Résultats de recherche
Regards de collégiennes et de collégiens sur le rapport aux études de leurs parents
25 août 2022
Résultats de recherche
25 août 2022
Les chercheurs Frédérik Deschenaux et Francis Charlebois, tous deux de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), de même que Sylvain Bourdon, de l’Université de Sherbrooke, signent un article dans le plus récent numéro de la Revue canadienne de l’éducation (été 2022).
Les données qui y sont analysées proviennent d’une enquête longitudinale intitulée Famille, réseaux et persévérance au collégial (Bourdon et al., 2007). Au total, ce sont 96 étudiantes et étudiants des cégeps Lionel-Groulx, de Sherbrooke et du Vieux Montréal qui ont participé à la recherche. Les données utilisées par Deschenaux, Charlebois et Bourdon (2022) comprennent tous les entretiens des vagues successives de cette enquête longitudinale.
Le guide d’entretien incluait des questions sur l’importance des études pour les parents des jeunes telles que : « Comment compares-tu ton choix de vie et celui de tes parents ? », « Quelle est l’importance des études pour tes parents ? » et « Crois-tu qu’ils auraient voulu étudier davantage eux-mêmes ? ». Les réponses à ces questions constituent majoritairement le corpus de l’analyse dans [cet article]. (p.360)
L’analyse des entretiens permet de dégager cinq types de rapport aux études
vécus par leurs parents.
Ces trois derniers types (lucide,protecteur et autoritaire) ont le rapport utilitaire comme dénominateur commun.
En effet, les personnes étudiantes interrogées perçoivent majoritairement chez leurs parents un rapport utilitaireaux études qui se traduit par l’importance accordée au fait de se trouver un bon emploi, de bien gagner sa vie et de réaliser ses ambitions (p.364).
Le type lucide, par exemple, peut se greffer au rapport utilitaire : certains parents expriment des regrets au sujet de leur parcours scolaire et utilisent ces regrets comme source de motivation pour encourager leurs enfants à ne pas répéter leur « erreur » (p.365).
Lorsque greffé au type utilitaire, le rapport protecteur illustre quant à lui l’importance de poursuivre des études postsecondaires afin d’exploiter le plein potentiel de leur enfant et de ne pas brimer leurs aspirations, mais aussi de leur éviter des revers vécus. Dans le rapport autoritaire-utilitaire, les jeunes ressentent une injonction à la scolarisation universitaire (p.366).
« Mais peu importe le rapport aux études du parent, on remarque une forme d’injonction au bonheur véhiculée de manière assez générale par les parents. Les jeunes reviennent souvent sur le fait que leurs parents souhaitent leur bonheur avant toute chose […] » (p.367).
L’analyse des entretiens montre que les parents occupent une place importante dans le parcours scolaire des jeunes, parfois en raison de leurs revers à ne pas reproduire, parfois en inspirant par leur parcours (ibid.).
Poursuivre des études postsecondaires devient la nouvelle norme véhiculée par les parents qui teinte les cinq types de rapport aux études transmis à leurs enfants (p.368). De manière générale, les résultats montrent que les jeunes reconnaissent, à l’instar de leurs parents, la nécessité de la scolarisation postsecondaire. Les jeunes répondent de manière favorable aux attentes parentales, puisqu’elles et ils endossent à leur tour le discours utilitaire : leurs parents ou d’autres personnes étant considérées comme des figures de réussite (oncle, tante, proche de la famille), ces jeunes entament de « grosses études » (p.368).
En somme, l’équipe de recherche constate une volonté d’autonomie de la part des jeunes, qui veulent prendre des décisions de manière autonome pour se démarquer de leurs parents, mais ont également une importante influence du milieu familial qui teinte le regard et leur espace des possibles (ibid.).
Les jeunes portent un regard « mélioratif et bienveillant » (ibid.) sur le parcours scolaire de leurs parents. Le fait qu’un des parents détienne un diplôme universitaire semble exercer une influence suffisante pour qu’elle ou il s’inscrive dans le réseau collégial (p.369).
Dans le cas des jeunes dont les parents ne possèdent pas de diplôme postsecondaire, ils et elles ont une volonté de se distinguer de leurs parents tout en faisant preuve de compréhension bienveillante à leur égard. Plusieurs mentionnent qu’à l’époque, la situation différait et que l’abandon scolaire pouvait se comprendre dans ce contexte, portant ainsi un regard mélioratif sur le parcours parental (p.369).
Les résultats de l’analyse des entretiens amènent l’équipe de recherche à conclure en la persistance de l’influence du milieu familial dans le parcours scolaire des jeunes. En effet, il est possible de s’éloigner d’une vision « mécaniste » qui évacue toute décision de la part de l’individu ou, à l’opposé, d’une vision qui élimine l’influence du contexte et des facteurs sociaux dans les parcours scolaires. La sociologie a depuis longtemps montré l’importance d’équilibrer l’influence de l’environnement social et familial et le pouvoir décisionnel de la personne (p.370).
Compte tenu du fait que la grande majorité de la population québécoise semble reconnaitre l’importance de l’enseignement supérieur au Québec, l’équipe de recherche s’interroge sur la pertinence des travaux qui portent sur l’accès au collège et à l’université. Selon Deschenaux, Charlebois et Bourdon (2022), les enjeux sociaux sous-jacents à cette situation demeurent pertinents et devront faire l’objet de recherches futures.
Bourdon, S., Charbonneau, J., Cournoyer, L. et Lapostolle, L. (2007, mars). Famille, réseaux et persévérance au collégial : phase 1 [Rapport de recherche]. Équipe de recherche sur les transitions et l’apprentissage (ERTA).
Deschenaux, F., Charlebois, F. et Bourdon, S. (2022). Le regard des collégiens sur le parcours scolaire et le rapport aux études de leurs parents. Canadian Journal of Education/Revue canadienne de l’éducation, 45(2), 350–374. DOI : https://doi.org/10.53967/cje-rce.v45i2.4789
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