Le dernier numéro de la Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur (Ripes) présente des recherches dont les résultats portent sur les effets des dispositifs institutionnels d’aide à la réussite à l’université. Voici quatre de ces recherches.

L’objectif de ce numéro spécial (printemps 2022), dirigé par Cathy Perret (Université de Bourgogne, France) et Mikaël De Clerq (Université catholique de Louvain, Belgique), est de « contribuer à une meilleure documentation des effets des pratiques d’accompagnement mises en place dans différentes institutions belges et françaises » (Introduction, paragraphe § 3).

Chacun des articles du numéro permet d’entrevoir comment l’évaluation d’une pratique d’accompagnement peut être réalisée (ibid., §4).

Mesurer la satisfaction perçue

Une première recherche, menée par M. De Clercq, V. Leroy, F. Stinglhamber et M. Frenay, de l’Université catholique de Louvain (Belgique,) vise à analyser l’efficacité d’un dispositif de soutien intégré à un programme d’études de l’étudiant·e et intitulé « Projet de formation ».

L’équipe de recherche a évalué l’effet du dispositif sur le projet professionnel de l’étudiant·e et son adaptation au monde universitaire. Cette évaluation a été réalisée auprès de deux cohortes d’étudiant·es à trois ans d’intervalle (n=174 et n=272). Selon les chercheuses et le chercheur, l’utilisation de deux cohortes distinctes permet de rendre compte des améliorations du dispositif au fil du temps et de mesurer la pertinence de celles-ci (§61).

Les résultats montrent notamment une satisfaction étudiante élevée, particulièrement pour les activités qui permettent une exploration concrète de l’environnement professionnel (§62). Cela renforce l’intérêt et la pertinence d’un volet portant sur l’accompagnement dans l’insertion socioprofessionnelle et l’immersion dans le monde professionnel tôt dans la formation. Ces résultats montrent l’importance d’une approche multiple de l’accompagnement de l’étudiant·e combinant un soutien à la réussite durant le parcours de formation et une préparation à la transition vers le marché du travail (ibid.).

De manière générale, les résultats de cette recherche montrent une amélioration significative des bénéfices perçus du dispositif, ainsi qu’une augmentation rapportée du transfert des compétences acquises. Cette recherche révèle également toute l’importance d’intégrer l’évaluation au cœur de la régulation des pratiques (§83).

S’alléger en première année universitaire

La recherche de L. Leduc, C. Tonus et P. Detroz, de l’Université de Liège, porte sur l’« allègement » de programme, une pratique peu courante et peu documentée en Belgique. Les étudiant·es en première année peuvent signer une convention d’allègement, participer à des activités de remédiation (étalement de la première année sur deux ans) et bénéficier d’un suivi spécifique.

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Lors d’entretiens individuels semi-dirigés, l’équipe de recherche s’est intéressée aux perceptions de la pratique d’allégement chez des étudiant·es en médecine vétérinaire (n=21). Les résultats de leur analyse qualitative montrent des perceptions positives et négatives de ce « programme de soutien à l’intégration, la motivation et l’engagement » (Résumé).

Les résultats de la recherche montrent la nécessité pour les étudiant·es de maintenir les liens tissés avec leurs pairs qui poursuivent le cursus classique (§74). À cet égard, l’occasion pour les « allégé·es » de faire des incursions dans le programme régulier, notamment en suivant certains cours, mérite d’être maintenue (ibid). L’organisation d’activités extracurriculaires réunissant les deux groupes peut également constituer une piste à suivre (ibid).

Les résultats de la recherche mettent également en lumière le rôle pernicieux que peuvent jouer des collègues auprès de ceux et celles qui sont en situation d’échec, influençant ainsi négativement leur image d’eux-mêmes (ibid.). La qualité du dispositif à répondre au besoin d’intégration sociale de ces étudiant·es, de même que des actions de valorisation du programme, pourraient être envisagées (ibid.).

Plusieurs répondant·es ont souligné les aspects positifs liés à la taille restreinte des groupes : facilité à prendre la parole en public, encadrement plus personnalisé, entraide (§76).

Les perceptions des étudiant·es de leur capacité à réussir apparaissent très encourageantes, mais ne vont pas toujours de pair avec un gain réel sur le plan de la réussite (§77). L’équipe de recherche suggère ainsi un usage formatif plus intensif et stratégique de questions d’examens antérieurs, de même que des critères et des indicateurs précis des performances attendues (ibid.).

Ces questions d’examen réelles, exploitées de manière formative, captent particulièrement l’attention des étudiant·es et leur permettent de mesurer et d’éprouver les difficultés à venir (ibid.). Cette recommandation est d’ailleurs transposable à l’ensemble de la population étudiante de première année universitaire.

Sonder l’état d’esprit des étudiant·es

La recherche d’A. Mazy et K. Dejean (Université Saint-Louis de Bruxelles), ainsi que de M. Romainville et X. Massart (Université de Namur), s’appuie sur le constat suivant : les dispositifs d’aide à la réussite ne parviennent pas toujours à atteindre les étudiant·es qui éprouvent le plus de difficultés dans leur apprentissage (Résumé).

