Une équipe d'enseignement et de recherche américaine a réalisé une expérience de classe inversée dans le cadre d'un cours d’introduction à la sociologie de premier cycle universitaire. Les chercheuses ont ensuite analysé l'apprentissage et l’engagement des étudiant·es dans cette formule d’apprentissage actif.

L’article Flipping the classroom. Students’ perceptions from an introductory sociology course, publié dans Learning and Teaching. The International Journal of Higher Education in the Social Sciences, a été rédigé par les doctorantes en sociologie Ann Ward (Brandeis University, Massachussetts) et Aja Antoine (University of California, Berkeley), de même que par la professeure-chercheuse en sociologie Wendy Cadge (Brandeis University, Massachussetts).

Ward, Antoine et Cadge ont décidé d’inverser leur cours d’introduction à la sociologie en vue d’encourager la participation des étudiant·es et de faciliter l’apprentissage actif en classe. Après avoir décrit de manière précise comment elles ont inversé la classe, les chercheuses présentent dans cet article leurs analyses des questionnaires d’évaluation du cours. Ceux-ci ont été soumis aux étudiant·es (n=52) dans le but de connaître leur perception de l’expérience.

Principaux résultats

De manière générale, l’analyse des données permet de constater les nombreux points forts de la classe inversée. Les étudiant·es étaient profondément engagé·es dans la matière (p.83).

Les chercheuses ont utilisé les objectifs d’apprentissage du cours comme marqueurs de progrès. Trois objectifs semblent avoir été favorisés par la classe inversée.

  • Comprendre l’imagination sociologique
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Objectif d’apprentissage : L’étudiant·e est capable de décrire comment les sociologues conçoivent les questions et les problèmes en utilisant son « imagination sociologique ». Utiliser cette imagination pour développer une conscience de soi sociologiquement informée et pour décrire des situations dans le monde en termes sociologiques (trad. libre, p.74).

Entre le début et la fin du semestre, les étudiant·es ont perçu que leur imagination sociologique a été renforcée. À la question ouverte « Ce que j’ai le plus retiré de ce cours est… », environ un tiers des étudiant·es ont fait référence à leur imagination sociologique et ont déclaré qu’apprendre à penser « comme un sociologue » était une leçon centrale à retenir du cours.

Les réponses aux questionnaires, la réussite aux évaluations et les activités en classe ont renforcé l’idée que les étudiant·es comprenaient conceptuellement ce qu’était l’imagination sociologique et avaient le sentiment qu’elle s’était développée (p.83).

  • Définir l’agentivité

Objectif d’apprentissage : L’étudiant·e est capable de définir la structure sociale et d’analyser la manière dont les forces structurelles façonnent les expériences quotidiennes et les opportunités des gens de manière structurée. Définir l’agentivité et comprendre quand, pourquoi et comment les gens ont une agentivité ou un choix dans la vie quotidienne (trad. libre, p.74).

L’analyse des réponses des étudiant·es aux questions ouvertes des questionnaires montre que les concepts de structure et d’agentivité étaient cités comme étant les plus marquants du cours. Les réponses indiquent non seulement que les étudiant·es ont compris ces deux concepts centraux du cours, mais également qu’ils et elles les utilisent pour donner un sens au monde qui les entoure (p.84).

Selon les chercheuses, la classe inversée facilite ce passage de la compréhension à l’application des concepts. Cette structure de classe responsabiliserait les étudiant·es pour le travail préparatoire effectué en dehors de la classe, tout en encourageant leur engagement dans des activités d’apprentissage dynamiques et actives avec leurs pair·es (p.84)

  • Accepter les désaccords

Objectif d’apprentissage : L’étudiant·e sera capable d’apprendre à écouter, comprendre et s’engager plus attentivement avec des personnes qui ont des opinions différentes. Développer une plus grande aisance à être en désaccord avec les autres et à maintenir ce désaccord dans un cadre professionnel plutôt que personnel (trad. libre, p.74).

Le cours a été structuré de manière à consacrer une part importante aux travaux en petits groupes dans lesquels les étudiant·es doivent résoudre des problèmes complexes. Les réponses aux questionnaires montrent que la discussion sur les différences d’opinion était l’une des plus importantes leçons à retenir du cours. Le format de classe inversée encourageait le dialogue de groupe et ce processus d’apprentissage collectif a contribué à renforcer l’imagination sociologique des étudiant·es (p. 85).

Une formule pour échanger et débattre

En somme, l’analyse des données suggère que la classe inversée a permis aux étudiant·es de s’engager de manière significative et active dans leur apprentissage.

Étant donné que la classe inversée implique beaucoup de temps en groupes pour l’exploration de concepts complexes, les chercheuses pensent que les étudiant·es de ce cours ont eu plus de temps pour s’exercer à « ajuster » leur imagination sociologique et à débattre avec leurs pair·es (p.86).

Selon Ward, Antoine et Cadge, les auxiliaires d’enseignement ont joué un rôle essentiel dans le bon déroulement de la classe inversée, notamment en organisant et en supervisant les activités en petits groupes. À ce propos, la classe inversée pourrait être réalisée sur une plateforme de formation à distance grâce à un apprentissage actif réalisé en groupes, atténuant du même coup les problèmes liés au manque d’espaces vécus en présentiel.

Source : Ward, A., Antoine, A., & Cadge, W. (2021). Flipping the classroomLearning and Teaching. The International Journal of Higher Education in the Social Sciences, 14(3), 70-90.