Une équipe de recherche américaine examine comment des étudiants et des étudiantes en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM) ont vécu leur expérience de stage dans un monde du travail bouleversé par la pandémie de COVID-19.

J. Ruppert, J. Ayala et C. Bamaba, Y. Badiei et J. Wilmanski, chercheurs et chercheuses à Saint Peter’s University (New Jersey, États-Unis), présentent les résultats de leur étude de cas qualitative dans l’article ‘I didn’t know what I was doing, until I went there’: a case study exploring the range of student STEM internship experiences during the COVID-19 pandemic, paru dans International Journal of Science Education.

Cette étude de cas permet de mieux comprendre comment un petit groupe d’étudiants et d’étudiantes ont vécu une expérience de développement professionnel lors d’un « incident critique » (Merriam, 1998), soit ici la pandémie de COVID-19.

Une démarche réflexive

L’équipe de recherche a interrogé, du printemps 2020 au printemps 2022, six stagiaires universitaires inscrits au programme Transformative Experiences (TREX). Ce programme, financé par la National Science Foundation des États-Unis, propose aux étudiantes et aux étudiants de 3e ou 4e année d’études — âgés de 20 à 23 ans — des stages dans le domaine des STIM.

Le guide d’entretien élaboré par l’équipe de recherche comportait des questions sur les expériences des personnes stagiaires, notamment sur ce qu’elles avaient appris sur elles-mêmes, leur lieu de travail et les carrières en STIM, mais aussi sur leurs relations avec les personnes superviseures et mentores, ainsi que sur la façon dont elles se sentaient préparées à cette expérience (p.6).

Principaux constats

L’analyse des entretiens révèle des besoins en soutien sur le plan du développement des compétences :

  • cognitives, soit la pensée critique, la résolution de problèmes et la capacité d’adaptation (p.12);
  • intrapersonnelles, soit le travail d’équipe, la collaboration et le leadership (p.13);
  • interpersonnelles, soit l’ouverture intellectuelle, l’autorégulation, la conscience et l’auto-évaluation (p.14).

Selon l’équipe de recherche, le classement de ces compétences en trois grands domaines permet d’éclairer les établissements d’enseignement supérieur à propos des actions possibles pour mieux soutenir l’apprentissage expérientiel des étudiants et des étudiantes (p.12).

Soutenir les stagiaires sur le plan cognitif

Les personnes participantes ont exprimé à la fois un désir et une anxiété par rapport aux attentes d’autonomie et de créativité. Le commentaire d’un étudiant selon lequel il n’a pleinement compris l’étendue de son travail que lorsqu’il y était physiquement (voir le titre de l’article I didn’t know what I was doing, until I went there) en témoigne : cet étudiant a pu observer le contexte de travail ainsi que les interactions entre les personnes qu’une fois sur place seulement (p.13).

L’analyse des entretiens montre que les stages à distance limitent l’apprentissage dit « situé » ou « en contexte ». Le soutien sur le plan cognitif représente ainsi un défi considérable dans les environnements d’apprentissage expérientiel à distance ou hybrides.

Selon l’équipe de recherche, ce soutien pourrait prendre la forme d’un engagement structuré avec d’autres membres de la communauté de travail, que ce soit sur place ou par le biais d’interactions virtuelles structurées (ibid.). Les personnes mentores devraient ainsi aider les personnes apprenantes à comprendre leurs différents rôles et le contexte de travail.

L’analyse des propos des personnes stagiaires montre également qu’elles devraient disposer d’un temps pour rencontrer et observer les membres de la main-d’œuvre (en personne ou à distance) et ainsi acquérir une compréhension plus riche du travail de chacun (ibid.).

Soutenir les stagiaires sur le plan interpersonnel

Travailler avec des pairs permet de partager des vécus similaires avec d’autres, ainsi que de soutenir l’apprentissage au niveau du groupe. À titre d’exemple, certaines personnes stagiaires ont exprimé leur nervosité à demander de l’aide et à « se lancer », mais ont dit relever rapidement ces défis en s’appuyant sur leur équipe (p.14).

