Une chercheuse du Royaume-Uni examine la manière dont la population étudiante dite « non-traditionnelle » perçoit sa préparation à la transition vers le marché du travail.

Ashley J.G. Gill (Staffordshire University) présente les résultats de sa recherche qualitative dans l’article intitulé “Looking forward” : non-traditional students perceptions of their readiness and preparedness for the transition to work after graduation et paru dans la revue Research in Post-Compulsory Education.

Qu’est-ce que la population étudiante non-traditionnelle ?

Au Royaume-Uni, le qualificatif « non-traditionnel » s’applique aux étudiantes et aux étudiants plus âgés que le groupe habituel des 18-24 ans, à celles et ceux s’identifiant à des minorités ethnoculturelles, ainsi qu’à celles et ceux provenant de milieux défavorisés (p.150).

Des recherches précédentes ont montré qu’une fois sur le marché du travail, les étudiantes et étudiants issus de groupes marginalisés ne progresseraient pas autant économiquement que la population étudiante dite traditionnelle (Vignoles et Murray, 2016).

Ce constat amène la chercheuse à examiner le niveau de préparation de ces groupes à la transition vers le marché du travail, et ce, afin de diminuer les obstacles rencontrés dans la progression de leur carrière (Gill, 2023, p.150).

Pour ce faire, Gill a mené des entretiens auprès de 13 personnes étudiantes ayant un profil non-traditionnel et terminant leur dernière année d’études dans un programme de premier cycle en éducation physique. Elle a interrogé leurs perceptions de leur niveau de préparation à la transition vers le monde du travail (p.155).

Principaux résultats

Quatre thèmes clés se dégagent de l’analyse des entretiens :

  • le sentiment d’être prêt pour le marché du travail (readiness)
  • le niveau de préparation reçue en classe
  • les connaissances et compétences acquises
  • les caractéristiques sociodémographiques

Thème 1. Le sentiment d’être prêt pour le marché du travail

S’il est reconnu que la transition vers l’enseignement supérieur est une période qui peut être anxiogène, les résultats de la recherche de Gill montrent que l’anxiété est également présente lors de la transition vers le monde du travail (p.157).

Plusieurs personnes participantes ont dit ressentir de la nervosité, de l’inquiétude ou de l’appréhension, mais aussi de l’excitation quant à ce que l’avenir leur réservait. Certaines personnes ont le sentiment que les employeurs ont des attentes spécifiques à leur égard, ce qui peut expliquer l’anxiété ressentie (ibid.).

La plupart des personnes participantes ont dit se sentir prêtes pour entrer sur le marché du travail lorsqu’elles faisaient référence aux exigences professionnelles, aux connaissances pertinentes et aux compétences techniques (p.158).

Elles se disaient conscientes de leur inexpérience et de la compétitivité du marché de l’emploi, mais se disaient prêtes à progresser dans le monde du travail (ibid.).

Thème 2. Le niveau de préparation reçue en classe

Toutes les personnes participantes ont fait l’éloge du contenu de leurs cours, plus particulièrement des éléments pratiques de leur programme (notamment les stages) les préparant à développer les compétences nécessaires pour travailler (p.158-159).

Elles ont également établi elles-mêmes un lien positif entre l’assiduité et le fait d’être engagée dans la préparation à la transition vers le marché du travail. Selon Gill, cette association positive pourrait s’expliquer par le contexte socioéconomique de la population étudiante non-traditionnelle. En effet, celle-ci doit souvent travailler davantage pour subvenir à ses besoins et parfois ceux de sa famille, tout en étudiant. Leurs expériences de travail peuvent contribuer à une perception positive de leur niveau de préparation à la transition vers le monde professionnel (p.159).

Selon Gill, le « sentiment d’auto-efficacité personnelle » peut être renforcé par un enseignement, des informations et des conseils d’orientation de qualité. À cet égard, les personnes participantes ont unanimement salué la grande qualité du personnel enseignant, le citant comme une ressource importante dans leur préparation à la transition vers le monde du travail (p.160)

Thème 3. Les connaissances et les compétences acquises

Selon Gill, les contenus des cours théoriques et pratiques ont un impact sur la perception du niveau de préparation à la vie active après l’obtention du diplôme (ibid.).

À ce propos, les personnes participantes ont noté que leurs cours pratiques leur permettaient d’appliquer ce qu’elles avaient appris d’un point de vue théorique, tout en développant des connaissances supplémentaires pertinentes pour le lieu de travail (p.161).

Elles ont mentionné les « métacompétences » suivantes comme étant importantes pour leur transition vers le monde du travail : la pensée critique, la résolution de problèmes, la collaboration et le travail d’équipe (ibid.).

Thème 4. Les caractéristiques sociodémographiques

Selon Gill, les caractéristiques sociodémographiques des personnes étudiantes ayant un profil non-traditionnel influencent leur expérience de l’enseignement supérieur, de même que leurs perceptions du niveau de préparation à transition vers le monde du travail (ibid.).

Les résultats de cette recherche montrent que l’âge et la maturité jouent un rôle important dans leurs perceptions. Plus la personne étudiante est mature, plus elle aurait une perception positive de son niveau de préparation à la vie active après l’obtention de son diplôme (ibid.).

Les résultats montrent également que la population étudiante non-traditionnelle considère l’enseignement supérieur comme un véhicule nécessaire pour accéder à un emploi de qualité sur le marché du travail, avec un salaire décent et de bonnes perspectives d’avenir (p.163).

Implications pour les établissements d’enseignement supérieur

La chercheuse propose des pistes d’action autour des quatre thèmes identifiés :

  • Sentiment d’être prêt (readiness) : Les établissements ont la responsabilité d’équilibrer l’enseignement théorique (les connaissances) et pratique (l’expérience) au sein de leurs programmes d’études afin de préparer adéquatement les étudiants et étudiantes au marché du travail. Cette préparation permet de diminuer leur niveau d’anxiété lors de la transition (p.164).
  • Préparation en classe (preparedness) : La population étudiante non-traditionnelle se sent préparée à la transition vers le travail en particulier grâce aux relations avec le personnel enseignant. Il incombe donc aux établissements d’enseignement supérieur et au personnel enseignant d’offrir à la population étudiante des possibilités de s’engager dans un processus d’apprentissage actif (ibid.).
  • Connaissances et compétences : la population étudiante non-traditionnelle utilise les connaissances théoriques pour développer des compétences pratiques, renforçant la confiance en ses propres capacités. Par conséquent, les établissements devraient s’assurer que les programmes d’études sont élaborés de manière à permettre d’appliquer les connaissances dans un cadre pratique. Il s’agit, par exemple, de veiller à ce que les cours comportent des stages (ibid.).
  • Caractéristiques sociodémographiques : les établissements ont la responsabilité d’offrir un soutien à la population étudiante non-traditionnelle pour non seulement lui permettre d’accéder à l’éducation postsecondaire, mais aussi de s’y épanouir (p.164-165).

Références

Gill, A. (2023). “Looking forward” : non-traditional students perceptions of their readiness and preparedness for the transition to work after graduation, Research in Post-Compulsory Education, 28(1), 149-172. DOI: 10.1080/13596748.2023.2166697

Vignoles, A., et Murray, N. (2016). Widening Participation in Higher Education, Education Sciences, 6(2), 1–4. DOI: 10.3390/educsci6020013