se trouvait leur établissement scolaire :

« En voyant les reportages à la télé sur les paysages, puis sur les gens qui avaient l’air à être accueillants, chaleureux, ça me donnait déjà beaucoup envie de venir »

Témoignage d’un étudiant international cité dans Bikie Bi Nguema et al., 2019
  • La crise ou la confrontation. C’est l’étape de prise de conscience qu’il s’agit d’un lieu totalement nouveau. L’anxiété peut se développer lorsque l’étudiant s’interroge s’il sera en mesure de s’y adapter adéquatement. C’est le choc à proprement parler, marqué par la déprime, la fatigue, la frustration, la peur, la critique, etc. Les stratégies adoptées par la personne en choc culturel peuvent être l’attaque, la fuite et/ou le désengagement. Le danger d’isolement social est accru pendant cette période. Après l’étape de la lune de miel, les étudiants connaissent une période de blues. Ils reconnaissent qu’il y a plus de différences que de ressemblances entre leur pays d’origine et leur pays d’accueil (Bikie Bi Nguema et al., 2019). Ils apprennent ainsi à fonctionner dans ce nouvel environnement :

« Aujourd’hui, je vais bien. Mais les débuts ont été difficiles. J’étais perdu. Avec un peu de recul, j’étais comme un bébé à qui on apprend à marcher pour la première fois. J’ai 32 ans »

Témoignage d’un étudiant international, cité dans Bikie Bi Nguema et al., 2019
  • La récupération. Cette étape est caractérisée par une acceptation de la culture du pays d’accueil, un retour de l’énergie et de l’humour, un jugement moins acerbe. Les stratégies sont proactives : s’affirmer et communiquer. Les étudiants sont prêts à essayer de nouvelles choses sans jugement préalable :

 « Il y a des étudiants qui ne s’intéressent pas à la culture québécoise mais qui diront qu’ils n’aiment pas la culture québécoise. Ils diront par exemple qu’ils n’aiment pas la poutine alors qu’ils n’ont jamais goûté à la poutine. Il faut tester la chose avant de dire qu’on n’aime pas ci ou ça »

Témoignage d’un étudiant international, cité dans Bikie Bi Nguema et al., 2019
  • L’adaptation/l’aisance : à cette étape, on remarque une meilleure acceptation de ce qu’on ne peut changer, une hausse de la motivation, une recherche de la compagnie et d’occasions d’apprendre. La personne cherche à créer des liens avec les autres groupes culturels pour lui permettre de maintenir une continuité entre le présent et le passé (Michaud, 2017). 

Ces étapes ne se déroulent pas nécessairement dans un ordre particulier; il est possible de passer d’une étape à l’autre ou de sauter certaines étapes (ibid.).

Les bienfaits du choc culturel

Le Guide d’adaptation interculturelle de l’Université de Moncton (2012) soutient que le choc culturel ne doit pas nécessairement être envisagé comme une expérience négative et malheureuse; elle peut constituer une belle occasion de s’épanouir et de prendre conscience de la diversité des modèles culturels (p. 13).

Sans nier la dimension stressante du choc culturel, il est possible d’en faire une expérience enrichissante et formatrice sur le plan humain.