Dans un contexte où la crise sanitaire actuelle aggrave la crise de la santé mentale, s’entraîner à être résilient s’avère une pratique prometteuse.

Dans un récent article paru dans The Chronicle of Higher Education, les journalistes Sarah Brown et Alexander C. Kafka rappellent que le concept de « résilience » est devenu populaire dans les dernières années : les collèges et les universités ont mis en place des programmes de bien-être et des cours qui intègrent la méditation, le yoga, ou encore des techniques de gestion du stress comme la respiration profonde.

Être résilient permettrait de persévérer face aux inévitables facteurs de stress de la vie en mettant fin aux pensées négatives, et de rester ainsi sur la bonne voie, tant sur le plan scolaire que psychologique.

Dans le contexte actuel de pandémie mondiale, le bon message à envoyer à la population étudiante est-il celui de surmonter les difficultés, de rebondir après un échec et d’en sortir plus forts ?

Sondages sur la santé mentale en pandémie

Selon un sondage mené en avril par l’organisme Active Minds, 80% des étudiants affirment que la crise de la COVID-19 a des répercussions négatives sur leur santé mentale. Près de 20 % d’entre eux affirment que cette dernière s’est considérablement détériorée; 91 % ressentaient du stress et de l’anxiété et 80 % de l’isolement.

Plusieurs étudiants ont perdu leurs mécanismes d’adaptation habituels dans le contexte de confinement, à un âge où les liens d’amitié sont fortement significatifs. Bien que les moyens technologiques permettent les contacts, la présence en classe et sur le campus en général manque à plusieurs.  

Les modes de vie ordinaires étant bouleversés, certains étudiants affirment rencontrer des défis importants sur le plan de leur santé globale, comme celui de maintenir une routine (76 %), de faire suffisamment d’activité physique (73 %) et de maintenir des liens sociaux (63 %).

Les résultats d’un sondage réalisé par l’American Council on Education montrent quant à eux que 41 % des dirigeants d’université déclarent que la santé mentale étudiante est l’une de leurs préoccupations les plus pressantes liées à la pandémie. Près de 35 % des dirigeants ont déclaré prévoir investir davantage dans les services de santé mentale à l’avenir.

Image : Pixabay

Dans un contexte de crise économique, les établissements d’enseignement supérieur devront donc « aider les étudiants à s’aider », en faisant attention aux messages proposés.

La résilience adaptative

La jeune génération vit actuellement de réelles inquiétudes : santé mentale et physique, logement et insécurité alimentaire, perspectives de carrière incertaines, etc. Il est donc normal que plusieurs étudiants se sentent en détresse psychologique. Cependant, même dans ce contexte difficile, il est possible de croître en misant sur ses forces.

Dans le cours Changer les esprits, changer les vies qu’elle a créé il y a douze ans, Genevieve Chandler, professeure de soins infirmiers à l’Université du Massachusetts, a intégré un programme de résilience axé sur les techniques de pleine conscience, les postures de yoga et les exercices d’écriture.

Cette formation est une invitation aux étudiants à « s’aider soi-même ». On y enseigne la « résilience adaptative ». Une personne participante apprendra, par exemple, à identifier ses points forts et miser sur ceux-ci en temps de crise, à identifier et à rejeter les pensées dévalorisantes, à vivre réellement une émotion négative (anxiété, tristesse) sans s’identifier à elle, etc.

À cet égard, les outils en santé mentale portant sur la pleine conscience et le moment présent sont appropriés dans le contexte actuel d’incertitudes. Les projets qui mettent l’accent sur le maintien des bonnes habitudes de vie (boire de l’eau, manger sainement, faire de l’exercice physique, dormir suffisamment, etc.) sont également pertinents en ces temps où les routines sont bouleversées.

Selon les psychologues interviewés dans l’article, la résilience n’est pas un trait de caractère inné : elle se développe avec la pratique. Les gens qui s’épanouissent n’ont pas moins peur, ne sont pas moins inquiets ou contrariés par ce qui se passe autour d’eux. Les personnes résilientes ne doivent pas être perçues comme des super-héros dans le contexte de crise : elles ont parfois autant de mal à sortir du lit.

Il faut aussi garder en tête qu’être résilient présuppose un certain nombre de privilèges. Une personne qui a plus de difficultés n’est pas nécessairement moins résiliente;  il se peut qu’elle essaie de s’adapter à des obstacles auxquels les autres n’ont pas à penser (finances, résidence, etc.).

Comment communiquer avec les étudiants ?

Selon le professeur en psychologie de l’Université Colombia de New York, Georges Bonanno, ce qui est le plus difficile pour la population étudiante, ce sont l’incertitude et la confusion. Selon lui, une communication régulière et sans fioritures – même si c’est juste pour dire « voici ce que nous surveillons » – est l’approche la plus constructive que les établissements d’enseignement supérieur peuvent adopter.

Les responsables doivent être attentifs aux messages de santé mentale qu’ils envoient. Il est important de créer un espace pour que les étudiants puissent faire leur deuil avant de leur dire que cette crise va les rendre plus forts et plus résistants.

Les établissements peuvent aider les étudiants à identifier leurs points forts et à les exploiter lorsqu’ils se sentent dépassés, dans une perspective de « résilience adaptative ». Selon le sondage Active Minds cité plus haut, la moitié des personnes interrogées disent qu’elles ne sauraient pas où aller si elles ou quelqu’un qu’elles connaissent avaient besoin de services professionnels de santé mentale dans l’immédiat. Les établissements devraient donc rappeler régulièrement à la population étudiante les ressources disponibles.

Consulter l’article dans The Chronicle Higher Education

Consulter le sondage d’avril d’Active Minds