Matthew Stranach, spécialiste des technologies d'apprentissage, explore le processus d'autochtonisation (en anglais, indigenization) dans l'enseignement supérieur canadien.

Plusieurs personnes ont récemment participé au cours en ligne Indigenous Canada, un MOOC fort populaire offert par l’Université de l’Alberta. De nombreuses universités, dont l’Université de Colombie-Britannique et l’Université de Toronto, offrent des cours semblables, qui portent notamment sur la réconciliation par l’éducation autochtone ou sur les cosmologies (les visions du monde) autochtones.

Dans un récent article paru dans le magazine en ligne The Conversation, Matthew Stranach, coordonnateur en technologies éducatives à l’Université Thompson Rivers en Colombie-Britannique, estime que la grande popularité de ces MOOC s’inscrit dans le processus actuel d’autochtonisation des universités, tant sur le plan des contenus offerts que sur celui des structures universitaires. Dans un document stratégique intitulé Inspiring relationships, le Camosun College (Colombie-Britannique) définit l’autochtonisation comme :

« le processus par lequel les façons autochtones de connaître, d’être, de faire et d’établir des relations sont incorporées dans les structures éducatives, organisationnelles, culturelles et sociales ».

Selon Stranach, les MOOC possèdent un grand potentiel pour atteindre les objectifs de l’autochtonisation de contenus. Ils pourraient permettre, par exemple, d’approfondir les apprentissages sur les lieux, les problèmes et les projets autochtones, ainsi que sur la revitalisation linguistique et la narration d’histoires.

Les manières autochtones d’apprendre

Stranach souligne toutefois qu’il existe actuellement peu de bonnes pratiques relatives à l’autochtonisation des cours en ligne massifs. Outre le fait que les MOOC peuvent rejoindre plusieurs personnes et permettre une large diffusion de contenus sur des populations marginalisées, la question se pose de savoir comment intégrer les façons autochtones de connaître, d’être, de faire et d’établir des relations dans la manière dont ces cours sont conçus et dispensés.

Une des préoccupations actuelles est que les MOOC privilégient des méthodes d’enseignement relativement classiques et axées sur une manière occidentale et rationnelle de transmettre les connaissances. Cette conception des cours a tendance à favoriser une approche homogène et cognitivo-comportementale de l’enseignement et de l’apprentissage, impliquant peu d’interactions entre l’enseignant et les étudiants. L’évaluation y est d’ailleurs souvent automatisée.

Risques associés aux MOOC

L’utilisation des MOOC dans le processus d’autochtonisation des contenus comportent des risques. D’abord, ce type de format, qui implique peu de participation active des étudiants, risque de diluer le contenu dans un discours académique de type scientifique et désincarné.

De plus, parler largement des questions autochtones – dans le cadre d’un MOOC qui vise à rejoindre un nombre massif de personnes – peut fausser la complexité des réalités et des expériences des Autochtones, qui sont issus de diverses communautés. 

Enfin, des plateformes comme Coursera, Ed.X et leurs partenaires institutionnels collectent de grandes quantités de données sur les utilisateurs et sur leurs parcours à travers le contenu des cours. Ces informations peuvent être utilisées à des fins très diverses, et pas toujours pédagogiques.

Stranach estime toutefois que malgré ces risques, nous n’en sommes encore qu’au début de l’évaluation des bonnes pratiques en matière d’autochtonisation de l’apprentissage en ligne, de l’enseignement à distance et de la conception pédagogique. Les efforts actuels des universités canadiennes devraient bientôt apporter des leçons précieuses sur la façon dont les établissements d’enseignement supérieur doivent améliorer l’accès à leurs offres de contenus autochtones et leur qualité.

Pour lire l’article intégral sur le site The Conversation