Selon une récente étude américaine, les étudiants de première génération (EPG) des collèges subissent une forme de désavantage méconnu : le plus faible salaire qu'ils gagnent après l'obtention de leur diplôme. Rares sont les recherches qui s’intéressent à la transition vers le marché du travail des EPG. Les chercheures Anna Manzoni (North Carolina State University) et Jessi Streib (Duke University), dont les travaux portent sur les thèmes de l’évolution de carrière et des inégalités, examinent la situation de ces étudiants après leur diplomation dans un article paru dans The Conversation.

Des écarts importants

Les chercheures ont utilisé les données d’une étude longitudinale des diplômés du baccalauréat (américain) de 1992-1993. Elles ont constaté que les EPG des collèges gagnent beaucoup moins dix ans après l’obtention de leur diplôme que les diplômés dont les parents sont allés au collège.  Il s’agit des données les plus récentes qui portent sur les jeunes dix ans après l’obtention de leur diplôme – une période où leurs revenus deviennent généralement plus stables. Leur étude a révélé que les hommes et les femmes de première génération gagnent respectivement 11 % et 9 % de moins par année que leurs pairs dont les parents ont également obtenu un diplôme d’études collégiales. Même lorsqu’on compare des étudiants qui ont les mêmes caractéristiques et les mêmes expériences – comme les antécédents sociodémographiques, le fait d’avoir ou non des enfants, le type d’établissement qu’ils ont fréquenté, la majeure et la moyenne pondérée cumulative – les diplômés et diplômées de première génération gagnent encore respectivement 6 % et 3 % de moins que ceux et celles dont les parents ont fait des études postsecondaires.

Différences entre établissements et disciplines

Parmi les collèges et les universités, les établissements qui sont sélectifs offrent un avantage salarial plus important aux diplômés dont les parents sont allés au collège. Les écoles moins sélectives signalent des écarts moins importants. L’étude montre aussi que les hommes de première génération qui étudient les arts et les sciences humaines ne gagnent pas autant que leurs pairs qui étudient la même chose et dont les parents sont allés au collège. Cependant, pour les hommes qui ont une majeure dans le domaine des sciences et technologies, de la formation professionnelle et de l’éducation, l’écart se situe entre 3 et 4 % et n’est pas significatif.

Source : Pixabay

Causes possibles des écarts

Qu’est-ce qui explique les différences salariales entre les diplômés de première génération et les diplômés dont les parents sont allés au collège ? Selon les auteures, il s’agit principalement de facteurs liés au marché du travail. Les diplômés de première génération occupent plus souvent des emplois dans les secteurs public et sans but lucratif, qui ont tendance à être moins bien rémunérés que les emplois du secteur privé et à but lucratif. Les EPG étaient également moins susceptibles de travailler dans les zones urbaines, où les salaires sont plus élevés. Il est également intéressant de constater que le fait de fréquenter des collèges plus prestigieux ne change pas grand-chose à l’écart salarial entre les diplômés de première génération des collèges et leurs pairs dont les parents sont allés au collège. Le problème est plutôt celui-ci : les EPG n’obtiennent pas le même genre d’emploi que leurs pairs dont les parents sont allés au collège. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les EPG des collèges ne sont pas familiers avec les mêmes types d’emplois ou n’ont pas les mêmes réseaux que leurs pairs dont les parents sont allés au collège. Cela peut aussi s’expliquer par l’endroit où se trouvent les emplois : il est possible que les EPG vivent dans des régions où les possibilités d’emploi sont moins nombreuses ou moins bonnes. La différence dans les types d’emploi que les EGP obtiennent peut aussi s’expliquer par la façon dont les employeurs dans chaque domaine embauchent. En effet, des recherches ont montré que les employeurs d’élite valorisent davantage les attributs de l’élite (par exemple, faire de la voile ou du tennis) que ceux de la classe ouvrière (par exemple, avoir fait partie d’un club d’athlétisme). En somme, selon les auteures, l’inégalité selon l’origine sociale joue un rôle dans l’accès aux collèges, mais aussi en emploi après la diplomation.

Résultats futurs

L’une des lacunes de cette étude est qu’elle examine la situation d’étudiants qui ont obtenu leur diplôme il y a plus de 25 ans. Or, des données sont actuellement recueillies sur le revenu des diplômés de 2008, dix ans après l’obtention de leur diplôme. Ces données plus récentes seront essentielles pour comprendre comment l’écart salarial a évolué au fil du temps. Si elles indiquent qu’un écart salarial existe toujours dix ans plus tard pour les deux groupes, cela signifie que ceux qui s’intéressent à l’accessibilité et l’équité pour les EPG doivent tenir compte d’autres facteurs que le genre d’expérience vécue par ces étudiants pendant leurs études. Accéder à l’article sur l’étude paru dans The Conversation