Depuis quelques décennies, on assiste à un afflux croissant de diplômé·es de l’enseignement supérieur sur le marché du travail. Par exemple, de 2001 à 2016, le nombre de diplômé·es du baccalauréat est passé de 465 025 (11,6 % de la population de 25 à 64 ans) à 712 935 (16,3 %) et celui des diplômé·es de la maîtrise de 200 190 (5 % de la population de 25 à 64 ans) à 332 545 (7,6 %) (Vultur, 2021, à paraître).

Les préoccupations concernant l’insertion socioprofessionnelle des titulaires d’un diplôme d’enseignement supérieur s’expriment en termes de « transition vers le marché du travail » ou d’« adéquation formation-emploi » (Simoneau, 2017).

Aux transformations du marché du travail vers plus de flexibilité s’est ajoutée la pandémie de la COVID-19, qui a accéléré la transition vers l’automatisation et l’économie numérique (Forum économique mondial, 2020). Cette utilisation de plus en plus intensive des technologies dans le monde du travail fait en sorte que les besoins pour les emplois hautement qualifiés croissent rapidement (Speer et Bezu, 2021), de même que les besoins en compétences dites « du futur ».

En tenant compte du contexte pandémique actuel, la présente fiche Enjeu propose d’explorer trois questionnements relatifs à l’insertion socioprofessionnelle des diplômé·es en enseignement supérieur :

  • quel est « l’écart » (Lapointe et Turner, 2020) entre la formation en enseignement supérieur et le marché du travail?
  • quels sont les obstacles à l’insertion socioprofessionnelle pour certaines populations étudiantes?
  • quelles sont certaines des mesures, programmes et dispositifs mis en place pour faciliter la transition vers le marché du travail des diplômé·es?

L’exploration de ces questionnements, qui sont autant de portes d’entrée pour approfondir la thématique de l’insertion socioprofessionnelle des diplômé·es de l’enseignement supérieur, est précédée d’un état des lieux présentant les résultats des plus récentes enquêtes Relance du ministère de l’Enseignement supérieur (MES)[1]. Ces résultats sont, entre autres, l’occasion de montrer la diversité des réalités vécues par les personnes diplômées de l’enseignement supérieur. La présente fiche Enjeu se conclut avec une réflexion sur l’incertitude du monde du travail en contexte pandémique.

1. État des lieux : résultats des enquêtes Relance

Plusieurs recherches montrent que les taux d’emploi progressent avec le niveau de scolarité (Frenette, 2019; Longo et al., 2021; Nanhou et Illick, 2019). Le fait de poursuivre des études postsecondaires augmente encore les probabilités, en 2021, d’obtenir un emploi de qualité et de meilleures conditions sur le marché du travail, y compris des salaires plus élevés (Reid, Chen et Guertin, 2020).

Au Québec, afin de savoir si les diplômé·es de l’enseignement supérieur sont en emploi, le MES utilise un outil statistique d’observation de leur situation sur le marché du travail après leur diplomation : les enquêtes Relance. Elles sont réalisées tous les deux ans au niveau secondaire, collégial et universitaire, et sont complétées par des enquêtes spécifiques présentant des données sur la situation des diplômé·es de chaque établissement (Verdier et Vultur, 2016).

Les données présentées proviennent des enquêtes réalisées en 2019 et visent à faire connaitre la situation des personnes titulaires d’un diplôme d’études collégiales, d’un baccalauréat ou d’une maîtrise de la promotion de 2017[2], environ vingt mois après l’obtention de leur diplôme.

ministère de l’Enseignement supérieur, 2020

Les résultats des enquêtes de 2017 et de 2015, qui visaient respectivement les personnes diplômées en 2015 et en 2013, sont également présentés aux fins de comparaison.

1.1. Les titulaires d’un baccalauréat

Voici quelques faits saillants sur les titulaires d’un baccalauréat. En 2019 :

  • près de 70 % des titulaires d’un baccalauréat occupaient un emploi, 25,3 % poursuivaient des études, 2,2 % étaient à la recherche d’un emploi et 2,7 % étaient considérés comme inactif·ves;
  • parmi les personnes au travail, 80,3 % d’entre elles occupaient un emploi lié à leur formation. De ces emplois, 90,8 % étaient à temps plein et 9,2 % à temps partiel;
  • la proportion de disciplines menant à l’exercice d’un emploi permanent lié à la formation est à la hausse, se situant à 60,2 % (71 disciplines) en 2019, alors qu’elle était à 47,9 % (57 disciplines) en 2015 (ministère de l’Enseignement supérieur, 2020).

Tableau 1a. Pourcentage (%) de personnes diplômées du baccalauréat se déclarant en emploi en lien avec leur formation (baccalauréat) au moment de l’enquête Relance (ministère de l’Enseignement supérieur, 2020)

Domaine d’études[3]/Année201520172019
Sciences de la santé93,193,494,7
Sciences pures59,360,464,6
Sciences appliquées80,182,284,9
Sciences humaines5757,463,6
Lettres54,961,460
Droit86,785,988,6
Sciences de l’éducation87,590,392,3
Sciences de l’administration77,875,880,4
Arts63,468,367
Études plurisectorielles66,462,965,1

Comme le montre la figure précédente, les diplômé·es de la grande majorité des disciplines déclarent exercer un emploi en lien avec leur formation et ces pourcentages sont majoritairement à la hausse à chacune des trois enquêtes. Cette hausse est particulièrement marquée dans les sciences humaines, dont le pourcentage est passé de 57 % en 2015, à 57,4 % en 2017 et à 63,6 % en 2019, soit 6,6 % d’écart en quatre ans. Cette hausse peut indiquer que les sciences humaines préparent les étudiant·es à un spectre plus large d’emplois. Cependant, une part importante de diplômé·es (37 % en 2019) occupent un emploi qui n’est pas lié à leur formation.

