Parutions
La revue Raisons éducatives, publiée par la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l'Université de Genève, consacre son dernier numéro aux enjeux et perspectives qu’offrent les technologies numériques pour la formation des adultes.
Germain Poizat et Mireille Bétrancourt, deux chercheurs à l’Université de Genève responsables de cette édition, soulignent d’entrée de jeu l’accélération de la tendance à utiliser des technologies dans la formation, et ce, « dans un environnement – professionnel, familial, culturel, de loisir – lui-même saturé de technologies ». Ils proposent donc d’adopter un regard réflexif et critique sur l’univers numérique et les technologies éducatives, dans le but d’éclairer les enjeux complexes auxquels les praticiens font face aujourd’hui.
L’explosion des apprentissages non formels et des dispositifs favorisant un apprentissage en tout temps et en tout lieu ont amené les responsables du numéro à vouloir adopter un regard distancié, documenté.
Qu’est-ce qu’un dispositif de formation?
Les auteurs qui contribuent à ce numéro proviennent de champs de recherche différents, mais plusieurs renvoient aux expressions « dispositifs de formation médiatisés », « environnements informatisés d’apprentissage » ou de « dispositifs numériques de formation ». Ces différentes terminologies réfèrent à la notion de « dispositif de formation » telle que définie par Peraya (1999) :- Un dispositif est un lieu social d’interactions et de coopération;
- Il possède ses intentions, son fonctionnement matériel et symbolique, bref, ses modes d’interactions propres;
- Son fonctionnement, ou son « économie », déterminée par les intentions, s’appuie sur l’organisation structurée de moyens matériels, technologiques, symboliques et relationnels;
- Ces moyens modélisent, à partir de leurs caractéristiques propres, les comportements et les conduites sociales (affectives et relationnelles), cognitives, communicatives des acteurs.
Simulation numérique et « jeux sérieux »
Après une première partie plus théorique, la seconde propose de s’attarder à un type de dispositif particulier, soit les simulations numériques. Bien qu’il ait été développé dans l’univers de la formation dès les années 1990, ce type de dispositif a connu un second souffle dans les années 2000 avec l’apparition des jeux sérieux, qui visent à intégrer dans les environnements numériques « certaines des caractéristiques premières des jeux vidéo, avec l’objectif de rendre les environnements plus attrayants ». L’un des articles les plus intéressants de cette deuxième section est celui de S. Allain, membre de la Chaire UNESCO Innovation Transmission et Edition Numériques et de l’Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines, qui explore la façon dont ces jeux sérieux peuvent intervenir dans la relation entre formation et travail. Plus précisément, l’auteur part du constat que la formation des adultes s’acquiert encore souvent de façon informelle, et ce, malgré la volonté de la « rationaliser ». Il présente aussi la distinction importante à faire entre les jeux sérieux et la « gamification » (issu du gaming), deux concepts liés à l’environnement numérique ludique.Collaboration et émotions
La troisième section du numéro renvoie aux interactions entre les acteurs apprenants. L’article de G. Molinari, S. Avry, et G. Chanel, pose la question du rôle des émotions dans le travail collaboratif médiatisé et à distance. Les auteurs remarquent que si plusieurs praticiens et théoriciens incitent les formateurs à proposer des activités de groupe, la question des émotions reste peu abordée, alors qu’elle est au cœur des interactions sociales humaines. Ils proposent donc deux études : d’une part, une recherche qui fait état l’usage d’un support technologique de partage instantané des émotions; d’autre part, une étude sur l’impact de l’évaluation de la situation par les apprenants sur la qualité des échanges et les émotions ressenties.MOOC et trajectoires
Dans cette quatrième partie, on rappelle l’engouement provoqué par la vague des MOOC, mais surtout sa conséquence : remettre au centre des débats la question de l’apprentissage formel et informel, ainsi que le rôle des technologies numériques dans la formation au XXIe siècle. L’article qui retient l’attention en termes de réussite et de persévérance est celui d’E. Vrillon, qui s’intéresse « aux raisons qui motivent des personnes aux trajectoires professionnelles et de formation variées à s’engager dans le suivi d’un MOOC ». Les sept principaux usages du MOOC identifiés sont :- il peut être une ressource complémentaire, un appui à la réussite et à l’orientation dans les parcours étudiants;
- il peut s’intégrer dans une stratégie compétitive pour faciliter l’insertion sur le marché du travail;
- il peut être utilisé pour légitimer son parcours et constituer un usage « compensatoire »;
- il peut être une occasion de formation dans des contextes d’offres limitées ou inexistantes;
- il peut constituer le cœur du métier, comme dans le cas des professionnels du e-learning;
- il peut être une manière d’anticiper une bifurcation professionnelle salariale;
- il peut être une manière d’anticiper une bifurcation professionnelle indépendante.
Principe de précaution
Les responsables du numéro insistent sur le fait que la recherche sur les dispositifs de formation doit rester « au contact de la réalité » pour mieux comprendre les mutations à l’œuvre dans le domaine de la formation, notamment avec les apprenants d’âge adulte. De plus, ils soulignent que si les modèles « ouverts » peuvent être des occasions de formation pour les publics habituellement exclus de la formation traditionnelle, ils peuvent également reproduire des inégalités d’accès aux savoirs et une forme de vulnérabilité numérique – ou numériquement entretenue.Suggestions de lecture

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