Le portofolio d’apprentissage, en tant que recueil d’indicateurs de cheminement de l’étudiant·e, permet de développer sa capacité à s’autoévaluer, à prendre conscience de ses forces et faiblesses, et à faire des progrès dans l'acquisition d'attitudes professionnelles.

Sylvie Gervais, coordonnatrice et superviseure pour les stages de fin d’études au Cégep Gérald-Godin, a remarqué que les outils soutenant le développement des attitudes professionnelles chez les étudiant·e·s sont souvent inexistants ou méconnus. Dans un récent article publié dans la revue Pédagogie collégiale (automne 2020), l’enseignante en administration explore le portfolio d’apprentissage en tant qu’outil facilitant le développement de telles attitudes (autonomie, capacité à travailler en équipe, sens de l’organisation, rigueur, par exemple).

Un outil réflexif

L’auteure présente d’abord les grandes lignes de son projet d’innovation réalisé dans sa classe, à l’automne 2018, dans le cadre d’une démarche Scholarship of Teaching and Learning (SoTL).

Selon elle, la maitrise des attitudes professionnelles passe par l’enseignement et l’évaluation des attitudes en cours de formation (et non seulement à la fin des études). L’outil de développement choisi doit l’amener à se situer face aux attitudes, à identifier ses forces et ses faiblesses et à préciser des stratégies d’amélioration et des moyens de développement.

Le portfolio d’apprentissage répondrait en tous points à ces exigences. L’objectif principal est d’inciter l’étudiant·e à s’approprier ses travaux en vue de construire activement son apprentissage, par l’entremise de l’autoévaluation, de la réflexion et de son propre regard critique.

Le portfolio lui permet ainsi non seulement de juger de ses capacités actuelles, mais également de mettre en place des moyens concrets de développement.

Comment le mettre en place ?

Trois étapes sont nécessaires à la mise en place du portfolio :

  1. Identifier les attitudes professionnelles

Dans le programme Principes et techniques comptables du Cégep Gérald-Godin, huit attitudes ont été identifiées comme essentielles : l’autonomie, la précision, l’esprit de collaboration, l’esprit d’analyse, la gestion des priorités, le sens de l’organisation, l’esprit d’analyse, la rigueur et la communication. Ces attitudes proviennent du cahier programme (critères de performance), d’un sondage auprès d’employeur·e·s (quelles sont les attitudes privilégiées en emploi?) et de la compilation d’une cinquantaine d’offres d’emploi.

Il est essentiel de définir chacune de ces attitudes afin que tous les enseignant·e·s puissent avoir la même compréhension de celles-ci.

Ces huit attitudes sont réparties à travers les différents cours du programme. La création d’un logigramme permettant de rattacher une ou deux attitudes par cours s’avère une étape essentielle à réaliser en amont de la planification d’un portfolio. Ce logigramme donne l’occasion de complémenter les contenus de cours, et ce, en ne surchargeant pas l’étudiant·e, ni l’enseignant·e.

  • Déterminer le développement des attitudes

Il est souhaitable de rédiger pour chaque attitude identifiée les comportements attendus, de manière progressive (voir le tableau 1 de l’article).

  • Préciser la situation d’apprentissage

Les trois composantes d’apprentissage suivantes assurent un apprentissage optimal, durable et significatif :

  • cognitive (ce que l’on sait) : la première activité du portfolio propose à l’étudiant·e d’explorer la composante cognitive en définissant l’attitude, en déterminant les mots-clés qui, spontanément, y sont associés;
  • affective (comment l’on se sent) : la deuxième activité proposée au portfolio permet à l’étudiant·e de se situer par rapport à l’attitude, de préciser si elle représente une force ou un défi et de répondre à des questions sur les sentiments éprouvés face à l’attitude;
  • comportementale (ce que l’on fait) : la troisième activité proposée au portfolio est une série de questions dont les réponses doivent présenter des exemples concrets. Cette activité permet à l’étudiant·e d’évaluer sa capacité à manifester l’attitude dans diverses situations données.

Les retombées du projet

Après avoir traduit ces composantes d’apprentissage en activité dans un portfolio (Tableau 2 de l’article), Sylvie Gervais discute des modalités d’expérimentation dans sa classe et de la collecte de données qui a permis d’évaluer les retombées de ce projet.

Il en ressort les principaux constats suivants :

  • l’implication volontaire permet de conclure à un engagement certain de la part des étudiant·e·s;
  • l’importance que revêt le processus de réflexion entourant les attitudes professionnelles en milieu de travail est comprise et reconnue;
  • le travail réalisé dans le cadre du portfolio est, pour la très grande majorité des étudiant·e·s, pertinent et explicite, c’est-à-dire que les réflexions étaient directement en lien avec l’attitude étudiée;
  • bien que des forces et des faiblesses aient été inscrites aux portfolios, près de la moitié des étudiant·e·s ont toutefois négligé d’identifier des stratégies de maintien de l’attitude ou des moyens d’amélioration.

Ce dernier résultat amène l’enseignante à proposer un accompagnement soutenu auprès de l’étudiant·e, puis d’offrir une rétroaction fréquente. La création d’une boîte à outils pourrait également pallier cette lacune en proposant des pistes d’amélioration.

Dans l’ensemble, les résultats sont concluants et confirment que cet outil soutient le développement du savoir-être et d’un processus réflexif profond. L’importance d’acquérir des attitudes professionnelles n’est plus en doute. Les étudiant·e·s doivent, parallèlement au travail sur leurs compétences techniques et intellectuelles, développer leur profil professionnel afin de répondre aux exigences du marché du travail.

Source : Gervais, S. (2020). Le portfolio d’apprentissage – Un outil utile au développement des attitudes professionnelles chez les étudiants. Pédagogie collégiale, 34 (1), 28-35.