1.2. Les titulaires d’une maîtrise

En ce qui concerne les titulaires d’une maîtrise, voici quelques faits saillants pour l’année 2019 :  

  • 82,4 % des titulaires d’une maîtrise occupaient un emploi, 12,3 % poursuivaient des études, 2,5 % étaient à la recherche d’un emploi et 2,8 % étaient considérés comme inactif·ves;
  • parmi les personnes au travail, 82,9 % occupaient un emploi lié à leur formation. De ces emplois, 92,8 % étaient à temps plein et 7,2 % à temps partiel;
  • la proportion de disciplines menant à l’exercice d’un emploi permanent lié à la formation est à la hausse, se situant à 56,5 % en 2019, alors qu’elle était de 46,2 % en 2015 (ministère de l’Enseignement supérieur, 2020).

Tableau 2a. Pourcentage (%) de personnes diplômées d’une maîtrise se déclarant en emploi en lien avec leur formation (maîtrise) au moment de l’enquête Relance 2019 (ministère de l’Enseignement supérieur, 2020)

Discipline/Année201520172019
Sciences de la santé92,389,492,4
Sciences pures73,876,176,8
Sciences appliquées76,774,779,9
Sciences humaines81,281,279,7
Lettres6770,676,9
Droit75,77983,5
Sciences de l’éducation88,291,991,7
Sciences de l’administration81,282,381,7
Arts83,572,575
Études plurisectorielles68,263,870,9

Il convient de souligner le haut pourcentage des titulaires d’une maîtrise occupant un emploi en lien avec la formation : 82,4 %, comparativement à 69,8 % des titulaires d’un baccalauréat, toutes disciplines confondues (ministère de l’Enseignement supérieur, 2020). Ces résultats confirment donc les constats d’autres recherches mentionnées précédemment : les taux d’emploi progressent avec le niveau de scolarité (Frenette, 2019; Nanhou et Illick, 2019). Le décalage entre formation et emploi toucherait plus fortement les diplômé·es du baccalauréat que ceux et celles de la maîtrise dans le domaine des sciences humaines.

En 2019, près de 64 % des diplômé·es d’un baccalauréat en sciences humaines occupaient un emploi en lien avec leur formation, comparativement à près de 80 % pour les titulaires d’une maîtrise en ce domaine.

ministère de l’Enseignement supérieur, 2020

1.3. Les titulaires d’un diplôme d’études collégiales (DEC) technique[4]

Voici quelques faits saillants concernant les titulaires d’un diplôme d’études collégiales technique :

  • au 28 février 2020, 63,2 % des personnes titulaires d’un DEC technique étaient en emploi, 32,4 % poursuivaient des études, 2,3 % recherchaient un emploi et 2,1 % étaient considérées comme inactives. Avant le début de la crise sanitaire, la tendance depuis 2016 était à la hausse pour le taux de personnes en emploi;
  • en 2020, parmi les personnes en emploi, 84,7 % occupaient un emploi lié à leur formation, ce qui constitue une hausse de 4,4 % par rapport à 2016 (80,3 %). Une hausse encore plus marquée de personnes occupant un emploi à temps plein lié à leur formation est observée : de 77,7 % en 2016 à 87,1 % en 2020, soit 10 %.

1.4. Les titulaires d’une attestation d’études collégiales[5]

Voici quelques faits saillants concernant les titulaires d’une attestation d’études collégiales :

  • au 28 février 2020, 79 % étaient en emploi, 8,6 % poursuivaient des études, 7 % recherchaient un emploi et 5,4 % étaient considérés inactif·ves;
  • si les personnes interrogées pouvaient recommencer leur formation, 80,2 % d’entre elles choisiraient de fréquenter le même établissement d’enseignement tandis que 68,8 % choisiraient de s’inscrire dans le même programme;
  • le taux de satisfaction de la formation suivie se chiffre à 69,4 %;
  • parmi les personnes diplômées exerçant un emploi lié à leur formation, sur une échelle de 1 à 10, 68 % estiment que leur formation était bien adaptée à la réalité du marché du travail avec un score égal ou supérieur à 8;
  • près de six mois plus tard, en pleine pandémie, le taux en emploi demeurait relativement stable à 79,7 %, tandis que celui de la poursuite aux études était en baisse de 3,7 points de pourcentage pour s’établir à 4,9 %. Le taux de personnes diplômées à la recherche d’un emploi augmentait de 2,7 points de pourcentage pour atteindre 9,7 %;
  • dans le contexte de la pandémie, la situation peut être fort différente selon les secteurs de formation. En effet, parmi les personnes diplômées du secteur « Alimentation et tourisme », on observe des baisses de 10,8 points de pourcentage du taux en emploi et de 8,5 points de pourcentage du taux en emploi lié à la formation.

Ces résultats des enquêtes Relance du MES de 2019 montrent bien la diversité des réalités vécues par les diplômé·es de l’enseignement supérieur : une personne diplômée d’une attestation d’études collégiales en comptabilité ne rencontrera pas les mêmes défis d’insertion professionnelle qu’un·e titulaire d’une maîtrise en sciences humaines, par exemple.

