Un modèle pédagogique dans lequel les technologies numériques sont utilisées pour connecter les apprentissages réalisés dans le milieu scolaire et ceux réalisés dans le milieu de travail a été développé en Suisse. Il se veut une réponse au problème d’arrimage de ces deux types d’apprentissages auquel font face les étudiants. C’est l’Observatoire compétences-emplois (OCE), dans un récent article d’Yves Cochard, qui nous propose un résumé de ce modèle présenté par des chercheurs suisses dans un article publié en 2015 dans la revue Journal of Vocational Education & Training. Ce modèle, intitulé Erfahrraum (en allemand), propose de recourir à des technologies numériques afin d’enrichir les expériences en milieu de travail dans le cadre de formations en alternance.

À quel problème le modèle vise-t-il à répondre?

Cochard débute son article en expliquant le problème auquel le modèle tente d’apporter une solution. Il s’agit d’un problème auquel font face les étudiants en formation duale. Ces derniers ont souvent de la difficulté à connecter les deux milieux (de travail et scolaire). Concrètement, nous explique-t-il, les étudiants ne vivent pas toujours les expériences de travail comme des opportunités d’apprentissage enrichissantes. À l’opposé, la matière vue en classe paraît parfois aux étudiants comme déconnectée du travail qu’ils doivent accomplir. Les chercheurs suisses à l’origine du modèle parlent de déconnexion et de fragmentation des connaissances.

Les technologies numériques pour résoudre le problème

Le modèle mis de l’avant propose de faire appel aux technologies numériques pour :
  • Reconnecter les milieux;
  • Redonner sens aux expériences de travail; et
  • Proposer des méthodes pédagogiques nouvelles.
Par technologies numériques, on entend par exemple les réseaux sociaux, les services d’enregistrement de données en ligne (cloud), la vidéoconférence (ex. : Skype), les forums en ligne, les Wikis ou les blogues. Cela peut aussi référer aux appareils mobiles (téléphones, tablettes, etc.), aux imprimantes 3D, aux casques de réalité virtuelle et autres technologies portables (scanneurs, montres, etc.). En ce qui concerne les moyens et formats numériques employés pour la formation à distance, on mentionne notamment dans l’article les livres numériques, les capsules vidéos, mais aussi les programmes de formation en ligne, les plateformes d’apprentissage, les jeux éducatifs, les MOOC, les vidéoconférences, les simulations de mondes virtuels, les Wikis et les blogues.

Les bases du modèle

Deux idées sont à la base du modèle de l’Erfahrraum, nous rappelle Cochard :
  1. «[L] a connaissance ne nait pas spontanément de l’expérience, elle a besoin de se construire progressivement dans le cadre d’un processus de réflexion. Une formation en alternance doit être riche de telles “expériences réfléchies”.»
  2. «[L] es technologies créent un nouvel espace — un espace digital — qui facilite le processus de réflexion sur les expériences. La réflexion est facilitée, car l’espace numérique établit un pont entre le milieu scolaire et le milieu de travail et favorise la collaboration entre les différents acteurs de la formation.»
Ainsi, ce sont les technologies numériques qui permettent de faire la liaison entre les deux contextes d’apprentissage que sont le milieu scolaire et le milieu de travail. C’est en créant un espace facile d’accès, grâce aux technologies, que l’apprentissage peut donc se faire, que ce soit sous la supervision du professeur, du superviseur de stage ou des deux à la fois. Les autres apprenants peuvent également s’intégrer à la dynamique d’apprentissage par le biais de ces technologies. Au-delà de l’espace créé, le modèle suggère un processus de dé-contextualisation des connaissances afin que l’apprenant puisse avoir un temps de réflexion par rapport aux expériences de travail qu’il vit. Cela se fait en capturant des traces d’expérience de travail sous la forme d’objets digitaux (photos, textes, vidéos, etc.) qui seront ensuite l’objet de réflexions supervisées ou entre pairs. Dans ce processus, l’apprenant sélectionne ensuite des objets jugés les plus pertinents pour les transformer. Cela peut être fait de deux façons :
  1. L’augmentation : «processus qui consiste à ajouter une annotation, une étiquette ou un classement à l’objet. Il peut s’agir d’encercler un élément important sur une photo ou d’ajouter des commentaires dans un extrait vidéo.»
  2. La catégorisation : «a pour but de faire ressortir les similarités et les différences entre les expériences.» (ex. : comparer deux façons de faire une recette pour un étudiant en stage dans plusieurs restaurants).
Une fois cette opération effectuée, l’enseignant réutilise les objets digitaux dans des exercices pratiques ou des simulations en atelier ou en classe. Il y a ainsi re-contextualisation des expériences.

Des exemples de mise en application

Dans son texte, Cochard fait place à quelques exemples de mise en application du modèle qui peuvent être éclairants pour mieux comprendre le modèle : apprentis boulangers et cuisiniers, apprentis assistants dentaires et mécaniciens automobiles. L’auteur conclut sa revue du modèle suisse en indiquant que cela lui paraît un modèle intéressant pour les personnes responsables des stages, dans le contexte de la révolution actuelle du numérique 4.0. Il ajoute que le modèle a cela de positif qu’il nous rappelle l’importance de lier expérience et réflexion sur l’expérience. Le rôle que peuvent jouer les pairs dans l’apprentissage en complément des formateurs et superviseurs est également un élément pertinent que le modèle ne manque pas de souligner.   Pour accéder directement à l’article de l’Observation compétences-emplois