En Australie, l’enseignement supérieur est devenu plus accessible grâce à des politiques et des mesures mises en place pour certaines populations étudiantes issues de groupes sous-représentés. Obtiennent-ils de bons résultats académiques ?

C’est la question au cœur de la recherche menée par Ian W. Li (The University of Western Australia), Denise Jackson (Edith Cowan University, Australie) et David R. Carroll (Monash University, Australie), et dont les résultats sont présentés dans l’article Influence of equity group status and entry pathway on academic outcomes in higher education, paru dans The Journal of Higher Education Policy and Management. 

Pour y répondre, l’équipe de recherche a utilisé les données de près de 81 874 personnes étudiantes provenant de 16 établissements d’enseignement supérieur, de manière à suivre leurs résultats académiques de 2015 à 2019 (p.5).

Sept groupes sous-représentés — appelés « groupes d’équité » par le ministère australien de l’Éducation, des Compétences et de l’Emploi — ont été retenus dans le cadre de cette recherche. Ils sont composés de personnes étudiantes :

  • d’origine aborigène
  • en situation de handicap
  • provenant de milieu socioéconomique défavorisé
  • provenant d’une région rurale ou éloignée
  • parlant une langue autre que l’anglais à la maison
  • s’identifiant au genre féminin et étudiant en science, technologie, ingénierie et mathématique (STIM)
  • dont l’âge est de plus de 25 ans au début de leurs études universitaires (p.6).

Les voies alternatives d’accès à l’université

Comme d’autres pays, l’Australie a mis en place des programmes visant à améliorer l’accès et l’expérience des personnes étudiantes issues de groupes marginalisés (Pitman, 2017).

L’une des approches privilégiées est d’élargir les voies d’accès à l’université, en dehors du parcours scolaire traditionnel. En effet, certaines personnes étudiantes arrivent à l’université :

  • après avoir suivi une formation professionnelle;
  • via des programmes de transition mis en place par les universités;
  • en faisant reconnaitre leurs acquis et leurs compétences dans un portfolio;
  • en bénéficiant de programmes destinés à des profils étudiants spécifiques;
  • etc. (p.2).

Ces parcours alternatifs seraient de plus en plus populaires en Australie (ibid.).

Principaux résultats

Les résultats de la recherche de Li et al. (2023) montrent que d’une manière générale, les étudiants et les étudiantes qui accèdent à l’enseignement supérieur par des voies alternatives ont des résultats scolaires plus faibles, en particulier ceux et celles qui entrent à l’université après avoir suivi une formation professionnelle. Cela est particulièrement vrai dans le domaine des STIM (p.11).

Selon l’équipe de recherche, ces résultats confirment les inquiétudes au sujet de la transition entre formation professionnelle et enseignement supérieur. Ce type de formation ne préparerait pas suffisamment aux défis et aux compétences requises à l’université (la pensée critique, par exemple) (p.11).

Quelques résultats par groupe sous-représenté

C’est la population étudiante plus âgée qui obtenu les meilleurs résultats scolaires parmi les groupes ciblés dans cette recherche, et ce, peu importe la discipline et la voie d’accès. Ce résultat contredit d’autres recherches (notamment Connor, Rajkovic et Senior, 2018) selon lesquelles les performances scolaires des personnes étudiantes plus âgées seraient plus faible lorsqu’elles arrivent par un programme conçu spécifiquement pour cette population étudiante (p.11-12).

Par ailleurs, les résultats des étudiantes et des étudiants d’origine aborigène qui sont entrés à l’université à la suite d’une formation professionnelle ont des résultats plus faibles que leurs homologues qui s’inscrivent par d’autres voies. C’est aussi le cas des étudiantes et des étudiants provenant de milieux défavorisés ou de milieux où l’anglais n’est pas la langue maternelle.

Ces résultats confirment la nécessité d’un soutien systématique dans toutes les disciplines ces étudiantes et étudiants de première génération (EPG) à fréquenter l’université (p.12).

Les résultats qui concernent les personnes étudiantes en situation de handicap et celles qui proviennent de régions éloignées sont plus mitigés et nécessiteraient de poursuivre l’exploration du rendement scolaire de ces deux groupes étudiants (p.13).

Une meilleure communication interordre

De manière générale, le fait que les étudiants et les étudiantes qui accèdent à l’enseignement supérieur par des voies alternatives aient des résultats scolaires plus faibles – en particulier ceux et celles qui entrent à l’université après avoir suivi une formation professionnelle – exige de repenser les liens entre ces deux ordres d’enseignement (p.11-12).

Selon Li et al. (2023), une meilleure communication entre ces ordres « permettrait d’optimiser le rendement scolaire des groupes étudiants sous-représentés. »

(trad. libre, p.11).

Des mécanisme de soutien supplémentaires devraient être mis en place pour ces populations étudiantes lorsqu’elles sont en période de transition, notamment :

  • des initiatives de soutien par les pairs ou de mentorat
  • des programmes offrant un développement de la littératie académique, de la pensée critique et des compétences en recherche
  • des ateliers de compétences transférables en matière de gestion du temps
  • etc. (p.12).

Si ces programmes, mesures et initiatives visent à augmenter la préparation à l’université des populations étudiantes sous-représentées, ils pourraient toutefois entraîner une pression sur les ressources humaines actuelles (p.12). C’est pourquoi de nouveaux investissements sont nécessaires dans l’enseignement supérieur australien.

Pas de solution unique

Les principaux résultats de cette recherche soulignent l’importance pour les institutions d’élaborer des politiques et des mécanismes visant à réduire les barrières qui nuisent à la réussite de certains groupes historiquement marginalisés (p.13).

Selon Li et al. (2023), il n’existe toutefois pas de solution unique. Les politiques et les pratiques doivent être soigneusement étudiées pour répondre aux besoins spécifiques de groupes, par discipline, par caractéristiques socioculturelles et par parcours d’entrée.

À titre d’exemple, les stratégies qui soutiennent la population étudiante plus âgée peuvent être inadéquates pour des personnes qui ont décroché de l’école plus jeunes. Toute action visant à améliorer les résultats scolaires des membres d’un groupe marginalisé devrait être précédée d’une formation du personnel sur les caractéristiques et des expériences de ce groupe, de même que d’un recadrage réaliste des attentes sur ce qu’il est possible d’accomplir en tant que personnel professionnel (ibid.).

Enfin, les résultats de cette recherche montrent la nécessité d’une réflexion sur des pratiques de soutien qui vont au-delà de la première année d’études. En effet, certaines mesures ont des effets qui sont constatés des années d’études plus tard (p.13-14).

Références

Connor, M., Rajkovic, R. et Senior, C. (2018). When is a school leaver not a school leaver? – the effect of school leavers entering university via a traditionally “mature age” entry pathway [communication]. STARS conference, Auckland, Nouvelle-Zélande.

Li, I.W., Jackson, D. et Carroll, D.R. (2023). Influence of equity group status and entry pathway on academic outcomes in higher education, Journal of Higher Education Policy and Management, https://doi.org/10.1080/1360080X.2023.2180163

Pitman, T. (2017). Widening participation in higher education: A play in five acts. Australian Universities’ Review , 59(1), 37–46.

Image en entête | Crédit : The Gender Spectrum Collection