2. Un « écart » entre la formation en enseignement supérieur et le marché du travail ?

L’« écart » entre la formation et le marché du travail est souvent évoqué pour faire état du fossé qui séparerait, d’une part, les connaissances abstraites acquises lors des parcours scolaires dans des disciplines généralistes et non appliquées et, d’autre part, la réalité concrète du marché du travail (Lapointe et Turner, 2020). Ce discours sur l’écart entre la formation et le monde du travail contribuerait à consolider le cliché « du barista titulaire d’un baccalauréat en sciences humaines » (Edge, Martin et McKean, 2018) de même que la croyance populaire selon laquelle un·e diplômé·e de ce domaine ne se trouve pas d’emploi à l’issue de sa formation. Dans un récent rapport, Lapointe et Turner (2020) expliquent que cet écart constitue, en partie, une question de perception et de sémantique. Le « déficit de compétences » révèlerait, selon ces chercheur·euses, des défis qui se situent davantage sur le plan de l’évaluation et de la reconnaissance des compétences acquises en formation généraliste (ibid.). En effet, les diplômé·es en sciences humaines et sociales possèdent de réelles compétences — l’analyse, la pensée critique, la résolution de problèmes, le travail d’équipe, la communication, etc. — qui sont d’ailleurs requises dans les emplois hautement qualifiés liés à l’économie numérique (Conseil des compétences futures, 2020).

Au Québec, les données des enquêtes Relance du MES présentées plus haut semblent indiquer que les perspectives d’emploi des diplômé·es en sciences humaines et sociales sont meilleures que ce qu’on laisse entendre et qu’elles s’améliorent au fil du temps.

Lapointe et Turner, 2020

Cela est d’autant plus important que la répartition de l’effectif universitaire au Canada selon le domaine d’études montre une concentration dans deux principaux domaines, soit « Commerce, gestion et administration publique » et « Sciences sociales et de comportements, et droit » (Nanhou et Illick, 2019). Ces deux domaines regroupent à eux seuls plus de 40 % de l’effectif universitaire pour les années 1992-1993, 2000-2001, 2008-2009 et 2016-2017, et ce, tant chez les 20-24 ans que chez les 25-29 ans (ibid.). Les étudiant·es en sciences humaines et sociales sont nombreux·ses dans l’effectif des futur·es diplômé·es entrant sur le marché du travail.

Il n’existerait donc pas tant un déficit de compétences chez les diplômé·es en sciences humaines et sociales qu’une difficulté à traduire des savoirs et des connaissances en compétences transférables sur le marché du travail actuel (Edge et al., 2018; Flaherty, 2021). Les diplômé·es des sciences humaines et sociales peuvent avoir trop souvent de la difficulté à décrire et à faire valoir les compétences acquises et seraient peu nombreux·ses à avoir pleinement conscience des itinéraires de carrière possibles (ibid.).

L’un des principaux défis pour les établissements d’enseignement supérieur est donc d’accompagner les étudiant·es dans cette prise de conscience de leurs compétences et, ensuite, dans le développement de leur capacité à les traduire en énoncés compréhensibles par les employeur·euses et les services de ressources humaines.

Lapointe et Turner, 2020; Whitford, 2018

Selon Edge et al. (2018), ce travail de prise de conscience et d’identification des compétences acquises doit toutefois s’accompagner d’une sensibilisation auprès des employeur·euses à la pertinence des programmes de sciences humaines et sociales au 21e siècle. Cet exercice de sensibilisation peut être l’occasion d’identifier des compétences que les ordinateurs peuvent difficilement reproduire (créativité, sens critique, etc.) et qui deviendront encore plus précieuses dans un monde du travail de plus en plus automatisé (ibid.).

Cette traduction des savoirs en compétences (Gulian, 2018) concerne principalement les titulaires d’un diplôme universitaire, encore plus particulièrement ceux et celles ayant complété un programme des cycles supérieurs. Dans son plus récent rapport sur l’insertion des diplômé·es du troisième cycle, le Comité d’experts sur la transition des titulaires de doctorat vers le marché du travail (2021) soutient que si le doctorat a longtemps été la porte d’entrée naturelle pour une carrière dans le corps professoral, les diplômé·es rencontrent maintenant d’importants obstacles au moment de leur entrée sur le marché du travail hors de la carrière professorale. Ces difficultés seraient surtout attribuables au fait qu’ils et elles ne sont pas conscient·es de leurs compétences et ont du mal à faire réaliser leur valeur à des employeur·euses non universitaires (ibid.).

3. Des obstacles persistants à l’insertion socioprofessionnelle

En plus des diplômé·es en sciences humaines et sociales, d’autres profils de diplômé·es rencontrent des barrières lors de leur transition vers le monde du travail. C’est le cas notamment des personnes diplômées issues des minorités visibles et des personnes diplômées en situation de handicap qui connaissent différents obstacles au moment de leur insertion socioprofessionnelle.