L’équipe de recherche tente de comprendre pourquoi certain·es étudiant·es de première année universitaire ne participent pas aux séances de renforcement des prérequis alors qu’ils ont été informés du manque de maitrise de prérequis. Pour ce faire, les chercheuses et les chercheurs ont soumis un questionnaire à 1585 étudiant·es de première année de l’Université de Namur et de l’Université Saint-Louis de Bruxelles afin d’étudier leur état d’esprit au début de leurs études (§14).

Les résultats de leur enquête, complétée par des entretiens individuels, montrent que ces étudiant·es se représentent majoritairement (54 %) les prérequis « comme des connaissances ou des compétences peu modifiables » (§44). De plus, 62 % des répondant·es ne considèrent pas les prérequis comme un facteur explicatif de la réussite (§45). L’analyse qualitative permet de mettre en évidence le fait que les étudiant·es attribuent la réussite plus au facteur « travail » qu’au facteur « prérequis » (ibid.).

Bien que la quasi-totalité des étudiant·es interrogé·es (98 %) avait l’intention de participer à des dispositifs de renforcement, dans les faits, seulement un quart d’entre eux y a participé (§46). En réponse à l’objectif principal de cette recherche, les tests statistiques réalisés montrent qu’il n’y a pas de lien de dépendance entre l’état d’esprit et la participation aux séances de renforcement (ibid.).

Plus précisément, les entretiens individuels montrent que certain·es étudiant·es estiment que leur travail doit porter sur des tâches ou des activités qui leur semblent plus directement stratégiques dans un contexte universitaire : par exemple, se préparer à des examens de type universitaire (ibid.).

Cette représentation pourrait expliquer pourquoi les activités de renforcement, dans leur forme actuelle, ne rencontrent pas le public cible : une plus grande importance est accordée aux activités réalisées dans le cadre des cours qui préparent directement aux examens à l’université (§49).

Une des pistes d’action peut être d’intégrer ces dispositifs d’aide à la réussite au sein des cours, ou de travailler sur des contenus de cours lors des séances de renforcement afin que les étudiant·es perçoivent plus directement le sens, l’intérêt et l’utilité de ces dispositifs (ibid.).

Analyser les pratiques d’études

Une équipe de l’Université de Bourgogne (France) composée de J. Berthaud, L. Corbin, A. Duguet, E. Lang Ripert, M. Le Mener et S. Morlaix examine dans une recherche les stratégies d’études mobilisées par les étudiant·es de première année universitaire. Plus précisément, les chercheurs et les chercheuses tentent de comprendre les déterminants de ces pratiques et leur appropriation du module « d’apprendre à apprendre ». Celui-ci vise à attirer l’attention sur la nécessité « d’apprendre à apprendre » et à fournir des éléments de connaissances sur le fonctionnement cognitif (§37).

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L’échantillon de cette enquête est constitué de 733 étudiant·es inscrit·es en psychologie (65,5 %) ou en sciences et techniques (34,5 %), qui suivent le module d’une durée de deux heures dès la rentrée universitaire (§39).

Les résultats de l’analyse montrent un fort effet de genre. Les filles sont plus assidues en cours, exploitent un plus grand nombre de stratégies de travail et éprouvent moins de difficultés à se mettre au travail (§68).

Les filles sont aussi plus organisées dans leur prise de notes, dans leur organisation du temps avec une tenue d’un agenda (cours, examens et devoirs) et prennent plus souvent la peine de surligner/souligner leurs cours (ibid.). Des pratiques moins fréquentes sont également présentes chez les étudiantes, comme créer et répondre à des questions sur le contenu des cours (ibid.).

Cette recherche montre que ce sont les étudiantes qui optent pour des techniques reconnues comme efficaces. Ce résultat peut expliquer la plus grande réussite de ces dernières, à l’école de manière générale, mais aussi à l’université (§70).

Les résultats confirment le lien entre la motivation et les techniques d’apprentissage efficaces ; les étudiant·es les plus motivé·es intrinsèquement utilisent significativement davantage de techniques d’apprentissage favorables à leur réussite (ibid.). De plus, les étudiant·es les plus performant·es sur le plan scolaire s’impliquent davantage dans des dispositifs d’aide à la réussite (ibid.).

Cette recherche apportent des éléments de réflexion concernant les leviers d’action pour favoriser des pratiques d’études plus nombreuses et plus efficaces (§73). Selon l’équipe de recherche, il semble nécessaire d’amener les étudiant·es vers une meilleure prise de conscience de stratégies d’études qui pourraient leur être bénéfiques (ibid.).

Référence :

Perret, C. et De Clercq, M. (dir.). (2022). Numéro spécial — Printemps 2022. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 38 (1). https://doi.org/10.4000/ripes.3794