Une recherche réalisée à Le Mans Université, en France, s’intéresse aux représentations des besoins étudiants en matière de français écrit, et ce, autant chez la population étudiante que le corps enseignant.

La chercheuse Élodie Clayette a présenté les résultats de sa recherche lors du colloque international « Enseigner et apprendre l’orthographe à l’heure du numérique », organisé par l’Université Paris-Est Créteil, en octobre 2021.

Sa recherche qualitative et quantitative s’inscrit dans le Projet écri+, dans lequel collaborent une vingtaine d’universités — dont Le Mans Université — dans le but de concevoir « un dispositif en ligne d’évaluation, de formation et de certification des compétences en français écrit. » (p.2)

Proposer un bilan des compétences en lien avec l’écrit

Les données de cette recherche proviennent de 963 réponses à des questionnaires administrés à des étudiantes et étudiants inscrits à dix programmes de licence (l’équivalent du baccalauréat québécois), de même qu’à 15 personnes enseignantes (p.3).

Les étudiants et les étudiantes ont exprimé leur niveau de besoins (pas/peu de besoins, faibles, moyens, importants, ou très importants) à propos de neuf compétences en lien avec l’écrit :

  • Structurer les phrases (phrases complètes, relations entre les différents constituants, ponctuation, etc.);
  • Construire des textes cohérents et structurés (connecteurs, pronoms, répétitions, paragraphes et parties, ponctuation, mise en page, etc.);
  • Appliquer les règles d’orthographe des mots, des accords et de la conjugaison;
  • Employer les temps et les modes en fonction des types de textes
  • Employer des figures de style (comparaison, métaphore, allégorie, oxymore, etc.);
  • Employer le vocabulaire adéquat selon la personne destinataire et le contexte;
  • Réutiliser des informations provenant d’une autre source (citer, reformuler, commenter, etc.);
  • Développer des points de vue différenciés et argumentés
  • identifier et produire des types de textes (résumé, courriel, dissertation, article, etc.) en respectant la convention stylistique adaptée (narratif, argumentatif, informatif, etc.)

Principaux constats

Des points de vue divergents

Les résultats montrent des divergences significatives entre les deux catégories de personnes interrogées : les personnes enseignantes estiment que les personnes étudiantes ont d’importants besoins là où ces dernières n’estiment n’en avoir que peu, voire aucun (p.4).

Cependant, l’écart de perception varie d’une compétence à l’autre : les deux catégories de personnes interrogées évaluent de façon similaire le besoin de soutien pour l’emploi approprié des figures de style (compétence n° 5). À l’inverse, elles sont en désaccord sur le besoin de construction de textes cohérents et structurés (compétence n° 2).

Les compétences pour lesquelles la population étudiante interrogée estime avoir le moins de besoins sont :

  • la compétence 1 « structuration des phrases » ;
  • la compétence 7 « réutilisation appropriée d’informations d’autres sources » (ibid.).

L’importance de l’orthographe

C’est près du quart (25 %) des étudiantes et des étudiants interrogés qui établissent un lien entre l’importance du français en contexte universitaire et le monde professionnel futur (p.5).

L’analyse des questions ouvertes montre également l’importance accordée à l’orthographe. La majorité des personnes étudiantes répondantes affirment vouloir renforcer leurs compétences orthographiques en travaillant seules, avec des outils (49 %).

Près de 10 % d’entre elles aimeraient consolider leurs compétences orthographiques avec une personne tutrice étudiante, 4 % en groupe étudiant en dehors des cours et 15 % avec une personne enseignante (p.6). Par ailleurs, celles qui souhaitent travailler avec une personne enseignante jugent leurs besoins « importants » ou « très importants » (ibid.). Les personnes étudiantes qui ne souhaitent pas du tout travailler leurs compétences en orthographe (22 %) jugent ne pas avoir de besoins.

Enfin, la chercheuse note une autre divergence entre les personnes étudiantes et enseignantes : alors que les premières ont une représentation des compétences de l’écrit en matière d’orthographe, les deuxièmes réfèrent plutôt au développement argumentatif dans les textes (p.5).


Élargir les représentations

Il ressort de cette recherche deux grands constats :

  • Les représentations des personnes étudiantes et enseignantes divergent
  • Les premières ne reçoivent pas les services de soutien des compétences écrites de la même manière (p.6).

Selon Clayette (2022b), cela est à prendre en considération lors de la conception des dispositifs : les personnes étudiantes qui jugent que ce soutien n’a pas d’intérêt s’y investiront peu (p.7).

Par ailleurs, les besoins réels de certaines d’entre elles ne correspondent pas toujours aux représentations qu’elles s’en font (2002a). Selon la chercheuse, cet écart entre la représentation et la réalité peut provenir d’une idée limitée des compétences liées à l’écrit et de sa composante strictement orthographique.

Une piste d’action réside peut-être dans la sensibilisation et la formation de la population étudiante sur le fait que la maîtrise du français dépasse l’orthographe et embrasse tout ce qui concerne le développement argumentatif d’un texte.


Références

Clayette, É. (2022a). Dispositif d’accompagnement pour l’amélioration des compétences écrites en contexte universitaire, enjeux et impact sur les représentations et les pratiques : l’exemple du projet écri+. [Thèse de doctorat]. HAL Le Mans Université.

Clayette, É. (2022b). Mise en place de dispositifs pour une meilleure maîtrise de l’écrit à l’université : quels sont les besoins selon les enseignants et les étudiants ? SHS Web of Conferences, 143.