3.1. Les personnes diplômées issues des minorités visibles

Alors que l’on considère la scolarisation comme un facteur d’égalité et un investissement pour une meilleure insertion (Nkolo, 2008), les personnes immigrantes au Québec, principalement les minorités visibles, continuent de vivre de la discrimination, des préjugés et du racisme à l’embauche (Darchinian, Magnan et Kanouté, 2018). Kamanzi (2012) relève que le niveau de qualification des personnes issues des minorités visibles est élevé par rapport à l’emploi occupé, et ce, en dépit des diplômes canadiens obtenus. Le sentiment de discrimination et d’injustice ressenti dans le cadre de leurs orientations professionnelles a également été exprimé par de jeunes adultes issu·es de l’immigration dans une récente recherche qualitative réalisée dans la métropole québécoise (Darchinian et al., 2018).

Dans leur enquête sur l’emploi des jeunes au Québec, Longo et al. (2021) soulignent également des inégalités persistantes : il existe plus de barrières à l’emploi pour certaines catégories de jeunes en raison de leurs origines.

Le taux de chômage des jeunes immigrant·es est deux fois plus élevé que celui des jeunes né·es au Québec. Si leur taux d’emploi s’est amélioré au cours des dernières années — notamment en fonction du temps passé depuis l’arrivée — certaines catégories, comme celle des jeunes femmes immigrantes, bénéficient moins de cette amélioration (ibid.). Le taux d’emploi des Autochtones reste également inférieur à celui de l’ensemble des jeunes adultes au Québec (ibid.).

Plusieurs recherches font également état de difficultés rencontrées par des enseignant·es immigrant·es issu·es des minorités visibles (par exemple, les personnes noires) pour s’insérer dans la profession enseignante. Gagnon et Duchesne (2018) montrent qu’en plus de faire face aux défis rencontrés par la plupart des enseignant·es novices, les personnes immigrantes diplômées en enseignement doivent composer avec les difficultés liées à leur appartenance à une culture différente de celle à laquelle elles souhaitent s’intégrer professionnellement.

Les résultats de recherche d’Isla et Gratton (2015) sur les femmes immigrantes détenant un diplôme universitaire au Québec mettent en évidence un autre enjeu majeur d’insertion professionnelle : l’apprentissage des codes culturels du milieu d’accueil. Dans cette acquisition des codes culturels, le temps s’avère important (ibid.).

Dans leur recherche sur le milieu des technologies au Québec, Dioh et Racine (2017) relèvent pour leur part que les personnes immigrantes diplômées mettent en place des stratégies de retour aux études et de déqualification qui vont s’avérer la porte d’entrée pour occuper leur premier emploi, les plaçant ainsi souvent dans une situation de surqualification. Malgré leur niveau d’éducation élevé — plus de 40 % des personnes immigrantes au Québec sont titulaires d’un diplôme universitaire — ces dernières occupent souvent des emplois subalternes qui n’exigent pas leur niveau d’éducation et se retrouvent ainsi surqualifiées (Vultur, 2021).

Selon les données tirées du recensement de 2016 au Québec, le taux de surqualification des personnes immigrantes détenant un diplôme universitaire était de 41,4 %, un taux supérieur à celui des diplômé·es universitaires non immigrant·es (29,8 %) (cité dans Vultur, 2021). Le taux de surqualification des personnes immigrantes titulaires d’un diplôme universitaire a augmenté de 2001 à 2016 pour l’ensemble des groupes minoritaires (ibid.). Une importante proportion de personnes immigrantes est également touchée par la surqualification majeure, soit le fait qu’un·e titulaire de diplôme universitaire détienne un emploi requérant un niveau d’études secondaires (ibid.) (voir la fiche Notion clé du présent dossier).

3.2. Les personnes diplômées en situation de handicap

En plus des personnes diplômées issues de l’immigration, particulièrement les minorités visibles, les personnes diplômées en situation de handicap rencontrent également des obstacles importants lors de leur insertion professionnelle. La proportion d’étudiant·es en situation de handicap (ESH) a nettement augmenté au cours des dernières décennies, incluant ceux et celles ayant des problèmes de santé mentale ou des troubles d’apprentissage. Selon Stewart et Schwartz (2018), les personnes en situation de handicap détenant un diplôme postsecondaire seraient désavantagées par rapport aux personnes sans handicap, et ce, même si elles détiennent le même niveau de scolarité.

Des recherches nuancent toutefois ces constats, dont celle de Tompa, Boucher et Samosh (2020). En s’appuyant sur les niveaux de sévérité établis par l’Enquête canadienne sur l’incapacité menée par Statistique Canada, les auteur·es relativisent la situation : au Canada, les personnes diplômées ayant une incapacité moins sévère ont un niveau de scolarité relativement semblable ou légèrement inférieur à celui des personnes sans incapacité. Selon leur recherche, une augmentation du niveau d’études entraine un taux d’emploi plus élevé, indépendamment de la situation de handicap.

Tompa, Boucher et Samosh, 2020

Dans une enquête ciblant les diplômé·es ayant au moins une incapacité et ayant été soutenu·es par le centre d’aide de l’Université Laval (n=78), Nadeau, Fournier et Carreau (2015) ont constaté qu’une majorité de diplômé·es (62,8 %) accèdent à l’emploi et que leur intégration s’effectue généralement sans difficulté (75,5 %), avec une aide à la recherche d’emploi peu sollicitée (9,6 %). Les trois quarts des personnes diplômées interrogées (75,5 %) affirment que les emplois obtenus sont de bonne qualité et en lien avec leur formation. L’équipe de recherche de l’Université Laval a relevé que le besoin d’accommodement pour les étudiant·es ayant des incapacités lors du cheminement universitaire s’expliquerait davantage par les contraintes qui s’appliquent aux modalités d’enseignement et d’évaluation. En effet, l’absence de ces contraintes une fois en emploi leur permettrait de s’insérer professionnellement sans accommodements ou presque (ibid.).

