Le Protocole sur l’éducation des Autochtones, élaboré par l'organisme Collèges et instituts Canada (CICan), est signé par huit cégeps et collèges québécois qui s'engagent à apporter un soutien aux étudiants autochtones.

Le document, signé par les cégeps de l’Abitibi-Témiscamingue, St-Félicien, Sept-Îles, Trois-Rivières, Victoriaville, John Abbott, Vanier College et Dawson College, souligne l’importance des structures et des approches nécessaires pour répondre aux besoins en éducation des peuples autochtones. Il constitue entre autres un des fondements institutionnels des initiatives actuelles de « décolonisation des salles de classe », comme celles entreprises par le Vanier’s Indigenous Circle.

Mise en contexte

Pourquoi placer les étudiants autochtones au centre de la réflexion sur la réussite en enseignement postsecondaire ? L’organisme CICan rappelle que depuis le Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, l’éducation est un droit issu des traités.

Le gouvernement doit conséquemment reconnaître son obligation à l’égard des nations signataires de traités et la remplir en finançant une gamme complète de services éducatifs destinés aux membres des nations signataires de traités, notamment au niveau postsecondaire.

Selon CICan, les obstacles auxquels les étudiants autochtones sont confrontés sont encore nombreux :

  • un accès à un nombre limité de programmes, compte tenu de leur isolement ;
  • une offre de cours qui n’est pas ancrée dans leur mode de vie et leur situation ;
  • des conditions d’entrée qui ne tiennent pas compte de leurs antécédents et de leur culture ;
  • un faible appui individuel, en particulier sur le plan des services de garderie pour les étudiantes adultes.

Par conséquent, l’accès des Autochtones à l’éducation postsecondaire, leur réussite, leur inclusion et leur développement communautaire s’inscrivent dans les priorités stratégiques de l’organisme CICan.

Reconnaître l’apport autochtone

Le protocole, qui se base sur sept principes, vise à guider les établissements. Outre les principes liés à la gouvernance et à la prise de décision, on retrouve l’engagement de « faire appel aux traditions intellectuelles et culturelles autochtones dans la mise en œuvre des programmes d’études et des méthodes d’apprentissage adaptés aux apprenants et à leur communauté ».

Dans la pratique, cela peut signifier par exemple :

  • d’intégrer aux programmes de mise à niveau provinciaux des modules centrés sur les besoins des apprenants autochtones;
  • d’offrir une certaine souplesse dans la prestation des programmes et des cours, et de prévoir des possibilités d’interruption et de reprise des cours;
  • d’utiliser des outils d’évaluation pertinents sur le plan culturel, qui peuvent être différents pour les apprenants des Premières Nations, Métis et Inuits.

Cela peut signifier aussi de reconnaître que le savoir autochtone peut profiter à tous les apprenants (par exemple, en matière d’environnement et de justice) et d’établir des mécanismes pour que le transfert de savoir se fasse dans les deux sens, aussi bien selon des modes scientifiques que traditionnels.

En termes de reconnaissance d’acquis et compétences, il peut s’agir de reconnaître la légitimité du savoir traditionnel en allouant des crédits postsecondaires dans ce domaine, comme pour les autres compétences ou domaines d’expertise.

Valoriser les cultures autochtones

Un autre principe consiste à favoriser  une meilleure compréhension mutuelle et une plus grande réciprocité des relations entre Autochtones et non-Autochtones. Les applications concrètes de ce principe de réciprocité peuvent être :

Enfin, un des principes encore plus explicitement lié à la réussite des étudiants autochtones est d’établir des services et un milieu d’apprentissage holistiques. Cela peut signifier :

  • d’offrir des services d’évaluation pertinents sur le plan culturel, qui tiennent compte que le français et l’anglais sont parfois une 3e langue
  • d’offrir des services d’aide axés sur la population autochtone afin de répondre aux besoins des apprenants selon un mode global et en s’inspirant de la sagesse et de l’orientation des Aînés/Sénateurs Métis.

La réussite des étudiants autochtones renvoie également à l’élimination des obstacles financiers auxquels ils sont confrontés, notamment par :

  • des places parrainées;
  • l’abolition des frais de scolarité dans le cas d’enfants à charge;
  • des modèles de financement différenciés au sein des établissements pour tenir compte des plus faibles taux d’inscription.

L’appropriation culturelle

Les initiatives de « décolonisation des salles de classe », comme celles entreprises par le Vanier’s Indigenous Circle, s’inscrivent dans l’approche préconisé dans ce document-phare du CICan qui vise à guider les établissements, dont les professionnels, conseillers et intervenants.

En insistant sur la consultation et le conseil des sages des sociétés autochtones (Premières Nations, Inuits et Métis), ce guide peut servir de balise pour contrer le phénomène d’appropriation culturelle. Celui-ci consiste à utiliser et la transformation hors contexte d’éléments culturels, sans considération pour les régimes de propriété intellectuelle autochtones. Il peut s’agir d’une autre manifestation de la dépossession (territoire, langue), qui a marqué l’histoire coloniale des peuples autochtones.

Une question commune doit donc guider les initiatives : comment respecter et protéger les savoirs et les patrimoines culturels autochtones, tout en continuant à favoriser les échanges interculturels?