Dans le plus récent numéro de la revue Lien social et Politiques, des chercheuses et chercheurs se penchent sur l’enseignement supérieur et les profonds changements et enjeux qui en forcent la recomposition.

L’équipe de l’ORES vous présente deux des articles qui composent ce numéro dirigé par Joanie Cayouette-Remblière, chargée de recherches à l’Institut national d’études démographiques (INED), en France, et Pierre Doray, professeur au département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal.


La cote de rendement au collégial 

Stéphane Moulin (Université de Montréal), Benoît Laplante (Institut national de la recherche scientifique), Mathieu Lépine (Fédération des cégeps), Marie Blain (Cégep Marie-Victorin), Pierre Canisius Kamanzi (Université de Montréal) et Charles Duffy (Collège Ahuntsic) s’intéressent à la cote de rendement au collégial (CRC) dans leur article Gouverner la sélection scolaire par un instrument : le cas de la « cote de rendement au collégial » des universités québécoises.

L’équipe de recherche décrit le contexte sociohistorique ayant mené au choix de la CRC en tant qu’outil de sélection des étudiants et étudiantes aux programmes universitaires contingentés. Elle s’intéresse également aux discours et aux conceptions de l’équité qui ont conduit à l’utilisation de la CRC.

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« C’est dans [le] contexte d’exacerbation des critiques adressées à la cote Z que la cote de rendement collégial (CRC) a été proposée par la CREPUQ, puis implantée en 1995. L’objectif affiché de la CRC était de « s’assurer que le dossier scolaire des candidats soit évalué le plus équitablement possible, quel que soit le collège d’origine. » » 

(CREPUQ, 2005, p.14, dans Moulin et al. 2022, §16)

Entre 1995 et 2017, la CRC a fait l’objet de plusieurs modifications visant chaque fois à corriger les lacunes des calculs précédents afin d’atteindre une plus grande équité. Or, en réalisant une série de simulations mathématiques, l’équipe de recherche a montré que le plus récent calcul attribue un poids important aux antécédents scolaires des autres étudiants et étudiantes qui composent le groupe :

 « avec la nouvelle formule, l’étudiant·e au profil scolaire faible du groupe le plus fort obtient une meilleure CRC que l’étudiant·e au profil scolaire fort du groupe le plus faible. »

(Moulin et al., 2022, §26)

Cela a pour effet d’orienter les processus de sélection de certains collèges qui privilégient la composition de groupes homogènement forts – afin de bonifier la CRC de leurs étudiants et étudiantes. L’équipe de recherche soutient ainsi que la CRC accentue les inégalités sociales en diminuant l’importance des résultats individuels des personnes étudiantes placées dans des groupes homogènes.


COVID-19 et parcours éducatifs

Pierre Doray (Université du Québec à Montréal), Amenan Rachel Kongo (Université du Québec à Montréal) et Simon Bilodeau-Carrier (Université Laval) présentent des hypothèses de recherche et une analyse des effets de la COVID-19 sur les parcours étudiants dans leur article Note de recherche. Les universités et leurs étudiant·es en temps de pandémie au Québec : une analyse à chaud.

L’équipe de recherche s’intéresse à l’évolution des mesures de santé publique et des stratégies mises en œuvre pour préserver la continuité des services éducatifs entre 2020 et 2022. Leur analyse montre une succession de moments de fermeture et d’allègement qui ont influencé les actions des universités et le parcours des personnes étudiantes.

Doray, Kongo et Bilodeau-Carrier relèvent certaines des inégalités vécues par les populations étudiantes en lien avec la pandémie : fracture numérique, précarité économique, fragilité psychologique. Si l’ensemble de ces facteurs ont fait craindre le pire pour la poursuite des études, l’équipe de recherche montre que la baisse d’inscription appréhendée n’a pas eue lieu :

« À tout le moins, les départs n’ont pas été assez importants pour réduire de manière généralisée les inscriptions. Au contraire, nous avons assisté à une augmentation des inscriptions, malgré le fait que les étudiant·es de l’international étaient moins nombreux·euses, étant donné la fermeture des frontières, quoiqu’il existe des différences selon le cycle d’études et l’âge des personnes inscrites. »

(Doray, Kongo, Bilodeau-Carrier, 2022, §63).

L’équipe de recherche émet deux hypothèses pour expliquer cette augmentation des inscriptions. La première fait valoir que même s’il est vrai que l’expérience étudiante a été plus éprouvante, elle ne justifie pas forcément l’abandon des études. La deuxième suggère que le recours à la formation à distance a favorisé le retour aux études de certaines populations étudiantes, notamment les étudiants et étudiants adultes. De plus, l’équipe observe une hausse des inscriptions à la maîtrise et au doctorat :

« bien que moins nombreuses, leur croissance y est globalement plus grande qu’au premier cycle. La fermeture de nombreuses entreprises a incité des diplômé·es de premier cycle à poursuivre leurs études à la maîtrise, et ceux et celles de maîtrise à poursuivre au doctorat. »

(Doray, Kongo, Bilodeau-Carrier, 2022, §65).

Références

Doray, P., Kongo, A., & Bilodeau-Carrier, S. (2022). Note de recherche. Les universités et leurs étudiant·es en temps de pandémie au Québec : Une analyse à chaud. Lien social et Politiques, 89, 260‑291. https://doi.org/10.7202/1094563ar

Moulin, S., Laplante, B., Lépine, M., Blain, M., Kamanzi, P., & Duffy, C. (2022). Gouverner la sélection scolaire par un instrument : Le cas de la « cote de rendement au collégial » des universités québécoises. Lien social et Politiques, 89, 16‑34. https://doi.org/10.7202/1094546ar