Le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) a récemment fait paraître un rapport qui jette un éclairage sur l’enseignement et l’apprentissage du numérique, à tous les ordres d’enseignement. Voici un résumé des pistes d’action proposées pour les collèges et les universités.

Les principaux messages de ce rapport de 96 pages sont également présentés dans 4 courtes capsules vidéo.

Contexte de l’éducation au numérique

Au tournant des années 2000, le CSE avait émis le souhait que les technologies facilitent la transition du paradigme de l’enseignement vers celui de l’apprentissage, paradigme dans lequel les étudiant·e·s jouent un rôle actif dans leur apprentissage (p. 1).

Or, le CSE observe que les recommandations formulées il y a 20 ans sont encore d’actualité : la technologie est encore souvent « plaquée » ou accessoire dans les établissements d’enseignement (p.62). Il invite les établissements d’enseignement de tous les ordres à assumer une responsabilité nouvelle.

Ainsi, à l’entrée à l’université, une personne scolarisée en totalité ou en partie au Québec devrait avoir vécu des situations d’apprentissage qui lui ont permis de développer sa compétence numérique.

Trois grandes orientations

Le CSE regroupe des pistes d’action pour le développement de la compétence numérique sous trois grandes orientations. Chaque orientation présentée ici rassemble les pistes prometteuses pour les milieux collégial et universitaire.

1. Mettre en place les conditions administratives et matérielles nécessaires à une utilisation fluide des outils numériques

  • Cette orientation constitue une réponse aux obstacles d’ordre administratif et technique vécus par les enseignant·e·s de tous les ordres d’enseignement (p. 63).
  • Les besoins de base des enseignant·e·s doivent être comblés (équipement adéquat, bande passante suffisante, emplacement stratégique des prises électriques, etc.) pour leur permettre d’enseigner la compétence (p. 63).
  • Une vision de la place du numérique doit être partagée par la direction et les parties concernées. Le développement de la compétence numérique ne doit pas seulement être porté par l’enseignant·e, mais par une équipe (conseillèr·e pédagogique, technopédagogue, bibliothécaire, etc.). Les rôles et les responsabilités doivent être définis dans une perspective systémique (p. 63).
  • Le soutien technique doit être « pertinent et suffisant, sensible aux besoins pédagogiques. » (p. 64). Des orientations prises relativement à la sécurité des données ou des décisions qui ne tiennent pas compte des besoins pédagogiques ne devraient pas être des obstacles à l’enseignement
  • Pour éviter de dépendre des choix de l’industrie, l’État pourrait prendre en charge le développement de ressources éducatives en français et s’assurer qu’elles répondent aux critères de l’accessibilité universelle. Enfin, le recours aux logiciels libres devrait être encouragé (p.64).

2. Aligner le curriculum, les apprentissages et l’évaluation

  • Pour le CSE, « le profil de sortie de l’enseignement obligatoire devrait correspondre à celui d’une personne suffisamment outillée pour poursuivre son apprentissage tout au long de la vie ». (p. 64-65). Le Cadre de référence de la compétence numérique pourrait servir de levier à l’établissement, de profils de sortie et un continuum de développement de la compétence numérique du préscolaire aux études de 3e cycle universitaire. À l’entrée à l’université, une mise à niveau pourrait être offerte aux étudiant·e·s dont le profil de sortie du collégial sur le plan de la compétence numérique est insuffisant, par exemple (p. 41).
  • Les bibliothèques universitaires pourraient jouer un rôle accru pour soutenir le développement de la compétence numérique (p. 59-60).
  • Le CSE invite les collèges et les universités à profiter de l’évaluation, de l’actualisation et de la révision de programmes pour y inclure les éléments du Cadre de référence de la compétence numérique (p. 66). Le CSE identifie le Référentiel sur les compétences attendues à la fin d’un grade de 1er cycle du Bureau de coopération interuniversitaire et le Référentiel de compétences informationnelles en enseignement supérieur de l’UQ comme des cadres pour guider l’intégration du numérique dans les programmes universitaires.

3. Actualiser les programmes de formation à l’enseignement et répondre aux besoins de formation continue et d’accompagnement du personnel enseignant

  • L’université, qui forme les enseignant·e·s, doit s’équiper convenablement et assurer la formation continue des personnes qui enseignent dans les programmes de formation initiale (p. 67).
  • La pédagogie et la didactique devraient intégrer le numérique dans leur discours disciplinaire. Selon le CSE, le modèle TPACK offre une avenue intéressante pour voir comment une discipline est transformée par le numérique (p. 67).
  • Les programmes de formation à l’enseignement doivent être des modèles d’intégration du numérique et les enseignant·e·s devraient être accompagné·e·s par l’établissement dans leur propre développement professionnel (p. 68).
  • Étant donné la place de plus en plus importante de la formation à distance (FAD), les programmes de formation à l’enseignement devraient dorénavant inclure la pédagogie à distance, dont les stratégies pour introduire de la présence à distance (p. 68).
  • Les défis que sous-tendent un enseignement de qualité et l’évaluation en FAD (p. 6) nécessitent que les établissements postsecondaires offrent de la formation continue et de l’accompagnement à leur personnel enseignant (p. 68).

Enfin. le CSE rappelle que si des efforts sont déployés dans le recrutement et la formation continue, « aucune formation en pédagogie n’est actuellement requise pour donner un cours en enseignement supérieur ». (p. 68).

En conclusion, le CSE rappelle l’importance et la pertinence d’éduquer AU numérique, et non strictement avec le numérique ou par le numérique. En effet, jusqu’à maintenant, l’intelligence artificielle, qui se nourrit de données personnelles, s’est développée surtout en fonction d’intérêts commerciaux. L’éducation a donc un rôle à jouer pour qu’elle ne demeure pas une boîte noire pour la population et que nous devenions collectivement plus compétents pour encadrer le déploiement du numérique et de l’IA, dont le développement devrait se faire dans le respect de la diversité des personnes.

Conseil supérieur de l’éducation (2020). Éduquer au numérique, Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2018-2020, Québec, Le Conseil, 96 p.