Une équipe de recherche britannique examine ce qui freine et ce qui facilite la vie sociale de la population étudiante vivant avec une condition de l’autisme.

Les étudiantes et les étudiants ayant un trouble du spectre de l’autisme (TSA) rencontrent des défis de taille, en particulier dans leur vie sociale. Dans l’article au titre évocateur “I Spent Most of Freshers in my Room”—A Qualitative Study of the Social Experiences of University Students on the Autistic Spectrum, paru dans le Journal of Autism and Developmental Disorders, Helen Goddard et Anna Cook (Université de Surrey, Grande-Bretagne) se penchent sur les expériences de socialisation de dix personnes autistes fréquentant l’université.

Les chercheuses ont mené des entretiens semi-structurés, d’une durée moyenne d’une heure, qui portaient notamment sur :

  • les expériences sociales des personnes autistes ;
  • leur satisfaction à l’égard de la vie sociale à l’université ;
  • la divulgation de leur condition à leurs pairs ;
  • l’impact du bien-être mental sur leur vie universitaire.

Il est à noter que les personnes participantes avaient un ou plusieurs autres troubles neurodéveloppementaux, notamment la dyslexie, la dyspraxie, le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité et le trouble obsessionnel-compulsif. Elles présentaient également un vaste éventail de traits du TSA (p.2703).

Principaux constats

Les résultats de la recherche suggèrent que la plupart des personnes participantes connaissent des difficultés relationnelles à l’université et ne sont pas satisfaites de leur vie sociale, ce qui peut être associé à un bien-être mental moindre (p.2711).

Même si le fait d’avoir une vie sociale bien remplie ne semble pas être une priorité pour les personnes autistes interrogées, la plupart d’entre elles désirent créer des liens significatifs et entretenir quelques amitiés.

Certaines personnes participantes ont déclaré créer des liens avec des gens ayant des intérêts et des traits de personnalité similaires. Selon les deux chercheuses, il est probable que ces relations augmentent les sentiments d’acceptation de soi et d’estime de soi chez les personnes autistes (ibid.).

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Obstacles à une expérience sociale positive à l’université

Certains traits liés au TSA peuvent entraver la capacité des personnes autistes à socialiser et à créer de nouveaux liens sociaux à l’université.

De plus, certaines personnes interrogées ont été victimes d’intimidation ou d’exclusion sociale pendant leur parcours scolaire, ce qui réduit encore plus leur confiance envers les autres. En plus de leur TSA, elles doivent composer avec l’anxiété ressentie à l’égard de la socialisation avec les pairs.

Les personnes autistes peuvent également rencontrer des obstacles à la socialisation lors d’événements de la vie universitaire qui s’avèrent trop bruyants ou bondés. En effet, les difficultés sensorielles peuvent empêcher certaines d’entre elles de participer aux événements festifs de la vie étudiante.

Facilitateurs d’une expérience sociale positive à l’université

Les chercheuses ont également identifié certains facteurs qui faciliteraient une expérience sociale positive à l’université, notamment :

  • un soutien adéquat de la part de l’université, comme la mise en place d’activités de « mentorat social » où les personnes autistes ont la possibilité d’être accompagnées à des événements sociaux par d’autres personnes étudiantes;
  • la fréquentation préalable d’une école favorable à la condition autistique;
  • la création de liens avec d’autres personnes étudiantes autistes ou non neurotypiques;
  • l’implication dans un groupe étudiant pour un intérêt spécifique (un loisir, par exemple);
  • la construction d’une amitié de qualité avec une personne étudiante qui accepte et connaît le TSA.

Dévoilement de sa condition et stéréotypes

La plupart des personnes interrogées étaient très sélectives lorsqu’elles dévoilaient leur condition, évoquant des expériences passées négatives. Celles qui avaient déjà été victimes d’intimidation à l’école étaient moins susceptibles de parler à leurs pairs à l’université.

Les personnes participantes ont fréquemment fait référence à l’effet néfaste que les stéréotypes, et la peur d’en être l’objet, ont eu sur leur vie sociale et leur santé mentale. Il s’agit d’ailleurs de la principale raison invoquée pour ne pas révéler le TSA à ses pairs. Certaines personnes interviewées ont mentionné avoir vu des contenus négatifs sur l’autisme partagés sur les médias sociaux par des personnes neurotypiques ou dans des groupes de messagerie privée.

En effet, même si l’intimidation active à l’université est relativement rare, l’exclusion sociale par la perpétuation des stéréotypes se produit encore dans les établissements d’enseignement supérieur.

Effets de la vie sociale sur la santé mentale

La plupart des personnes participantes n’étaient pas satisfaites de leur vie sociale et ont déclaré avoir souvent été confrontées à des sentiments de solitude et d’isolement pendant leur parcours universitaire.

Plusieurs d’entre elles ont établi un lien direct entre leur isolement et leur bien-être mental, déclarant que la solitude avait entraîné une aggravation de la dépression et/ou de l’anxiété (p.2712).

Cependant, pour quelques personnes, leur bien-être mental est resté inchangé. Pour certaines, il s’est même amélioré à l’arrivée à l’université en raison de facteurs comme la fin de l’intimidation, la possibilité de rencontrer des personnes ayant des intérêts similaires ou la possibilité d’accéder à des services de conseil et de mentorat social.

Implications pour les universités

Ces résultats offrent des pistes d’action pour améliorer le soutien aux personnes étudiantes autistes.

Les personnes participantes qui ont bénéficié de séances de mentorat social ont trouvé ces activités « très bénéfiques » et plusieurs d’entre elles les ont décrites comme cruciales pour « leur survie à l’université » (ibid.).

Le mentorat social constitue donc un moyen efficace et direct d’aider les personnes autistes à construire des amitiés et à se sentir moins isolées.

En plus du mentorat social, l’expérience universitaire des personnes autistes peut être améliorée en organisant des événements sans alcool dans des environnements qui ne sont pas trop bruyants. La présence d’un groupe de soutien pour les personnes autistes est aussi un moyen de leur permettre de socialiser et de réduire l’isolement (p.2713).

Les chercheuses estiment que les établissements d’enseignement supérieur devraient éduquer davantage les personnes neurotypiques et remettre en question les stéréotypes sur l’autisme afin d’instaurer un climat plus inclusif et favorable à la neurodiversité.

La formation du personnel, l’adaptation des environnements (par exemple, en diminuant la luminosité et la surstimulation visuelle) ainsi que l’enseignement des avantages de la neurodiversité sont des stratégies de sensibilisation qui ont fait leurs preuves (ibid.).

Référence :

Goddard, Helen et Cook, Anna (2022). « I Spent Most of Freshers in my Room »-A Qualitative Study of the Social Experiences of University Students on the Autistic Spectrum. J Autism Dev Disord. 52(6) : 2701-2716. DOI : https://doi.org/10.1007/s10803-021-05125-2