Dans cette série de deux articles, des organismes subventionnaires de la recherche et le plus grand éditeur canadien de science et technologie (Canadian Science Publishing) plaident pour un écosystème scientifique plus ouvert et plus équitable.

Leigh-Ann Butler (CRSNG), Shannon Cobb (Instituts de recherche en santé du Canada) et Michael Donaldson (Canadian Science Publishing) expliquent comment la pandémie mondiale de la COVID-19 a révélé la rapidité avec laquelle l’écosystème scientifique peut partager des résultats à l’échelle mondiale.

Dans ces deux articles parus dans The Scholarly Kitchen (le blogue de l’organisme Society for Scholarly Publishing), Butler, Cobb et Donaldson (2021) expliquent que le monde de l’édition, le monde universitaire (y compris les bibliothèques et l’administration) et le monde du financement de la recherche ont dû modifier leurs politiques rapidement afin de permettre un accès et une diffusion rapides des informations scientifiques et des résultats de recherche sur la pandémie. Des barrières tarifaires sont toutefois restées en place, empêchant l’accès à certaines informations essentielles.

Au Canada, les politiques de libre accès des bailleurs de fonds et des établissements postsecondaires varient, mais la plupart d’entre eux prévoient une période de 12 mois avant la mise en ligne publique d’une publication. En juin 2021, le Fonds de recherche du Québec (FRQ) a annoncé qu’il modifiera sa politique de libre accès pour éliminer l’embargo de 12 mois d’ici mars 2023.

Initiatives de libre accès pendant la crise de la COVID-19 et au-delà

Image : Pixabay

Pendant la pandémie, plus de 40 groupes d’édition et de revues ont répondu à l’appel des conseiller·ères scientifiques en chef du monde entier pour rendre librement accessibles toutes les recherches et données relatives à la COVID-19. Des centaines de personnes ont signé cette déclaration commune mondiale. Cependant, il n’y a actuellement aucun système en place pour s’assurer de son effectivité.

Stefanie Haustein, professeure à l’École des sciences de l’information de l’Université d’Ottawa et codirectrice du ScholCommLab, a indiqué que des déclarations comme celle-ci s’appliqueront lors d’épidémies similaires dans le futur, lorsqu’il y a un avantage significatif pour la santé publique. Cependant, Haustein prévient que ces mesures, « en particulier par les éditeurs à but lucratif », ne sont que temporaires.

Les efforts déployés à l’échelle mondiale pour accroître le libre accès pendant la pandémie de COVID-19 confirment qu’un système d’édition fermé continue de dominer l’écosystème de la recherche, malgré les 17 années écoulées depuis le lancement de l’initiative de Budapest pour le libre accès, la déclaration de Bethesda sur l’édition en libre accès et la déclaration de Berlin sur le libre accès à la connaissance dans les sciences ainsi que les sciences humaines et sociales.

Comme le note Haustein :

« il est temps de se demander pourquoi ces principes [d’ouverture] ne devraient être pertinents que dans le contexte des pandémies et des menaces sanitaires mondiales. Pourquoi ne pas appliquer le principe d’ouverture au changement climatique, à la durabilité et à d’autres questions sociétales urgentes ? Pourquoi pas dans tous les domaines de la recherche et de l’enseignement ? »

citée dans Butler, Cobb et Donaldson, 2021 – traduction libre.

Une science plus inclusive

La pandémie de COVID-19 a mis en évidence les défis à relever pour parvenir à un libre accès équitable. Elle offre aussi l’occasion d’explorer comment le processus de recherche peut devenir plus inclusif.

Leslie Chan, professeur à l’Université de Toronto, et ses collègues ont rédigé un rapport intitulé Open Science Beyond Open Access : For and With Communities, dans lequel ils déclarent :

« Contrairement au mythe de la neutralité scientifique, la science – ancrée dans l’histoire et la culture – a toujours soigneusement sélectionné les connaissances auxquelles elle accordera le statut de « scientifique ». Ces connaissances doivent prouver qu’elles répondent à certains critères normatifs et épistémologiques. De tels filtres conduisent évidemment à l’exclusion. »

citée dans Butler, Cobb et Donaldson, 2021 – traduction libre.

Pour que le partage des connaissances augmente l’inclusion, les scientifiques doivent faire preuve de respect et s’engager auprès des communautés marginalisées, notamment auprès des Autochtones. Le libre accès à la recherche implique de concevoir les résultats de la recherche de manière à ce qu’ils soient accessibles à un large public (y compris les jeunes et les personnes ayant des incapacités) et de les traduire dans les langues autochtones.

Butler, Cobb et Donaldson terminent ces deux articles en posant quelques questions pour guider les réflexions futures sur le libre accès :

  • L’accès libre immédiat est-il viable après la pandémie de COVID-19, et peut-il être étendu à d’autres domaines de recherche ?
  • Comment pouvons-nous accroître la collaboration mondiale, en particulier avec les pays du Sud, afin d’unifier et d’éliminer les obstacles à la production, à l’accès et au partage des connaissances ?
  • Les pandémies précédentes ont mis en évidence la nécessité du libre accès, mais il n’y a pas d’actions durables et à long terme qui ont été mises en œuvre. Que pouvons-nous faire différemment pour nous préparer à la ou aux prochaines pandémies ?
  • Les changements apportés à l’édition savante pendant la COVID-19 ont-ils donné lieu à de nouveaux modes de partage des connaissances qui n’avaient pas été envisagés auparavant et qui pourraient devenir la « nouvelle norme » ?

Source : Butler, L. A., Cobb, S. et Donaldson, M. (2021). Guest Post — Pandemic Disruptor: Canadian Perspectives on how COVID-19 is Changing Open Access (Part 1 & Part 2). The Scholarly Kitchen – Society for Scholarly Publishing,  8 et 9 novembre.