Le Centre d’études et de recherche sur les qualifications, en collaboration avec la sous-direction des systèmes d’information et des études statistiques (MENESR-SIES), vient de publier un rapport intitulé «Les débuts de carrière des docteurs : une forte différenciation des trajectoires professionnelles», basée sur une recherche menée entre 2013 et 2015 auprès de 8000 docteurs. Une note de recherche résumant les principaux résultats a été publiée de façon simultanée. Fruit du travail de Julien Calmand, Marie-Hélène Prieur et Odile Wolber, ce document synthèse porte sur une recherche qui s’inscrit dans la foulée des efforts récents du gouvernement français visant à valoriser le doctorat dans tous les secteurs d’activité (public ou privé, recherche ou hors-recherche). Il s’agit d’une recherche qui fait ressortir les importantes différences observables entre les nouveaux docteurs français qui s’orientent vers la recherche publique et ceux qui s’orientent plutôt vers une recherche dans le secteur privé lorsqu’on s’attarde aux cinq premières années de carrière. Les données disponibles jusqu’ici laissent entrevoir pour les diplômés du doctorat une transition vers l’emploi plus difficile que celle des autres diplômés de l’enseignement supérieur. Toutefois, très souvent, ces portraits qui sont offerts ne se basent que sur une période de deux à trois ans. Les auteurs de l’étude soutiennent que ces portraits représentent mal la diversité et la pluralité des trajectoires professionnelles des nouveaux docteurs.

Une stabilisation entre l’an 3 et l’an 5

Calmand, Prieur et Wolber font ressortir qu’il y a stabilisation progressive de l’emploi après la 3e année pour les docteurs. Ainsi, le désavantage qu’ils auraient face aux autres types de diplômés tendrait à s’atténuer avec le temps. Les données indiquent même qu’ils accèdent davantage aux emplois de cadres et que leur rémunération est équivalente. Cela dit, le taux de chômage chez les travailleurs récemment titulaires d’un doctorat reste légèrement plus élevé (7 % contre 5 % pour les ingénieurs, par exemple). Un important écart selon la discipline du docteur est observable. Les diplômés des sciences de la vie et de la terre auraient un parcours notamment difficile par rapport aux autres (chômage plus élevé et plus grande proportion en emploi à durée déterminée). Chez les docteurs optant pour la recherche publique, on observe qu’un nombre en forte croissance occupe des emplois temporaires, en attente d’un poste de titulaire. La période d’attente tend à s’accroitre puisque le nombre de postes qui s’ouvre a même diminué au cours des dernières années. Le chiffre clé, selon les auteurs, est que 31 % des docteurs, après 5 ans de vie active, occupent des emplois à durée indéterminée dans la recherche publique. Le parcours dans le secteur privé (en R et D ou hors recherche) est plus que jamais une option intéressante pour les diplômés du doctorat.

Huit trajectoires types

La recherche menée a permis de dégager huit trajectoires types chez les jeunes docteurs dans leurs cinq premières années de vie professionnelle. Trois d’entre elles sont liées à la recherche publique :
  • Les diplômés ayant connu un accès rapide à la stabilité dans la recherche publique ou académique;
  • Ceux qui ont connu un accès différé à la stabilité dans la recherche publique;
  • Ceux qui ont vécu l’instabilité dans ce secteur.
Deux classes traduisent des débuts dans le secteur public, mais hors recherche :
  • Les diplômés ayant connu un accès rapide aux emplois stables de cette catégorie;
  • Ceux dont la trajectoire est marquée par l’instabilité dans ce genre d’emploi.
Il y a les trajectoires qui se déroulent dans le secteur privé :
  • Les diplômés qui ont trouvé un emploi stable dans la recherche privée;
  • Ceux qui ont un accès rapide aux emplois stables du privé, mais hors recherche.
Enfin, une dernière classe est constituée de trajectoires professionnelles marquées par l’éloignement et l’instabilité dans l’emploi. En moyenne, les docteurs de cette catégorie ont vécu 23 mois de chômage, inactif ou en formation/reprise d’étude.

L’effet de la discipline de thèse

Les auteurs de la note indiquent que «la discipline de thèse impacte fortement les trajectoires et les situations sur le marché du travail en 2015». Ce sont les diplômés de math/physique/chimie, sciences de l’ingénieur et informatique, de droit, économie gestion et sciences sociales qui ont les taux de chômage les plus bas (comparativement à ceux de l’ensemble de la population des docteurs). En conclusion, on indique que la liste d’attente pour un emploi en recherche publique ne cesse de s’allonger depuis maintenant 20 ans. Cela est particulièrement vrai dans les disciplines des sciences de la vie et de la terre. Même après 5 ans, tous les diplômés ne voient pas leur situation se stabiliser. Certains abandonnent donc cette voie. Malgré des conditions de travail favorables, l’étude conclut en affirmant que «les docteurs en emploi en dehors de la recherche publique se sentent plus souvent employés en dessous de leurs compétences, ce qui interroge sur leur place dans les organisations et plus spécifiquement dans les entreprises».   Pour accéder à la version complète de la recherche du CÉREQ