Le portrait global du processus d’ajustement universitaire de l’étudiant demeure difficile à dresser malgré les nombreuses recherches sur la réussite universitaire. La présente thèse vise, par diverses études empiriques, à fournir une modélisation dynamique et multivariée du processus. La thèse en question a été rédigée par Mikaël De Clerq en vue de l’obtention du grade de Docteur en sciences psychologiques et de l’éducation à l’Université Catholique de Louvain. Ce sont six études empiriques complémentaires que propose l’auteur pour arriver à ses fins. Cette thèse s’inscrit donc dans la littérature empirique sur la réussite universitaire, dans la théorie de l’engagement et dans les modèles de transition (le modèle des cycles de transition de Nicholson est central à la thèse). De Clerq soutien que le chemin menant à la réussite est structuré en plusieurs moments-clés qui sont éminemment contextuels. De ce fait, il n’est pas identique pour chaque étudiant. Le point focal de la recherche est la première année universitaire. Il convient également de rappeler qu’elle porte sur le contexte belge francophone.

Les questions

Les questions auxquelles l’auteur tente d’apporter des éléments de réponse sont les suivantes :
  • Comment mettre en place les ingrédients nécessaires à la réussite universitaire ?
  • Quels sont les besoins des étudiants entrant à l’université ?
  • Quels sont les pièges à désamorcer durant cette première année à l’université ?
  • Comment comprendre avec finesse le processus de transition menant à la réussite ?
  • Quelle est notre part de contrôle sur la réussite des étudiants ?
  • Quel contrôle l’étudiant possède-t-il sur sa propre réussite ?
  • Quels sont les moments-clés d’action en première année à l’université ?
  • Comment et dans quelle mesure devons-nous promouvoir la réussite ? »

Les études empiriques formant la thèse

Pour apporter les éléments de réponse à ces questions, De Clerq propose les six études empiriques que voici :
  • La 1re présente des analyses de la première phase du modèle centrées sur la personne qui ont pour but « d’identifier différents profils d’entrée à l’université et de contraster ces profils avec leur réussite en fin d’année » (chapitre 6).
  • La 2e étude analyse le processus d’adaptation des profils préalablement identifiés. Ce faisant, l’auteur souhaite « saisir les différences d’adaptation des étudiants en fonction de leurs caractéristiques d’entrée combinées » (chapitre 7).
  • La 3e étude adopte une vision plus holistique au travers d’analyses qualitatives qui se veulent complémentaires. Cela a pour but de comprendre « le caractère dynamique et temporel du vécu de la première année à l’université au travers du discours des étudiants » (chapitre 8).
  • La 4e étude se focalise quant à elle sur la deuxième phase du modèle. L’auteur y présente une analyse plus détaillée de l’importance de cette phase grâce à un design expérimental en milieu naturel (chapitre 9).
  • La 5e étude porte sur la troisième phase du modèle. Une attention particulière est portée à déterminer les principaux prédicteurs de la réussite (chapitre 10).
  • Enfin, la 6e étude sort du modèle. Le but de l’auteur est d’ouvrir « un nouveau champ de réflexion autour de la spécificité du contexte et son importance dans la compréhension de la première année à l’université » (chapitre 11).

Les conclusions

De Clerq conclut que « la logique générale du modèle [adapté de celui de Nicholson] et les composants des différentes phases sont majoritairement corroborés par nos analyses ». Il ajoute ensuite que le modèle « présente donc les qualités nécessaires pour fournir une modélisation générale du processus d’adaptation au contexte de transition universitaire ». Toutefois, face aux résultats prouvant que le processus d’adaptation menant à la réussite variera significativement en fonction des profils étudiés et surtout du contexte spécifique de transition universitaire, l’auteur souligne qu’un nouveau questionnement s’impose. « Quelle est la légitimité d’une modélisation globale du processus d’ajustement universitaire si cedit processus ne peut être considéré comme universel? » Il propose ainsi de poursuivre les recherches en analysant spécifiquement le processus d’ajustement dans des contextes précis et sur des profils particuliers. En somme, l’auteur soutient « qu’il est alors ici nécessaire pour nous de faire le deuil d’une explication complète de la réussite universitaire. L’objectif serait alors de trouver un juste équilibre entre sur complexification de l’approche actuelle et simplisme d’une approche gommant toute différence de contexte et de public ».

Les recommandations pratiques

Face à un modèle universel qui ne peut être appliqué à tous, De Clerq soutient qu’il est incohérent de soutenir l’idée d’une aide à la réussite qui soit la même pour tous. Il propose ainsi trois stratégies, lesquelles ont toutes leurs forces et faiblesses :
  1. Différencier les interventions en fonction des publics et des contextes. Certaines interventions se sont montrées plus efficaces auprès de certains profils d’étudiants en particulier. Cela demande toutefois d’acquérir dans un premier temps une bonne connaissance des spécificités des divers publics, ce qui ne va pas de soi compte tenu des ressources disponibles. Il y a également un risque de stigmatisation associé à des programmes visant un public particulier.
  2. Offrir une offre assez diversifiée pour que chaque étudiant puisse avoir les ingrédients nécessaires à sa réussite. « Dans cette visée, les différents étudiants dans différents contextes opteraient pour des offres d’aide différentes qui répondraient à leurs besoins spécifiques. » Moins coûteuse et plus facile à implémenter, cette stratégie est basée sur l’hypothèse que l’étudiant est conscient de ce dont il a besoin en plus d’être bien informé de ce qui est offert. Hélas, ce n’est pas toujours le cas, affirme De Clerq.
  3. Mettre en place des interventions holistiques d’aide à la réussite dans une intervention de plus grande ampleur. Il s’agit cependant d’un dispositif qui, malgré toutes ses qualités, est lourd à mettre en place.
Tout au long de la conclusion de sa thèse, l’auteur y va d’autres recommandations, notamment quant au moment de l’intervention ainsi que par rapport aux cibles qui devraient être priorisées. Le lecteur gagnera à y plonger plus en profondeur.