Les chercheures de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) Ruth Philion, Iulia Mihalache et Sophie Dallaire ont mené une recherche exploratoire pour identifier les besoins de formation des étudiants en situation de handicap (ESH) concernant les technologies et décrire le type de formation à offrir.

Dans l’article intitulé L’appropriation des aides technologiques par les étudiants en situation de handicap : quel type de formation offrir ? et paru dans Formation et profession. Revue scientifique internationale en éducation, les chercheures font état de la « diversification des situations de handicap », celles dites traditionnelles (déficiences sensorielles et motrices, par exemple) étant maintenant surpassées par celles dites émergentes (troubles d’apprentissage, déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, par exemple).

Afin de répondre aux besoins de cette population étudiante, les établissements tentent de mettre en place des mesures d’accompagnement, comme les aides technologiques (AT) – ou technologies d’assistance (Antidote, WordQ, Inspiration, etc.). Or, les AT sont souvent mal utilisées et méconnues par les ESH.

Méthodologie

Afin de connaître les besoins en AT de cette population étudiante et de définir la formation à lui offrir, les chercheures ont effectué une recherche qualitative exploratoire auprès de 44 ESH en contexte universitaire et d’une conseillère en aide technologique.

La conseillère a sollicité chaque étudiant pour identifier ses « représentations » des AT, mais aussi son expérience avec l’objet physique.

Les données recueillies ont permis de dégager le profil des étudiants et leurs besoins de formation, la démarche de formation offerte, les défis rencontrés et les bénéfices à utiliser les AT au terme de la formation.

Résultats clés

Le profil des étudiants et leurs besoins de formation

  • De ces 44 étudiants, 16 ont un trouble d’apprentissage, 16 ont un TDA/H, 3 ont un TDA/H et un trouble d’apprentissage, 4 un TDA/H et un trouble d’anxiété généralisée (TAG), un étudiant présente un trouble de santé mentale, 4 présentent un trouble de santé physique (TSP);
  • les 44 participants demandent du soutien pour s’approprier en moyenne deux AT (souvent complémentaires), majoritairement axées sur l’aide à la rédaction, à la lecture ainsi qu’à la prise de notes;
  • les 44 participants sont conscients que les formations portant sur les AT peuvent les aider à diminuer les obstacles à l’apprentissage rencontrés et qu’ils sous-utilisent certaines fonctions des AT. Certains précisent que les AT peuvent leur permettre de développer leur autonomie.

La démarche de formation offerte

La formation initiale à une AT s’effectue toujours en présentiel et suit trois étapes :

1) La démonstration de l’outil et de ses fonctionnalités vise l’apprentissage de la terminologie essentielle à son utilisation;

2) La manipulation de l’AT favorise la maitrise de l’outil. À cette étape, la conseillère offre systématiquement des fiches techniques à consultation rapide, qui expliquent certaines fonctionnalités, ainsi que des tutoriels qu’elle a conçus en guise d’aide-mémoire;

3) Des exercices pratiques sont proposés aux étudiants afin qu’ils puissent consolider les notions à apprendre.

Les défis rencontrés par les ESH

Le principal défi réside dans la maitrise de la terminologie et des étapes à suivre pour accomplir une tâche. Par exemple, deux rencontres ont été nécessaires pour apprendre à optimiser l’utilisation d’Antidote pour 15 des 21 participants (71 %).

Cette sous-utilisation de l’outil confirme que les utilisateurs doivent posséder une bonne connaissance du français pour en tirer un maximum de bénéfices.

En effet, certains logiciels ne sont pas conçus dans un design d’appropriation simple, d’où la nécessité d’une formation aux ESH. Aussi, pour la majorité, le plus grand défi est de prendre du temps pour parfaire leurs apprentissages dans un horaire de cours bien chargé.

Image : Pixabay

Les bénéfices à utiliser les AT au terme de la formation

Au terme de leur formation, les ESH soulignent les bénéfices d’une meilleure maitrise des AT. Ainsi, 86 % semblent satisfaits du soutien offert, se disent motivés à poursuivre la formation ou promettent de communiquer avec la conseillère au besoin.

Les bénéfices à utiliser les AT, un an après la formation

Parmi les 44 ESH qui ont suivi la formation, 25 ont participé à l’entrevue semi-dirigée qui a eu lieu un an après la formation reçue; 21 d’entre eux (84 %) ont jugé la formation indispensable ou très utile dans le cadre de leurs études. La formation les a aidés à améliorer leurs compétences, ce qui a eu pour effet d’augmenter leur performance scolaire et de rentabiliser leur temps.

Des attentes réalistes et un effet positif

Les résultats de cette étude exploratoire montrent qu’il est important de choisir minutieusement l’AT appropriée pour compenser une difficulté vécue par un ESH – sans pour autant garantir que l’AT comblera les besoins de chacun.

L’étude montre l’effet positif des AT pour amoindrir les obstacles à l’apprentissage lors de la rédaction de travaux et de la lecture, pourvu que les attentes des étudiants à l’égard de ce que les AT peuvent accomplir demeurent réalistes et qu’ils y consacrent le temps nécessaire à leur appropriation.

Source : Philion, R., Mihalache, I. et Dallaire, S. (2020). L’appropriation des aides technologiques par les étudiants en situation de handicap : quel type de formation offrir? Formation et profession, 28(1), 81-93. http://dx.doi.org/10.18162/fp.2019.518