C’est davantage la stigmatisation que les accommodements proprement dits qui constituerait le principal obstacle à l’insertion professionnelle des personnes diplômées en situation de handicap. Dans son étude ontarienne sur l’expérience sur le marché du travail des diplômé·es postsecondaires ayant des troubles d’apprentissage, Goodfellow (2014) relève qu’un choix est en jeu : risquer d’être stigmatisé et bénéficier d’un aménagement, ou éviter la stigmatisation en ne divulguant pas le handicap, mais en travaillant sans aménagement. La plupart des diplômé·es interrogé·es ont évité de révéler leur handicap jusqu’à ce qu’ils et elles estiment avoir démontré leur compétence au travail.

Afin de réduire cette stigmatisation, l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ, 2012) propose de poursuivre et d’intensifier la sensibilisation auprès des acteur·trices du marché de l’emploi quant aux réalités et au potentiel des personnes handicapées, de même qu’aux responsabilités des employeur·euses à leur égard.

L’OPHQ soutient qu’il serait opportun que la personne puisse être préalablement informée pendant son parcours en enseignement supérieur des différences pouvant exister entre les mesures de soutien offertes en éducation de celles mises en place dans le monde du travail.

OPHQ, 2012

La personne pourrait ainsi préparer son projet scolaire et professionnel en fonction de cette réalité (OPHQ, 2012). Les services de placement des établissements pourraient également travailler de concert avec les centres d’aide aux étudiant·es pour assurer la cohérence des démarches d’employabilité et de bilan de compétences en tenant compte des défis spécifiques à chaque situation. Cette démarche conjointe de soutien de la personne diplômée ou en voie de l’être devrait considérer la relation entre le travail et la situation de handicap sous le prisme de l’adaptation du travail à l’être humain, plutôt que l’inverse (Laflamme et Bégin-Robitaille, 2013).

4. Des programmes et des mesures facilitant l’insertion socioprofessionnelle

Les initiatives mises en place dans les établissements d’enseignement supérieur pour faciliter l’insertion socioprofessionnelle peuvent être regroupées en trois grandes catégories (Edge et al., 2018; Lapointe et Turner, 2020) :

  1. les initiatives à l’intérieur des programmes et des cursus, par exemple, les stages, l’alternance travail-études, les laboratoires pratiques sur le terrain, les programmes coopératifs, les projets d’entrepreneuriat;
  2. les services de placement offerts sur les campus en vue de la réalisation d’un bilan de compétences, d’un portefolio, de la rédaction d’un curriculum vitae, d’aide à la recherche d’emploi, de préparation aux entrevues, etc., de même que les services d’orientation et de soutien au choix de carrière nécessitant des démarches plus introspectives;
  3. les services spécialisés pour soutenir la transition vers le marché du travail des diplômé·es des cycles supérieurs.

4.1. Les initiatives au sein des programmes et des cursus

De nombreuses initiatives de formation pratique existent au sein des programmes, des départements et des facultés pour favoriser l’insertion professionnelle des futur·es diplômé·es.

Les stages

L’inclusion de plus en plus répandue d’activités de formation pratique sous la forme de stages dans les programmes des établissements d’enseignement supérieur permet aux futur·es diplômé·es d’acquérir de l’expérience dans un milieu de travail (Conseil supérieur de l’éducation, 2019). Une enquête du Consortium canadien de recherche sur les étudiants universitaires (2015) menée auprès de plus de 18 000 participant·es en dernière année d’un programme de premier cycle révèle que plus de la moitié aurait bénéficié d’une « expérience d’apprentissage en milieu de travail », et ce, toutes disciplines confondues (cité par CSE, 2019).

De nombreuses recherches québécoises et canadiennes (Conseil supérieur de l’éducation, 2019; Edge et al., 2018; Regroupement québécois des organismes pour le développement de l’employabilité, 2016) soulignent les bienfaits des stages pour mettre en pratique les connaissances, confirmer ou infirmer un choix de carrière, acquérir une expérience formatrice avant la transition vers le marché du travail et créer un réseau de contacts dans le monde professionnel. Aux États-Unis, l’Association of American Colleges & Universities réfère aux stages comme une « pratique à fort impact » donnant aux diplômé·es un net avantage dans le processus d’embauche (Flaherty, 2021). Une récente enquête du Regroupement québécois des organismes pour le développement de l’employabilité (2016) visait à évaluer les bénéfices apportés par la réalisation d’un stage, notamment les compétences acquises et les retombées concrètes en lien avec le cheminement professionnel. La majorité des répondant·es détenait un diplôme de niveau universitaire (45,9 %, dont 33,6 % un baccalauréat) ou collégial (40,6 %). Le stage leur aurait permis d’améliorer leurs compétences techniques dans une proportion de 60,2 % de même que leurs compétences génériques au niveau social et émotionnel (leurs attitudes, leurs comportements) dans une proportion de 55,5 %. L’enquête a permis d’identifier cinq retombées concrètes du stage :

  • obtenir une expérience de travail;
  • prendre conscience de ses forces et de ses faiblesses;
  • obtenir des crédits dans son programme d’études;
  • valider un choix de carrière;
  • développer un réseau de contacts.

