Dans une recherche qualitative exploratoire menée en Grande-Bretagne, la chercheuse en psychologie Anna Stone (University of East London) examine les perceptions étudiantes à propos des violations de l’intégrité académique.
L’équipe de recherche a mené des entrevues auprès d’étudiantes et d’étudiants de première génération (EPG) en vue de mieux comprendre leur compréhension des conséquences du plagiat. Les résultats de cette analyse sont parus dans le plus récent numéro du Journal of Academic Ethics.
Huit personnes étudiantes d’une université située dans un quartier multiculturel de Londres ont été interrogées. Cinq d’entre elles avaient commis une infraction liée à l’intégrité académique et ont raconté leur expérience du processus institutionnel de traitement de ladite infraction. Les trois autres n’avaient pas commis d’infraction et ont simplement décrit leur compréhension du plagiat ainsi que de ses conséquences (p.4).
Principaux résultats
Cinq grands thèmes ont émergé de l’analyse des résultats : Émotion, Intentionnalité, Compréhension, Équité, Autorégulation (p.5).
Thème 1. Émotion
Toutes les personnes interrogées ont mentionné avoir ressenti une forte émotion, soit pendant le processus de traitement d’une infraction à l’intégrité académique dans le cas de celles qui avaient été accusées, soit à l’idée de participer à un tel processus.
L’émotion commune était l’anxiété, la peur ou même la panique. Les personnes qui n’avaient pas été accusées ont exprimé leur inquiétude relativement au plagiat accidentel (p.6).
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Les personnes ayant commis une infraction ont ressenti un mélange d’émotions, y compris le choc. En effet, certaines d’entre elles ne savaient pas que leur travail était en violation des règles, peut-être en raison d’une mauvaise compréhension de l’intégrité académique.
Ces émotions d’anxiété et de chocpourraient être liées à un manque de confiance chez les EPG (Phillips et al., 2020). En effet, le système universitaire attend des personnes étudiantes qu’elles développent leur propre voix, ce qui peut être intimidant pour les EPG qui peuvent manquer de confiance en leurs compétences.
L’anxiété était également parfois liée à une peur irréaliste des conséquences du plagiat (p.7). Certaines personnes ont mentionné leur crainte d’être expulsées du cours ou de redoubler une année entière. Selon Stone, il s’agit d’un exemplede catastrophisme, qui serait plus élevé chez les EPG (Phillips et al., 2020). Selon la chercheuse, ce catastrophisme pourrait découler d’un sentiment d’inadéquation à l’enseignement supérieur.
Les étudiants et les étudiantes qui ont fait l’expérience du processus de traitement d’une violation de l’intégrité académique ont révélé comment ce processus a eu un impact à long terme sur leur engagement dans leurs études. Pour certaines personnes, le processus a conduit à la démoralisation, à la démotivation et au sentiment de ne pas être soutenu par l’établissement.
Selon Stone, la démotivation peut conduire à l’abandon des études. Par conséquent, adopter une approche compréhensive et non moralisatrice du plagiat permettrait d’encourager les étudiantes et les étudiants à se réengager dans leurs études (p.8).
Thème 2. L’intentionnalité
Thème récurrent pour les huit personnes participantes, l’intentionnalité se présente dans deux contextes distincts : le plagiat intentionnel et non intentionnel.
La plupart des personnes interrogées ont qualifié le plagiat commis par d’autres de tricherie délibérée, tandis que le plagiat commis par elles-mêmes ou par une personne proche était considéré comme non intentionnel. Selon Stone, la désirabilité sociale — soit ici le désir de se présenter sous un jour favorable — peut avoir joué un rôle important (p.8).
La frontière entre le plagiat intentionnel et non intentionnel peut être floue. En effet, une personne peut considérer sa propre violation comme non intentionnelle dans le sens où elle n’était pas planifiée, mais résulte d’une négligence (p.9).
Par exemple, une étudiante peut copier-coller un passage de texte dans l’intention de le paraphraser plus tard, mais manquer de temps. Est-ce du plagiat intentionnel ou un problème de gestion du temps ? (ibid.)
Thème 3. La compréhension
Un aspect essentiel de la promotion de l’intégrité académique consiste à informer les étudiants et les étudiantes des bonnes pratiques à adopter. Les avis sont partagés quant à savoir si l’information offerte par l’établissement a permis une bonne compréhension du plagiat (ibid.).
Certaines personnes interrogées ont exprimé leur confiance dans leur capacité à éviter une infraction, bien que leur confiance ne soit pas absolue et qu’il y ait encore de l’anxiété quant à la possibilité de commettre une erreur (ibid.).
D’autres ne savent toujours pas ce qu’est le plagiat et sont confuses par rapport aux différences entre un mauvais référencement et le plagiat (p.10).
Plusieurs ont apprécié l’accès à Turnitin, un logiciel de détection de similitudes afin vérifier leur travail par rapport à d’autres sources. Son utilisation précoce a également été mentionnée comme une bonne pratique, car elle permet de disposer de temps pour la réécriture (ibid.).
