La persévérance en première année à l’université est un phénomène qui demeure mal compris dans le champ de la psychologie de l’éducation. L’auteur de la présente thèse a décidé de prendre appui sur la psychologie sociale afin d’appréhender la persévérance sous un angle nouveau. Nathalie Roland est l’auteur de cette thèse intitulée « La persévérance en première année à l’université : quand la psychologie sociale s’invite dans les problématiques éducatives » et produite à l’Université Catholique de Louvain (Belgique).

Cadre théorique

Dans le cadre de sa thèse, Roland s’est principalement intéressée à la théorie du comportement planifié (TCP), une théorie encore peu utilisée dans le cadre de la persévérance scolaire. Il s’agit d’une « théorie qui s’inscrit dans une vaste littérature traitant du comportement humain et qui a pour but d’expliquer comment un comportement est généré ». Le recours à la TCP a permis à l’auteur de dépasser plusieurs des limites associées aux théories classiques auxquelles les chercheurs ont généralement recours pour expliquer la persévérance (limites que l’auteur a identifiées en détail). Après avoir dégagé d’intéressants résultats à l’aide de la TCP, Roland s’est ensuite penchée sur l’influence que pourraient avoir les processus automatiques (plus spontanés, non réflexif et moins contrôlés) sur la persévérance en utilisant l’Implicit Association Test. Il s’agit d’un test qui a pour objectif « de mesurer les composantes spontanées, automatiques, voire affectives, de différents construits conceptuels de la cognition sociale tels que les attitudes, les stéréotypes ou encore le concept de soi ».

Cinq études

Afin de répondre aux différentes questions qu’elle avait soulevées, Roland a effectué cinq études empiriques (qualitatives et quantitatives) entre décembre 2012 et avril 2016.

Les résultats marquants

En ayant recours à la TCP, l’un des apports les plus intéressants de Roland est la définition avec plus de précision de l’influence des normes sur la persévérance de même que celle des croyances sur l’ensemble du processus. S’apercevant que la plupart des modèles utilisés pour évaluer la persévérance ne permettaient pas d’approcher les aspects automatiques, spontanés et non rationnels associés à la décision de persévérer ou d’abandonner ses études, Roland a choisi de compléter son étude en ayant recours à une mesure indirecte de ces aspects, l’Implicit Association Test. Pour elle, il s’agit d’un complément essentiel. Elle mentionne à ce propos que : « cette approche nous a en effet permis d’augmenter la variance expliquée de la persévérance (R = .36). Ainsi, une approche plus axée sur les ressentis profonds des jeunes semble nécessaire pour comprendre davantage ce qui les pousse à abandonner ou à persévérer ». Grâce à cette démarche, Roland a montré la nécessité d’adopter une approche plus holistique pour comprendre ce phénomène. Par ailleurs, par son travail de recherche appliquée au contexte belge francophone, l’auteur a su mettre en évidence la complexité du processus de persévérance (p. ex., non-linéarité des parcours, variations interindividuelles).

Implications pratiques

En fin de document, Roland propose quelques pistes d’intervention, tout en prenant bien soin de rappeler que son objectif n’est pas de proposer des actions favorisant à tout prix la persévérance de l’étudiant. En effet, pour elle, persévérer pour persévérer n’a tout simplement pas de sens. Elle souhaite plutôt aider les étudiants à s’adapter à l’université, mais aussi à mieux choisir leurs études (ce qui n’a pas complètement sans lien avec la persévérance).

Avant l’entrée à l’université

  • Permettre aux jeunes de mieux connaître les programmes existants et de mieux se connaître eux-mêmes. Pour ce faire, il serait idéal d’uniformiser les pratiques et de sensibiliser tous les acteurs pouvant servir de guide aux jeunes, à un moment ou à un autre. Par ailleurs, des formations pourraient être offertes afin de donner un aperçu des programmes d’études. Il faut inciter les jeunes à choisir une formation qui correspond à ce qu’ils sont vraiment (aspirations profondes) et faire en sorte qu’ils ne cèdent pas à la pression sociale. Pour ce faire, il faut que les jeunes deviennent conscients des diverses sources de pression possibles.
  • Sensibiliser les parents à la pression qu’ils peuvent faire ressentir à leurs enfants, volontairement ou non, concernant la poursuite d’un certain type d’études. Il faut, parallèlement, revaloriser l’ensemble des professions et des études. En ce moment, les jeunes n’explorent pas tous les possibles professionnels. Ils se limitent plutôt à ce qui est jugé acceptable par leur entourage.

Pour les jeunes qui ont déjà entamé leurs études

  • Permettre l’exploration de soi et la découverte de ses intérêts, mais aussi des nouvelles professions possibles.
  • Les pousser, de façon individuelle ou collective, à l’exploration de leurs croyances, sur eux-mêmes, sur leurs études, sur leur parcours afin qu’ils puissent repérer les incohérences entre certaines croyances et leurs valeurs.
  • Orienter les différents dispositifs d’aide « vers une meilleure adaptation de l’étudiant (identification des intérêts, intégration sociale…) plutôt que vers plus de réussite et plus de persévérance ». C’est le bien-être du jeune qui doit primer. La persévérance ne devrait être qu’un indicateur parmi d’autres de cette adaptation de l’étudiant à l’université.
  • Faire une distinction entre les interventions de masse et les interventions individuelles, car tous les étudiants ne réagissent pas de la même façon. Ces deux catégories ont des avantages et des inconvénients.