Outre l’expérience de travail concrète, les stages ont également permis aux répondant·es de découvrir le contexte de travail et la culture professionnelle propres à leur domaine. En effet, chaque domaine possède ses propres codes et règles de fonctionnement que le collège ou l’université n’enseigne pas nécessairement.

Regroupement québécois des organismes pour le développement de l’employabilité, 2016

Selon Gervais (2020), les outils soutenant le développement des attitudes professionnelles gagneraient à être connus et utilisés davantage. Il reviendrait aux enseignant·es de transmettre les savoirs, les savoir-faire et les savoir-être — dont les attitudes professionnelles — qui préparent les futur·es diplômé·es aux réalités et aux codes propres au domaine étudié (ibid.).

En somme, les stages favorisent l’insertion professionnelle des diplômé·es en offrant la possibilité de mieux connaitre la nature du métier visé et la culture de travail et ses codes, de mieux s’orienter dans sa carrière ainsi que de préciser ses intérêts professionnels (Regroupement québécois des organismes pour le développement de l’employabilité, 2016). Les bénéfices des situations d’apprentissage actif et appliqué dans le cadre de stages font consensus, mais de nombreux défis demeurent : les balises et l’encadrement, les exigences envers les stagiaires, les difficultés relatives au placement de stagiaires, l’enjeu de la prévalence du marché du travail sur la fonction pédagogique et la rémunération des stages (Conseil supérieur de l’éducation, 2019).

L’alternance travail-études

L’alternance travail-études est une mesure du MES qui encadre et finance la formation alternée, notamment au sein des programmes de la formation technique collégiale, et qui vise la mise en œuvre de compétences dans un contexte de travail. Il existe également des initiatives locales d’alternance travail-études dans les établissements d’enseignement supérieur (Hart, 2019b).

Depuis une dizaine d’années, on assiste à l’émergence de nouvelles formules de formation alternée. La coexistence travail-études, par exemple, est une formule expérimentée depuis 2010 au Cégep de Sherbrooke, en collaboration avec des entreprises de la région de l’Estrie (ibid.). La coexistence travail-études propose un DEC sur quatre ans : les deux premières années se déroulent en classe alors que les deux suivantes sont réparties à 50 % du temps en classe et 50 % du temps en milieu de travail.

Selon Hart (2019b), cette formule possède des avantages : au terme de leur formation, les diplômé·es ont acquis près d’une année d’expérience dans le métier choisi. De plus, les étudiant·es qui s’engagent en coexistence travail-études seraient plus nombreux·ses à terminer leurs études que les étudiant·es des programmes réguliers (ibid.). Ces constats rejoignent ceux de Doray (2017) selon qui la formation alternée peut favoriser la diplomation en formation technique et la poursuite d’études supérieures.

Le modèle coopératif

C’est aussi dans la région de l’Estrie qu’a été adopté le modèle coopératif, cette fois à l’Université de Sherbrooke, où environ 40 % des étudiant·es de premier cycle sont inscrit·es dans un programme coopératif (MacDonald, 2018). Ce modèle fait partie de la catégorie « apprentissage intégré au travail », une expression qui englobe à la fois les stages, les programmes d’apprentissage pratique, les incubateurs d’entreprises et les projets de fin d’études appliqués aux enjeux communautaires ou industriels (ibid.). Pour élargir sa portée, l’association canadienne qui représente les programmes coopératifs a récemment modifié son nom pour Enseignement coopératif et apprentissage en milieu de travail Canada. L’apprentissage intégré au travail constitue désormais une priorité pour les universités canadiennes, sous l’influence combinée des acteur·trices du monde du travail et de la population étudiante (ibid.).

Les initiatives à l’entrepreneuriat

Les initiatives à l’entrepreneuriat, qui ne cessent de gagner en popularité au sein des établissements d’enseignement supérieur, s’inscrivent également dans une telle démarche. Ces initiatives peuvent prendre la forme d’un « profil d’études » intégré directement dans les cursus. Ces projets visent à promouvoir l’esprit d’entreprendre des étudiant·es afin de renforcer leurs aptitudes à créer et à gérer des projets innovants (Béduwé et Robert, 2021). Ils constitueraient un double atout pour l’insertion professionnelle : d’une part, parce qu’ils permettent de développer l’autonomie, la capacité de gestion de projets, le travail d’équipe, etc., et, d’autre part, parce qu’ils entrent en résonance avec un marché du travail de plus en plus flexible où la multiactivité ainsi que les situations de travail indépendant se multiplient (ibid.). Comme le souligne Vultur (cité par Academos, 2019), les valeurs d’autonomie et d’indépendance, qui mettent l’accent sur les bienfaits d’être son·sa propre patron·ne, sont très fortes parmi les jeunes adultes.

Des initiatives informelles

En plus de ces initiatives internes aux programmes, aux départements ou aux facultés, certaines initiatives plus informelles peuvent contribuer à faciliter l’insertion professionnelle des futur·es diplômé·es. Les groupes de soutien et d’échange (en ligne ou en présence), où sont partagés des conseils entre pair·es finissant·es, se sont développés dans les dernières décennies. Selon une équipe de recherche qui s’est intéressée à l’insertion professionnelle des enseignant·es au Québec, le principal avantage des groupes de soutien est leur aspect collectif, en ce sens que l’aide est offerte par un groupe entier plutôt que par une seule personne (Martineau et Mukamurera, 2012). Ces échanges favoriseraient également le développement de l’identité professionnelle, permettraient aux diplômé·es de créer des liens et diminueraient le sentiment d’isolement.

