Le dernier numéro du magazine de l'Association des services aux étudiants des universités et collèges du Canada (ASEUCC/CACUSS) est consacré au mouvement d'autochtonisation et de décolonisation qui bat son plein dans les établissements d'enseignement postsecondaire du pays.

Dans cette dernière édition du magazine Communiquéla présidente de l’ASEUCC/CACUSS, Patricia Pardo, explique d’abord que ce qu’on appelle maintenant l’autochtonisation (indigenization) des universités et des collèges découle des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, en 2015. L’autochtonisation signifie que « des efforts conscients sont mis en œuvre pour intégrer les peuples autochtones, leurs philosophies, leurs connaissances et leurs cultures dans les plans stratégiques, les rôles de gouvernance, l’élaboration et l’examen des programmes d’études, la recherche et le perfectionnement professionnel ».

L’autochtonisation doit toutefois être plus qu’une simple liste de demandes ; elle doit engendrer un changement significatif et substantiel dans le tissu institutionnel (Pidgeon, 2016). En ce sens, elle implique un processus de décolonisation, afin que les attitudes individuelles, messages culturels et pratiques institutionnelles cessent d’avantager les personnes blanches aux dépens des autres.

Pour ce faire, Pardo appelle à tenir compte des répercussions de la colonisation sur le cheminement des étudiants et à s’engager dans une réflexion sur l’impact des privilèges et des stéréotypes dans le soutien aux étudiants, référant au cadre holistique de Pidgeon (2016) qui propose aux établissements postsecondaires un modèle pour évoluer sur le plan du soutien offert aux étudiants autochtones.

Selon la présidente de l’ASEUCC/CACUSS, ce cadre holistique fournit des principes directeurs afin de garantir que les établissements deviennent des lieux accessibles, inclusifs et sécuritaires qui favorisent la réussite des Autochtones.

Éduquer les non-Autochtones

Un autre article de ce numéro, intitulé Indigenizing CACUSS :  A Conversation about Moving Forward, est rédigé par deux Autochtones œuvrant pour l’ASEUCC/CACUSS, Maria Shallard et Seán Carson Kinsella. Les auteurs rappellent d’abord qu’en plus de renvoyer à la création d’un espace de soutien et de confort à l’intérieur des institutions, l’autochtonisation réfère au recadrage de la production de connaissances et à la transmission d’un point de vue autochtone. 

Or, ces changements de systèmes et de mentalités demandent du temps. Par exemple, bien que de nombreuses institutions travaillent à la mise en œuvre des recommandations de la Commission de vérité et réconciliation, cela ne se traduit pas toujours par la création de postes pour les Autochtones (bien que cela commence à changer) ou par l’éducation des collègues non-autochtones aux réalités autochtones.

En effet, l’une des voies prometteuses vers le changement des mentalités consiste à éduquer les non-Autochtones. C’est le but de l’initiative Talking in Tipis, un projet dans lequel 1200 nouveaux étudiants de l’Université Trent ont participé à des séances d’apprentissage des traditions, territoires et ressources autochtones. Inscrite comme activité obligatoire pendant la semaine d’orientation, le projet a également fait l’objet d’une vaste campagne de promotion sur le campus.

Le projet constitue une porte d’entrée pour que les étudiants non-autochtones continuent ensuite à construire des relations avec les étudiants autochtones sur le campus et dans la communauté.  Cette expérience pour les nouveaux étudiants, peu importe leur origine, vise à appuyer leur réussite académique en leur fournissant les premières occasions d’établir des liens inter-communautés.

Toujours dans cette optique d’éducation des non-Autochtones, tous les nouveaux étudiants du premier cycle universitaire, à compter de septembre 2018, devront obtenir au moins la moitié d’un crédit à la Chanie Wenjack School for Indigenous Studies pour avoir leur diplôme universitaire.

Changer des structures

Un autre article de ce numéro du magazine Communiqué qui retient notre attention est celui de Mark Solomon, directeur de la vie étudiante au Seneca College et membre des Premières nations. L’auteur reprend la définition de l’autochtonisation dans les termes de Pidgeon (2015) : il s’agit d’un mouvement vivant et complexe qui vise l’intégrité culturelle des peuples autochtones dans les institutions postsecondaires, par le biais d’une approche respectueuse et de programmes et de services pertinents.

L’auteur relève certaines critiques du mouvement de l’autochtonisation. Certaines universités canadiennes se préparent déjà un un mouvement de contre-autochtonisation. Ses partisans affirment que le contenu autochtone diminuerait la qualité de l’enseignement supérieur ou encore que les étudiants d’origine étrangère ne sont pas représentés dans le contenu enseigné. Ce mouvement de recul est compréhensible selon l’auteur, car l’autochtonisation a toujours suscité de la méfiance ou des réactions négatives.

Pour Solomon, le processus de décolonisation ne se réduit pas à des pow-wow sur les campus. Il vise les structures et les cadres coloniaux au sein des institutions, de même que les représentations symboliques, parfois fausses, des cultures autochtones. Il bouscule donc les structures en place, ce qui suscite inévitablement des réactions.

Pour accéder à ce numéro sur l’autochtonisation du magazine Communiqué de l’ASEUCC/CACUSS