Francis Beauchamp-Goyette a réalisé une enquête documentaire afin d’obtenir un portrait d’ensemble de la reconnaissance des acquis et des compétences (RAC) dans les universités au Québec. Son mémoire, déposé à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, vise à dresser l’inventaire des pratiques déclarées des universités québécoises en matière de RAC et, plus spécifiquement, en reconnaissance d’acquis par l’expérience et par les activités extrascolaires. Pour ce faire, l’auteur a épluché les sites web des 18 établissements universitaire du Québec, ainsi que leur cadre réglementaire des études et politiques institutionnelles. La question qui a guidé sa démarche est la suivante : est-il possible de faire reconnaître une formation universitaire autodidacte dans le contexte universitaire québécois?

Contexte des ressources éducatives libres (REL)

Domaine public, licence ouverte, libre accès : toutes ces caractéristiques définissent la kyrielle de ressources didactiques disponibles de nos jours. Le mouvement de l’éducation ouverte (ou libre de droits) et des REL est porté par l’espoir de rendre l’enseignement supérieur plus accessible, voire dans certains cas gratuit comme avec les MOOC. Or, quiconque souhaiterait accomplir sa formation universitaire par lui-même se retrouve confronté à un problème de taille : celui de la  reconnaissance et de l’accréditation qui pourraient être accordées à de telles formations alternatives. En effet, le dispositif de RAC demeure la seule solution qui s’offre actuellement dans le milieu universitaire pour valider de tels parcours. Ce dispositif demeure toutefois limité dans l’étendue de sa reconnaissance (plafonnement du nombre de crédits admissibles), en plus d’être appliqué différemment selon la culture organisationnelle en place dans chaque université – qui, elle, souhaite s’inscrire dans une économie du savoir mondiale.

Analyse des sites web des universités

Considérant l’importance que sont en train de revêtir ces voies parallèles d’apprentissage, cette recherche a voulu se pencher plus attentivement sur le dispositif de RAC et voir comment il peut servir à reconnaître et accréditer des formations universitaires de type autodidacte. L’analyse des données des sites web des universités a permis de construire une grille constituées de neuf critères, qui permettent au final de comparer l’état des pratiques déclarées de la RAC entre les universités québécoises :
  1. Page web : Est-ce qu’il y a une page web institutionnelle dédiée à l’information sur la RAC ?
  2. Politique institutionnelle : Est-ce que l’établissement possède une politique institutionnelle en matière de RAC ?
  3. Politique(s) interne(s) : Est-ce que l’établissement possède à l’intérieur de ses unités académiques des politiques ou règlements relatifs à la RAC ?
  4. Procédures : Peut-on retrouver sur le site web institutionnel de l’information sur les procédures à suivre pour faire reconnaître ses acquis d’apprentissage ?
  5. Frais : Est-ce que le site web institutionnel nous renseigne sur les frais encourus par la démarche de RAC ?
  6. Crédits admissibles : Est-ce que le site web institutionnel nous renseigne sur le nombre de crédits admissibles dans le cadre de la RAC ?
  7. Personnes ressources : Est-ce que l’université a désigné une ou des personnes-ressources responsables de la RAC (autres que les directions académiques et le bureau du registraire) ?
  8. RAC extrascolaires : Est-ce que l’établissement offre l’opportunité de reconnaître des acquis expérientiels ou extrascolaires ?
  9. Forme de reconnaissance : Les types de reconnaissance que l’établissement et ses unités accordent (équivalence,  transfert, substitution, exemption, etc.).

Principaux constats

Le processus de RAC de chaque université québécoise été analysé. Le grand constat de l’étude est clair:  les universités québécoises adoptent une acceptation limitative des acquis extrascolaires, étant peu enclines à reconnaître des apprentissages acquis de manière autodidacte, exception faite des universités UQAC, UQTR, Laval et Sherbrooke. Même s’il y a une légère augmentation des pratiques de RAC depuis quinze ans, l’auteur souligne l’inégale qualité des efforts des établissements, qui sont différemment ouverts à sa mise en œuvre. Bien que la volonté de préserver cette autonomie des universités soit louable, ce manque de cohérence dans les pratiques de RAC « a des effets discriminatoires potentiels et réels vis-à-vis des étudiants qui aimeraient bénéficier d’une reconnaissance de leurs acquis ». Plusieurs raisons peuvent expliquer cette incohérence en RAC :
  • la notion de reconnaissance des acquis « extrascolaires » est ambiguë. Quand il en est question, on réfère souvent aux acquis expérientiels tirés de l’expérience de travail; 
  • la RAC est peu mise en valeur par les universités. Les étudiants sont rarement encouragés et dirigés vers ce processus;
  • il existe un manque de ressources (humaines et financières) allouées aux services de RAC dans le réseau universitaire québécois;
  • le contexte universitaire québécois en matière de RAC se caractérise par un ensemble de pratiques erratiques, c’est-à-dire qu’il ne semble pas y avoir consensus d’une université à une autre, ni même au sein d’une même université, voire au sein d’une même faculté, que ce soit en terme des procédures, du nombre de crédits admissibles, des frais exigés ou des types de reconnaissance accordée.

Pistes à explorer

L’auteur souhaite que l’ouverture accordée aux pratiques de reconnaissance d’acquis informels que l’on voit émerger à travers un nombre croissant de projets universitaires au niveau international convaincra les autorités universitaires du Québec (gouvernement et administrateurs) d’assouplir les mesures de RAC dans les universités québécoises. De plus,  il espère que la Grande initiative réseau, pilotée par l’UQ et actuellement en cours, en vue d’harmoniser les pratiques de RAC au sein du réseau des universités du Québec puisse ouvrir plus largement la porte à ce type de reconnaissance.