Une nouvelle étude américaine recommande que les départements contribuent à la promotion et la prévention en santé mentale des étudiants des 2e et 3e cycle.

Le document de travail de Barreira et al. (2018) de l’Université Harvard, intitulé Graduate Student Mental Health: Lessons from American Economics Departments, porte sur la santé mentale d’étudiants diplômés du troisième cycle en économie. Les auteurs de l’étude, repérée par la journaliste Colleen Flaherty dans un récent article d’Inside Higher Ed, soutiennent que les services aux étudiants sur les campus ne suffisent pas à améliorer le bien-être psychologique des étudiants, un grand nombre d’entre eux présentant des symptômes de détresse. 

L’exemple des étudiants en économie

L’enquête de Barreira et ses collègues s’est déroulée dans huit programmes d’économie dans les universités de Harvard, Columbia, Princeton Yale, Michigan, au Massachusetts Institute of Technology et aux campus de Berkeley et San Diego de l’University of California.

Leur étude indique que « la prévalence des symptômes de dépression et d’anxiété chez les étudiants au doctorat en économie est comparable à la prévalence observée dans les populations carcérales » (p. 2-3). La solitude et l’isolement sont des problèmes majeurs, et « l’étudiant moyen au doctorat en économie se sent beaucoup plus seul et isolé qu’un Américain à la retraite » (p.3). 

Il est intéressant de noter que la majorité des étudiants qui ont reçu un traitement en santé mentale n’étaient pas du tout dépressifs ou anxieux. Ainsi, selon Barreira et ses collègues, contrairement à la stigmatisation sociale, voir un professionnel de la santé mentale n’est pas la même chose que le fait d’avoir une mauvaise santé mentale (à ce sujet, voir le webinaire du CAPRES Comment créer un climat favorable à la santé mentale). 

Les étudiants gradués en économie interrogés ont tendance à regretter la façon dont ils organisent leur temps et s’engagent dans leurs études, selon le document. Seulement 26 % ont dit avoir l’impression que leur travail est toujours ou la plupart du temps utile – comparativement à 70 % professeurs d’économie.

Barreira et al. (2018)

Près de 62 % des étudiants s’inquiètent toujours ou la plupart du temps à propos du travail lorsqu’ils n’y sont pas ; 20 % ont dit qu’ils étaient trop fatigués pour s’engager dans des activités dans leur vie privée ; 13 % avaient sérieusement envisagé d’abandonner leur programme une fois au cours des deux semaines précédentes.

Relations professionnelles et personnelles

Beaucoup d’étudiants interrogés ont dit qu’ils étaient incapables d’être honnêtes avec leurs directeurs de mémoire ou de thèse au sujet des défis rencontrés pendant leurs parcours supérieur. Par ordre de fréquence, ces écarts d’honnêteté sont attribuables :

  • aux options de carrière non universitaires;
  • à la préparation au marché du travail;
  • aux progrès de la recherche;
  • aux problèmes avec d’autres directeurs de recherche et aux questions découlant de la cosignature de textes à publier.

Près de la moitié des étudiants ont dit qu’ils ne sauraient pas où aller s’ils avaient un problème avec leur directeur de recherche. Près de 27 % de ceux qui regrettent le choix du doctorat et 20 % de ceux qui regrettent leur choix de direction de recherche ont déclaré avoir récemment envisagé le suicide.

Barreira et al. (2018)

Enfin, le document de travail de Barreira et ses collègues montre que les étudiants qui perçoivent leurs pairs comme compétitifs, qui n’ont pas de très bons amis dans le département et qui, en général, n’ont pas beaucoup de personnes avec qui discuter ouvertement de leurs sentiments personnels, ont une moins bonne santé mentale.

Des interventions départementales

Outre le sentiment d’imposteur et l’isolement – des facteurs de fragilisation souvent cités dans les études -, les études supérieures impliquent des problèmes comme contraintes financières et temporelles, les relations complexes avec les directions de recherche, les collègues, la transition vers le marché du travail, etc.

L’originalité du document de Barreira et ses collègues est d’avancer que ces situations problématiques pourraient être améliorées par des efforts des départements. En effet,  ceux-ci sont responsables de certains facteurs environnementaux qui ont un impact sur la santé mentale des étudiants. Parmi les interventions suggérées, on retiendra les actions suivantes pour les départements :

  • encourager les étudiants à entreprendre des recherches ou des activités qui donnent un sens et une utilité à plus court terme, afin de les aider à « se protéger contre l’échec »;
  • offrir un engagement continu qui indique « clairement aux étudiants que quelqu’un se soucie de leur réussite dans le programme »;
  • les aider à préparer le meilleur mémoire ou thèse possible, peu importe leurs ambitions ou leurs préférences professionnelles;
  • entamer une discussion sur l’échec dès le début du parcours supérieur;
  • construire une équipe avec le centre de services aux étudiants de l’université pour faire leur connaître les services cliniques.

La liste complète des recommandations aux départements est disponible à partir de la page 27 du document de travail de Barreira et ses collègues.