4.2. Les services de placement et d’orientation

Les services de placement des établissements d’enseignement supérieur accompagnent les futur·es diplômé·es de diverses manières dans leur processus d’insertion professionnelle. Les équipes professionnelles de counseling en emploi peuvent les aider à réaliser un « bilan de compétences » (Dionne, Michaud et Brien, 2013), les soutenir dans la recherche d’emploi en lien avec la formation, les aider à rédiger un curriculum vitae professionnel ou à créer un portefolio numérique, les accompagner dans la préparation d’entrevues d’embauche, etc. Présente dans l’établissement et parfois au sein même des facultés ou des départements, l’équipe professionnelle du service de placement peut entretenir des liens étroits avec les responsables des programmes afin de mieux rejoindre les étudiant·es.

Cet accompagnement peut prendre diverses formes : rencontres individuelles, ateliers de groupe, initiatives de mentorat, salons d’emplois, conférences. La plupart des activités visent à aider les futur·es diplômé·es à identifier les compétences qui leur permettront de trouver un emploi.

Les services de placement peuvent également constituer des lieux de diffusion des informations à jour sur le marché du travail. À cet égard, l’organisme Universités Canada (2015) recommande d’accorder aux établissements du financement additionnel pour améliorer la collecte, l’analyse et la diffusion des données sur le marché du travail afin d’orienter le parcours éducatif des étudiant·es et de les guider dans leurs choix de carrière (cité dans CSE, 2019). Les services offerts en la matière dans les établissements universitaires seraient insuffisants ou peu accessibles selon certaines enquêtes : celle menée par le Consortium canadien de recherche sur les étudiants universitaires (2015, cité dans CSE, 2019) indique que la disponibilité de l’information sur les possibilités de carrière dans leur domaine d’études n’est jugée « satisfaisante » que par 58 % des répondant·es (ibid.).

Par ailleurs, les ressources allouées aux services de placement peuvent varier considérablement d’un établissement à l’autre et d’un programme à l’autre. Les écoles de commerce, par exemple, disposent généralement de services développés, contrairement à d’autres programmes de sciences humaines et sociales (Lapointe et Turner, 2020), qui en auraient besoin compte tenu de l’accompagnement nécessaire pour transférer les savoirs acquis en compétences (voir la section 2 du présent document).

Ce volet relatif à l’employabilité est donc assuré par les services de placement des établissements. Par ailleurs, une démarche plus introspective est parfois nécessaire dans la construction d’une identité professionnelle et dans l’exploration du choix de carrière (Maunaye, 2013). Les services de conseil en orientation, offerts dans les centres d’aide et de soutien psychologique des établissements, sont alors requis.

En effet, les services d’employabilité et d’information sur le marché du travail ne pourraient répondre à eux seuls aux besoins d’étudiant·es qui s’interrogent sur leur choix de formation, sur leurs intérêts professionnels ou à propos d’une réorientation de carrière. Les personnes conseillères d’orientation dans les établissements d’enseignement supérieur :

  • proposent un accompagnement centré sur l’évaluation du fonctionnement psychologique, des ressources personnelles et des conditions du milieu;
  • interviennent sur l’identité;
  • développent et maintiennent des stratégies actives d’adaptation dans le but de permettre des choix personnels et professionnels tout au long de la vie, de rétablir l’autonomie socioprofessionnelle et de réaliser des projets de carrière chez l’être humain en interaction avec son environnement (OCCOQ, 2010).

4.3. Les services pour soutenir la transition des diplômé·es des cycles supérieurs

Les services destinés aux futur·es diplômé·es des cycles supérieurs se sont développés dans les dernières années, en particulier pour répondre aux nouveaux besoins des doctorant·es. En effet, au terme de leur formation, 80 % des docteur·es ne se destineront pas à la carrière universitaire (Gagnon, 2018). La démarche d’identification de leurs compétences est donc cruciale, car elle pourra leur permettre de tirer leur épingle du jeu devant ce bouleversement des perspectives de carrière (ibid.).

Pour le Comité d’experts sur la transition des titulaires de doctorat vers le marché du travail (2021), loin d’être incompatibles avec le marché du travail actuel, les compétences des diplômé·es des cycles supérieurs sont très pertinentes pour relever les défis socioéconomiques et culturels du nouveau millénaire. La formation doctorale pourrait constituer un atout pour le développement des compétences du futur, notamment celles difficiles à automatiser.

Selon une enquête du Comité intersectoriel étudiant des Fonds de recherche du Québec (2018), les étudiant·es estiment que les services d’orientation et d’aide à l’emploi ne sont pas adaptés à la réalité des cycles supérieurs. Cette enquête identifie ce problème comme étant l’un des obstacles majeurs à l’insertion professionnelle hors des murs de l’université.

Afin de faciliter l’insertion professionnelle des titulaires de doctorat, il est souhaitable de développer des outils leur permettant, tout autant qu’aux employeur·euses, de mieux comprendre et de valoriser les compétences acquises.

