Deux chercheuses en sciences de l’éducation examinent les représentations du tutorat chez les personnes qui apportent du soutien en français aux étudiantes et aux étudiants des collèges.

Valérie Thomas et Geneviève Carpentier (Université de Montréal) présentent les résultats de leur recherche dans un article paru dans le plus récent numéro de la revue Language & Literacy.

Afin de mieux comprendre comment les personnes tutrices des centres d’aide en français (CAF) du réseau collégial se représentent leur rôle, les deux chercheuses ont distribué un questionnaire à 116 d’entre elles dans 12 établissements de niveau collégial. L’équipe de recherche a ensuite réalisé des entretiens semi-dirigés avec six personnes tutrices.

Six dimensions de la pratique du tutorat dans les CAF (Thomas, 2021) ont été retenues pour guider l’analyse des données :

  1. le tutorat est un moyen d’apprentissage pour la personne tutorée ;
  2. le tutorat est un moyen d’apprentissage pour la personne tutrice ;
  3. Le tutorat unit deux personnes apprenantes qui ont un certain écart de compétence ;
  4. La personne tutrice peut apporter un soutien scolaire ;
  5. La personne tutrice peut apporter un soutien motivationnel ;
  6. La personne tutrice peut apporter un soutien d’intégration (Thomas et Carpentier, 2022, p.4).

Principaux résultats

L’analyse quantitative et qualitative des données révèle principalement que les tuteurs et les tutrices se voient comme des personnes apprenantes qui offrent surtout du soutien scolaire et motivationnel.

Le tutorat comme moyen d’apprentissage

Pour plusieurs personnes tutrices participantes, le tutorat représente un moyen d’apprentissage, et ce, même chez les plus expérimentées. Cette posture apprenante influence leur façon d’entrer en relation avec les personnes tutorées, notamment en instaurant une relation non hiérarchique, en exprimant leurs doutes et en demandant de la rétroaction pour pouvoir s’améliorer (ibid., p.13).

Bien que cette posture puisse satisfaire certaines personnes tutorées, une étude de Cabot (2021) montre que d’autres préfèrent recevoir de l’aide de la part d’une personne en position d’autorité, plus âgée et plus compétente. Cabot (2021) suggère d’ailleurs que la personne tutorée dans un CAF puisse choisir le statut de sa personne tutrice (paire, universitaire ou enseignante) selon ses besoins.

Un rôle de soutien scolaire et motivationnel

En ce qui concerne leur rôle, les personnes tutrices sondées affirment offrir surtout du soutien scolaire et motivationnel, notamment :

Image : Canva
  • en aidant les personnes tutorées à acquérir et à consolider des connaissances disciplinaires ;
  • en leur fournissant de la rétroaction ;
  • en les encourageant ;
  • en les aidant à mieux comprendre leurs forces et leurs faiblesses (Thomas et Carpentier, 2022, p.13).

Par ailleurs, plus de 40 % des personnes tutrices interrogées affirment peu aborder les stratégies d’apprentissage, soit pour se conformer aux attentes du CAF (certains contenus sont proscrits) ou pour répondre aux attentes implicites (absence de formation pour offrir ce soutien) (ibid., p.14).

Selon les chercheuses, puisque l’adoption de stratégies d’apprentissage efficaces peut amener une plus grande autonomie, le tutorat offert par les CAF devrait miser sur le développement de stratégies pour accomplir des tâches de lecture et d’écriture.

Il peut s’agir, par exemple, d’outiller davantage les personnes tutrices pour qu’elles offrent :

  • des stratégies facilitant la rédaction de textes semblables à ceux exigés dans leurs cours : comment comprendre et analyser des textes littéraires, générer des idées, organiser un plan, choisir le bon vocabulaire, réviser le texte, etc. 
  • des stratégies plus générales et liées au métier d’étudiant·e : comment bien gérer son temps, s’assurer de répondre aux exigences d’un travail, planifier son étude, etc.

Par ailleurs, miser sur le développement de stratégies d’apprentissage exige de repenser les objectifs du tutorat dans les CAF et les attentes formulées envers les personnes tutrices.

ibid., p.14.

Pistes d’action

L’une des pistes d’action proposées par les deux chercheuses concerne le niveau d’intervention des personnes tutrices dans les CAF. Ces dernières pourraient aider les personnes tutorées à identifier les facteurs qui nuisent à leur motivation et à discuter avec elles de stratégies de motivation (ibid., p.14).

Plusieurs personnes tutrices rencontrées en entrevue dans le cadre de cette recherche misent déjà sur des interventions soutenant la motivation. Or, certaines d’entre elles hésitent à aborder les stratégies plus affectives, car elles ne savent pas ce qui est attendu d’elles ni comment s’y prendre (ibid., p.14).

À cet égard, les chercheuses soutiennent qu’il serait sans doute profitable — à la fois pour les personnes tutrices et les personnes tutorées — que la formation des CAF sur le tutorat soit plus explicite sur le soutien affectif (ibid., p.15).


Références

Cabot, I. (2021). Utilisateurs et non-utilisateurs des centres d’aide en français au postsecondaire : une étude comparative par la méthode d’appariement cas-témoin. In De l’aide virtuelle ou en présence? Le spectre des possibles d’un centre d’aide hybride : effets sur la motivation, la réussite et la persévérance scolaires. Cégep Saint-Jean-sur-Richelieu.

Thomas, V., et Carpentier, G. (2022). Représentations du tutorat et du rôle des tuteurs des centres d’aide en français des cégeps. Language and Literacy24(3), 1–19.

Thomas, V. (2021). Les tuteurs des centres d’aide en français au cégep : la représentation de leur rôle et les dispositifs d’enseignement utilisés [mémoire de maitrise], Université de Montréal]. Papyrus.