Selon la chercheuse, fournir des exemples spécifiques de plagiat et offrir l’accès à un logiciel de détection des similitudes seraient utile pour développer une meilleure compréhension du plagiat. De plus, offrir une information ciblée et détaillée en temps opportun serait plus utile que de répéter les mêmes informations à chaque remise de travaux (p.11).
Thème 4. L’équité
Les sentiments étaient partagés sur la question de l’équité : certaines personnes pensent qu’il est juste d’agir contre celles qui ont enfreint l’intégrité académique, alors que d’autres jugent que le processus de traitement des infractions est en soi inéquitable. Selon Stone, la perception d’un traitement inéquitable est préoccupante, car elle pourrait affecter la motivation et l’engagement dans les études (p.12).
En ce qui concerne les conséquences et le caractère approprié de la sanction, les personnes interrogées ont estimé que la sanction devrait varier en fonction du caractère intentionnel ou non de l’infraction. Certaines pensent également qu’il devrait y avoir une pénalité plus faible en première année et une pénalité plus élevée à un niveau d’études plus avancé (ibid.).
Thème 5. L’autorégulation
Les entrevues de cette recherche illustrent deux concepts clés impliqués dans l’apprentissage autorégulé selon Thibodeaux et al. (2017) : l’engagement avec des services de soutien adéquats et le style d’adaptation.
L’engagement avec des services de soutien
Dans la présente recherche, bien que les étudiantes et les étudiants reconnaissent l’existence d’un soutien, elles et ils n’ont pas utilisé pleinement les services, parfois en raison d’une mauvaise gestion du temps.
Cette faible fréquentation des services de soutien par EPG pourrait s’expliquer par leur manque de confiance. En effet, pour appliquer des stratégies d’apprentissage efficaces, la personne étudiante doit être capable d’évaluer ses compétences ; sans cela, elle aura du mal à comprendre où elle a besoin d’aide.
Thibodeaux et al., 2017
Selon Stone, il pourrait être bénéfique de souligner aux EPG l’adéquation entre leurs besoins d’apprentissage et le soutien proposé (p.13). Des services flexibles sont également importants pour les EPG qui ont des contraintes de temps importantes, en raison de responsabilités familiales ou d’un travail rémunéré (ibid.).
En matière de plagiat, ces services de soutien peuvent mettre l’accent non plus sur la pénalité, mais sur la capacité d’améliorer ses compétences, notamment en utilisant l’intervention pour promouvoir la confiance des EPG dans la rédaction de leurs travaux (ibid.).
Les styles d’adaptation (coping)
Lorsqu’elle est confrontée à des difficultés, une personne peut employer un style d’adaptation ou de désadaptation. La focalisation sur les problèmes ou sur les tâches est considérée comme un style d’adaptation associé à la réussite scolaire (p.14).
Un style d’adaptation centré sur le problème inclut la tendance à s’engager positivement et à faire des plans pour s’améliorer. Les personnes étudiantes interrogées qui avaient été accusées de plagiat ont dit vouloir adopter par la suite un tel style d’adaptation : elles ont affirmé vouloir utiliser le logiciel Turnitin, bien gérer leur temps et assumer la responsabilité personnelle de leur travail (ibid.).
Pistes d’action
Selon la chercheuse, les responsables des processus de traitement d’une violation de l’intégrité académique devraient envisager le plagiat comme étant non intentionnel jusqu’à preuve du contraire (p.15).
En effet, le fait d’accuser la personne de plagiat intentionnel pourrait la conduire à adopter un style d’adaptation défensif, soit une tendance à se retirer. Cela pourrait entraver les bénéfices d’une intervention sur les bonnes pratiques, diminuer l’engagement dans les études ainsi que la rétentiondes étudiants et des étudiantes en enseignement supérieur (ibid.).
Un soutien après l’intervention pourrait également être proposé afin de promouvoir le réengagement et renforcer la perception que l’établissement se soucie de la personne étudiante (ibid.).
Pour aider à mieux comprendre l’intégrité académique, des exemples spécifiques de travaux qui sont ou ne sont pas acceptables pourraient être proposés. Cela serait particulièrement utile aux EPG qui sont moins familiers avec les normes de l’enseignement supérieur (p.16).
Il serait également utile de clarifier la différence entre plagiat et mauvais référencement. Les outils de détection de similitudes devraient être disponibles, voire obligatoires (ibid.).
Le contenu et le moment de la diffusion des informations sur l’intégrité académique devraient être soigneusement planifiés. Il est à noter qu’une surcharge d’informations peut conduire à un apprentissage moins efficace et à un désengagement. Des points clés devraient être identifiés pour la présentation d’un matériel ciblé avec des exemples clairs. Les étudiantes et les étudiants à risque d’enfreindre l’intégrité académique pourraient ainsi être orientés vers les services de soutien et des bibliothèques (ibid.).