Chevrier et Lafon, 2019

Pour répondre au besoin de traduire les savoirs en compétences (Gulian, 2018), des services s’adressant spécifiquement à cette population étudiante se développent de plus en plus, souvent au sein des facultés des cycles supérieurs. À titre d’exemple, les cours gratuits et crédités offerts aux doctorant·es par la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval visent à développer leurs compétences professionnelles. Des services d’accompagnement pour identifier les compétences doctorales sont nécessaires dans un contexte où la majorité des diplômées (80 %) ne s’adonneront pas à la recherche universitaire (Gagnon, 2018). La capacité à les exprimer de façon à rejoindre les employeur·euses peut contribuer à renforcer l’employabilité des titulaires de doctorat et à valoriser leur formation (Chevrier et Lafon, 2019).

Ces services peuvent prendre la forme de cours crédités de planification et de développement de carrière (Edge et al., 2018), d’ateliers ou de retraites destinés spécifiquement aux étudiant·es des cycles supérieurs ou de mentorat pour développer leur profil professionnel sur les réseaux sociaux (Cucchi, 2020). À cet égard, certaines universités mobilisent le Plan de développement individuel afin de permettre aux étudiant·es un meilleur arrimage entre leur projet d’études et leur projet professionnel, et ce, tout au long de leur parcours. Avec myPath Beyond the gates, l’Université McGill propose une série d’outils et de programmes pour créer un Plan de développement individuel.  

Le Comité d’experts sur la transition des titulaires de doctorat vers le marché du travail (2021) propose les actions suivantes pour faciliter l’insertion professionnelle des diplômé·es du 3e cycle :

  • moderniser la conception des programmes de doctorat et la culture universitaire;
  • établir des programmes visant à accroitre la demande dans le monde du travail non universitaire;
  • soutenir les directions de recherche pour améliorer et étendre le mentorat;
  • fournir un soutien ciblé au perfectionnement professionnel pour les doctorant·es et les diplômé·es.

5. S’insérer dans un monde d’incertitude

Déjà avant la pandémie, les parcours scolaires et d’insertion socioprofessionnelle tendaient à se complexifier (Masdonati, Bangali et Cournoyer, 2016), plusieurs étudiant·es alternant les périodes d’études et d’emploi, changeant d’orientation et passant d’un emploi à un autre selon leurs besoins et leurs stratégies professionnelles, plus ou moins définies (Vultur, Bernier et Richard, 2018). Dans un contexte marqué par l’incertitude, un nouveau type de rapport des jeunes à l’emploi a émergé : le type « bricoleur » (Vultur, 2016), qui construit sa carrière sur la base d’une relation « transactionnelle » avec le marché du travail, dans une perspective d’échanges à court terme, de rentabilité et d’intérêt individuel (Vultur et al., 2018).

Le monde de l’après-pandémie pourrait être marqué par davantage d’incertitude dans le processus d’insertion socioprofessionnelle. En effet, selon les résultats d’une collecte de données en ligne menée en avril 2020 par Statistique Canada, les deux tiers des participant·es affirment être « très » ou « extrêmement » préoccupé·es par la possibilité de ne pas avoir de perspectives d’emploi dans un avenir rapproché (Reid et al., 2020). L’organisme québécois Academos relève aussi dans une récente enquête (2021) que près de 70 % des répondant·es de 25-30 ans se déclarent « inquiet·ètes » face à leur avenir professionnel en raison de la pandémie. Une grande partie des répondant·es expliquent que la pandémie a ébranlé leur certitude face à leur choix de carrière, entrainant une hausse de leur niveau d’anxiété (ibid.). De nombreux répondant·es qui feront prochainement leur entrée sur le marché du travail sont inquièt·es à l’idée de ne pas posséder les compétences nécessaires à l’exercice de leur future profession en raison de la formation scolaire jugée incomplète depuis le début de la pandémie (ibid.).

Dans ce contexte d’incertitude, les besoins d’accompagnement des futur·es diplômé·es s’accroissent afin de faciliter leur insertion socioprofessionnelle dans un monde du travail en changement et anxiogène pour plusieurs (Academos, 2021). Autant le Conseil supérieur de l’éducation (2019) que le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) (Boudarbat et Montmarquette, 2017) recommandaient avant la pandémie de consolider les services de placement et d’orientation dans les établissements d’enseignement supérieur afin de répondre aux besoins des populations étudiantes. En effet, le rôle des services de placement dans le soutien à l’employabilité et le rôle des services d’orientation dans la définition du choix de carrière et la transition vers le monde du travail sont déterminants pour faciliter l’insertion socioprofessionnelle des personnes diplômées des collèges et des universités. Dans un monde postpandémique marqué par l’incertitude, il est important de bien informer les futur·es diplômé·es sur la situation du marché du travail en dotant les services des établissements de toutes les ressources humaines et matérielles nécessaires. Ces services peuvent ainsi bénéficier au plus grand nombre, être en mesure d’orienter adéquatement et permettre d’anticiper le mieux possible les besoins futurs en matière de compétences (Boudarbat et Montmarquette, 2017).


[1] L’équipe du CAPRES remercie Christian Tremblay, de la Direction de la gestion de l’offre de formation du Service de l’adéquation formation-emploi (MES), pour sa précieuse collaboration.

[2] Les données concernant les titulaires de doctorat n’étaient pas disponibles au moment de la rédaction de cette fiche.

[3] Les résultats relatifs aux domaines d’études et aux disciplines qui les composent sont présentés en fonction des codes de discipline du MES.

[4] Ces données proviennent de l’enquête La Relance au collégial en formation technique 2020 du MES, non publiée à ce jour.

[5] Ibid.