Dans un contexte où la population étudiante vit de plus en plus d’insécurité alimentaire, une équipe de recherche américaine plaide en faveur d’une culture de l'équité en santé publique sur les campus, afin que l’ensemble des étudiantes et des étudiants bénéficient des mêmes conditions de réussite.

Dans la dernière décennie, l’accès à une alimentation suffisante a été identifié comme un problème crucial par les établissements d’enseignement supérieur aux États-Unis. Certains d’entre eux ont mis en place des programmes et des mesures pour améliorer l’accès de la population étudiante à la nourriture, notamment des banques alimentaires, des jardins communautaires, des repas collectifs, des groupes de travail sur le sujet, etc. (p.3).

Image : Canva

Les effets de l’insécurité alimentaire sur la réussite et le bien-être général, notamment chez les personnes étudiantes issues des groupes marginalisés, devraient être davantage examinés (ibid.). C’est l’un des constats d’une équipe de recherche en nutrition dirigée par la chercheuse principale M.R. Savoie-Roskos (Utah State University), qui partage ses réflexions dans un article intitulé Creating a Culture that Supports Food Security and Health Equity at Higher Education Institutions publié dans la revue scientifique Public Health Nutrition.

Un accès équitable aux ressources

L’équipe de recherche soutient d’abord que les établissements d’enseignement supérieur devraient adopter des approches durables pour créer une culture de la sécurité alimentaire et de l’équité en santé sur les campus (p.4).

Cette démarche durable exige d’aller au-delà de la satisfaction des besoins nutritionnels de base, en mettant l’accent sur l’équité en matière de santé (ibid.).

En effet, un accès équitable aux ressources alimentaires est nécessaire afin que l’ensemble des étudiantes et des étudiants atteignent un bien-être physique, émotionnel et social qui lui, favorise la réussite des études (ibid.).

L’équipe de recherche identifie des personnes étudiantes à risque accru d’insécurité alimentaire (ibid). Il s’agit notamment de celles qui s’identifient à une ou plusieurs des caractéristiques suivantes :

  • être dans une situation socioéconomique défavorisée;
  • vivre avec un handicap;
  • être de la première génération de sa famille à fréquenter l’enseignement supérieur;
  • provenir d’un autre pays;
  • faire partie de la diversité sexuelle et de genre;
  • faire partie d’une minorité ethnoculturelle;
  • avoir des personnes à charge.

Selon Savoie-Roskos et ses collègues, il est important de privilégier des approches interdisciplinaires pour promouvoir l’équité en matière de santé et améliorer la sécurité alimentaire.

L’adoption d’un cadre interdisciplinaire permet de tenir compte des différents besoins de ces groupes de personnes étudiantes – qui varient d’un établissement à l’autre –, ainsi que de tous les aspects de la sécurité alimentaire : physique, psychologique, social, etc. (p.7).

Un modèle environnemental

Le modèle Équité en santé (Health Equity Framework) est un cadre scientifique basé sur la justice sociale. Il a été développé pour mieux comprendre l’interaction complexe entre les personnes et leur environnement, qui est à la base de la sécurité alimentaire.

Contrairement à d’autres modèles qui ciblent les obstacles individuels, le modèle Équité en santé permet d’examiner les facteurs environnementaux et sociaux qui influencent l’accès aux programmes et aux mesures d’aide, de même que la capacité des personnes (ici les étudiantes et les étudiants) à utiliser les ressources disponibles.

Recommandations pour les établissements d’enseignement supérieur

L’équipe de recherche propose que les établissements d’enseignement supérieur utilisent ce type d’approche interdisciplinaire et multidimensionnelle pour améliorer l’équité en matière de santé et la sécurité alimentaire de l’ensemble de la population étudiante (p.11). Cette démarche vise notamment à :

  • sensibiliser l’ensemble de la communauté collégiale ou universitaire — population étudiante, corps enseignant et professoral, personnel administratif et professionnel, gestionnaires, etc. — à l’insécurité alimentaire et aux façons dont elle se manifeste chez différents groupes de la population étudiante;
  • évaluer les facteurs qui contribuent à l’insécurité alimentaire dans un établissement particulier afin de réaliser un plan stratégique comprenant des politiques institutionnelles, des programmes et de mesures;
  • Réaliser un plan stratégique comprenant des politiques institutionnelles, des programmes et des mesures qui agissent sur les facteurs contribuant à l’insécurité alimentaire;
  • informer l’ensemble de la communauté des ressources déjà existantes sur les campus, y compris les services de santé mentale et physique;
  • sensibiliser aux préjugés et aux stéréotypes à propos de l’insécurité alimentaire;
  • identifier les groupes de personnes étudiantes les plus exposées à l’insécurité alimentaire et aux disparités en matière de santé;
  • augmenter et diversifier la recherche sur l’insécurité alimentaire dans les établissements d’enseignement supérieur et mesurer l’impact de programmes spécifiques de sécurité alimentaire;
  • intégrer des méthodes de suivi et d’évaluation des programmes pour mieux répondre aux besoins de sécurité alimentaire de la population étudiante;
  • s’associer à la santé publique et à d’autres départements sur le campus pour impliquer différentes parties prenantes dans des initiatives de sécurité alimentaire.

En somme, selon Savoie-Roskos et ses collègues, les établissements d’enseignement supérieur gagneraient à s’appuyer sur des approches multidimensionnelles et interdisciplinaires pour promouvoir l’équité en santé et la sécurité alimentaire des population étudiantes marginalisées. Cela favoriserait l’égalité des chances de l’ensemble des étudiantes et des étudiants provenant de différents milieux socioéconomiques (p.12).

Référence :

Savoie-Roskos, M., Hood, L., Hagedorn-Hatfield, R., Landry, M., Patton-López, M., Richards, R., . . . Mann, G. (2022). Creating a Culture that Supports Food Security and Health Equity at Higher Education InstitutionsPublic Health Nutrition, 1-18. doi:10.1017/S1368980022002294