Les personnes stagiaires travaillant en équipe ont affirmé se soutenir mutuellement dans le développement de leur compétence interpersonnelle. Elles étaient plus susceptibles de discuter de l’état de la communication dans l’organisation et de la manière dont les interactions fonctionnaient. En revanche, les personnes dont le travail se réalisait de manière autonome ont rapporté avoir moins d’occasions de contact (ibid.).

Les personnes stagiaires dont les tâches n’étaient pas clairement définies ont exprimé des inquiétudes plus longtemps dans leur stage (ibid.). Certaines ne pouvaient pas se promener sur le lieu de travail et parler de manière informelle aux autres. Or, les discussions conviviales dans un langage professionnel permettent souvent de comprendre la signification d’expressions couramment utilisées dans un lieu de travail mais rarement expliquées (ibid.).

Le travail en collaboration a également permis de diminuer le sentiment d’isolement des stagiaires dans un contexte de pandémie (p.13).

Ce constat suggère que les stages organisés en petits groupes dans lesquels les membres collaborent à un projet, en tant que communauté de pratique, pourraient être particulièrement bénéfiques dans des contextes où les interactions interpersonnelles sont limitées (p.14).

Soutenir les stagiaires sur le plan intrapersonnel

Le programme TREX demande aux personnes stagiaires de réfléchir régulièrement à leurs difficultés ainsi qu’à la manière dont leurs réussites améliorent leur avenir et celui des autres (ibid.).

Malgré la pandémie, la plupart d’entre elles ont réalisé une auto-évaluation positive dans l’ensemble. Lorsqu’elles décrivent leurs difficultés, plusieurs évoquent des problèmes liés à la gestion du temps et à l’auto-organisation, en particulier en début de stage.

Il semble que le fait d’avoir des conversations régulières et structurées avec des personnes mentores permette la création d’un environnement accueillant. Ceci était particulièrement important pendant la pandémie, lorsque les stagiaires devaient travailler de manière isolée (p.15).

Enfin, Ruppert et ses collègues notent l’émergence, chez les stagiaires, d’un sentiment d’ouverture à de nouvelles compréhensions de l’apprentissage expérientiel (p.15). À titre d’exemple, une personne dit être passée d’un état d’incertitude à propos de sa carrière en STIM à une plus grande clarté à propos de ses objectifs de carrière (ibid.).

Toutefois, cette prise de conscience ne suffit pas toujours à développer la capacité d’ouverture. Selon l’équipe de recherche, les personnes stagiaires doivent parfois être guidées et encadrées pour réfléchir de manière plus critique à ce qu’elles ont appris sur elles-mêmes, leur travail et leur contribution à la société (ibid.).

Quelques recommandations

À la suite de ces constats, l’équipe de recherche suggère de :

  • concentrer le mentorat sur trois domaines de compétences — cognitives, interpersonnelles, intrapersonnelles — plutôt que de le limiter à un seul domaine;
  • créer des petits groupes ou cohortes de personnes stagiaires dans un même lieu et autour d’un même projet, afin qu’elles aient la possibilité de collaborer et de bénéficier d’interactions interpersonnelles;
  • construire une communauté, virtuelle au besoin, qui peut rendre l’expérience moins isolante, en particulier si l’expérience de stage en personne est impossible;
  • soutenir une communauté de stagiaires. Si cela est impossible sur le lieu de travail, les établissements d’enseignement devraient offrir ces structures de soutien (p.15-16).

Selon Ruppert et ses collègues, ces différentes formes de soutien peuvent aider les stagiaires à développer leur capacité d’agir (agency) sur leur lieu de stage, mais également sur le marché du travail en général (p.16).

Références

Merriam, S. B. (1998). Qualitative research and case study applications in education. Revised and expanded from case study research in education. Jossey-Bass Publishers.

Ruppert, J., Ayala, J., Bamaba, C., Badiei, Y. et Wilmanski, J. (2022). ‘I didn’t know what I was doing, until I went there’: a case study exploring the range of student STEM internship experiences during the COVID-19 pandemicInternational Journal of Science Education, 1-19. https://doi.org/10.1080/09500693.2022.2159776