Une recherche canadienne révèle les impacts de la transition vers l’enseignement en ligne sur les étudiantes et les étudiants universitaires en situation de handicap (ESH) au moment de la crise sanitaire, en 2020.

Les chercheuses Laura E. Mullins et Jennifer Mitchell (Brook University, Ontario) présentent les résultats de leur recherche dans l’article The Transition Online : A Mixed-Methods Study of the Impact of COVID-19 on Students with Disabilities in Higher Education paru dans International Journal of Higher Education.

Afin de sonder des personnes vivant en situation de handicap, les chercheuses ont collaboré avec le Student Wellness and Accessibility Centre de Brook University, qui offre bon an mal an « des services de soutien à 1600-2200 étudiantes et étudiants de tous les programmes et niveaux d’étude » (p.16).

En septembre 2020, 222 personnes étudiantes en situation de handicap (73 % de femmes, 23 % d’hommes) ont rempli un questionnaire en ligne portant sur les effets de la pandémie dans plusieurs sphères de leur vie. La majorité d’entre elles étudiait en sciences sociales (33 %) et en sciences de la santé (23 %).

Elles ont mentionné vivre avec un ou des troubles de santé mentale (63 %), des difficultés d’apprentissage (36 %) ou un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) (31 %).

L’équipe de recherche a ensuite réalisé une analyse à méthode mixte — qualitative et quantitative — des données recueillies.

Principaux résultats

Les chercheuses ont regroupé en six domaines les difficultés rencontrées par les étudiantes et les étudiants lors de la transition rapide vers l’enseignement en ligne (p.18) :

  • L’environnement en ligne 

L’environnement en ligne lui-même a constitué un défi en raison de la difficulté pour les personnes répondantes d’apprendre et de naviguer sur diverses plateformes en ligne. Celles-ci ont aussi rencontré une variété de problèmes techniques (ibid.).

  • Le processus d’éducation en ligne

Plusieurs des étudiantes et étudiants en situation de handicap ont déploré l’absence de possibilité de communication en mode présentiel. Elles et ils avaient également du mal à faire face à l’augmentation de la charge de travail et ont rencontré des problèmes de gestion du temps, ce qui représentait déjà un défi avant la pandémie pour certaines personnes en situation de handicap (ibid.).

Image : Canva
  • La capacité d’étudier à partir de la maison

Pour plusieurs, il a été difficile de trouver un endroit pour étudier efficacement. Les distractions de la maison (par exemple, la famille et les colocataires) ont été vécues comme un obstacle important à l’apprentissage.

De plus, de nombreuses personnes étudiantes ont déclaré rencontrer des difficultés à se concentrer pendant de longues périodes à l’ordinateur et ont dit souffrir de l’absence de transitions fournissant une structure à leur journée (ibid.).

  • L’enseignement des cours

La manière dont le personnel enseignant présentait les cours représentait également un défi. Le manque d’instructions et d’attentes explicites a été souligné. Les personnes répondantes ont souligné que le fait d’être responsable des attentes uniques dans chaque cours rendait l’apprentissage plus difficile. Il a aussi été mentionné que certaines personnes enseignantes manquaient de préparation pour les cours en ligne (p.19).

  • Le manque d’accès aux services de soutien

Les étudiantes et les étudiants ont également déploré le manque d’accès aux ressources du campus. Plusieurs ont aussi fait état de difficultés liées à la perte de leurs relations sociales (ibid.).

  • La motivation pendant la pandémie

De nombreuses personnes répondantes ont affirmé vivre une incertitude générale concernant l’éducation et les attentes du corps enseignant, en plus de s’inquiéter d’un manque de motivation.

La baisse des notes était pour elles une préoccupation importante, en plus de douter de leur capacité à réussir, de s’inquiéter de leur avenir scolaire et de leur capacité à obtenir leur diplôme (ibid.).

Impacts de la transition en ligne sur d’autres aspects de la vie

Les personnes répondantes ont signalé de nombreux effets négatifs provoqués par la transition rapide en ligne lors de la pandémie. L’isolement et le manque d’intégration sociale étaient de grandes préoccupations pour plusieurs d’entre elles.

Les chercheuses ont réalisé un nuage de mots pour visualiser ces impacts (p.20). Les termes suivants y apparaissent :

  • stress (n = 103)
  • anxiété (n = 100)
  • peur (n = 50)
  • incertitude (n = 47)
  • manque de motivation (n = 45)
  • inquiétude (n = 38)
  • isolement (n = 35)
  • dépression (n = 28)

Il est à noter que quatorze personnes étudiantes ont néanmoins partagé des expériences positives liées à la transition vers l’enseignement en ligne. Elles ont déclaré qu’elles appréciaient la flexibilité et l’accessibilité de cette modalité, notamment les fonctionnalités comme le sous-titrage des conférences préenregistrées ou le visionnement des cours selon leurs besoins (ibid.).

Recommandations pour la pratique

Les chercheuses ont élaboré dix recommandations qui s’adressent au corps enseignant des établissements d’enseignement supérieur (p.25-26) :

  1. reconnaître que les ESH rencontrent des défis, mais reconnaître également qu’ils et elles essaient de les relever ;
  2. être sensible au fait que les ESH sont moins susceptibles de révéler leurs besoins en matière d’accommodements ;
  3. rencontrer les ESH au début du semestre pour discuter de leurs besoins d’adaptation ;
  4. réduire au minimum le nombre de plateformes et de logiciels différents ;
  5. réduire le nombre d’exigences « mineures » dans le cours ;
  6. nommer toutes les attentes et les dates d’échéance (même pour les éléments non notés) dans le plan du cours ;
  7. réduire le nombre d’écrits utilisés et envisager d’ajouter des exemples vidéo ou de développer des tutoriels guidés ;
  8. enregistrer les cours magistraux (soit à l’avance, soit pendant les cours) et rendre disponibles les enregistrements ;
  9. proposer diverses formes d’évaluation et réduire les travaux de groupe ;
  10. faire preuve de souplesse et offrir des délais supplémentaires pour la remise de travaux.

Selon les chercheuses, la mise en place de ces recommandations pourrait réduire les obstacles à l’apprentissage des ESH en favorisant des environnements plus accessibles et plus flexibles, mais aussi être bénéfique à l’ensemble de la population étudiante, quelles que soient ses capacités.

Référence

Mullins, L. E. et Mitchell, J. (2022). The Transition Online: A Mixed-Methods Study of the Impact of COVID-19 on Students with Disabilities in Higher Education. International Journal of Higher Education, 11(2), 13-29. doi:10.5430/ijhe.v11n2p13