La revue Cahiers pédagogiques propose un dossier spécial intitulé « Enseigner la créativité ? » dans son numéro de mai 2021. L’article de Philippe Watrelot, professeur de sciences économiques et sociales et formateur à l'Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (Inspé) de Paris, intitulé « Est-ce que ça s’apprend? », intéressera les professionnel·les de l’enseignement supérieur.

La question se pose, et la réponse de l’auteur est sans ambages : oui, la créativité s’apprend. Encore faut-il créer une culture de la créativité chez les professeur·es, car sans pratiques professorales créatives, il n’y a pas d’apprentissages étudiants créatifs.

Qu’est-ce que la créativité?

« D’abord, évidemment, la créativité a à voir avec l’innovation et la capa­cité à créer quelque chose de nou­veau et d’original. Mais c’est aussi la capacité à trouver des solutions à un problème. Des solutions et pas une seule (flexibilité), ce qui sup­pose la divergence voire la déviance et l’acceptation du hasard, de l’er­reur. Car il faut aussi rappeler que la création, si elle est souvent dans les représentations associée à l’image de l’« éclair de génie », est en fait un processus lent, itératif, fait d’es­sais et d’erreurs où l’on se ques­tionne sur ce que l’on est en train de faire. »

Watrelot (2021), p. 12

Apprendre à être créatif·tive

D’emblée, apprendre et enseigner sont des actes créatifs, rappelle l’auteur, d’où l’importance de réfléchir aux liens entre créativité et enseignement. En France, le savoir-être serait perçu comme étant inné. Or, affirme Watrelot, ces compétences essentielles s’apprennent, car les traits de personnalité peuvent évoluer, se forger au fil du temps. Ainsi, il y a des modes d’enseignement et des stratégies d’apprentissage qui stimulent la créativité et d’autres qui l’inhibent.

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Des pistes de créativité

Cela dit, Watrelot se demande « comment mettre en place les conditions de la créativité ? » (ibid., p. 13). Par exemple, il critique la « pédagogie de la bonne réponse ». Il faudrait apprendre à :

  • reformuler les questions pour qu’elles appellent des réponses moins simplistes;
  • accepter que les réponses puissent être plurielles, voire discordantes, et que « le problème [puisse demeurer] ouvert » (ibid., p. 13);
  • comprendre que le cheminement vers la réponse importe autant que la réponse;
  • délaisser une attitude contrôlante, trop procédurière, dans l’enseignement, qui ne permet pas d’instaurer un « écosystème créatif » (ibid., p. 13).

« Celle-ci [la créativité] est en effet souvent le pro­duit d’un écart par rapport à une norme, une coutume, une autre manière d’envisager les solutions et, d’une certaine façon, une forme de déviance. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle rejoint la problématique de l’innovation. »

Ibid., p. 13

Conditions d’une culture de la créativité

En France comme dans de nombreux pays, on ne dicte pas seulement le contenu des programmes, on dicte, selon l’auteur, la façon dont ils doivent être enseignés. Or la créativité exige de lever les barrières de l’impossible et de naviguer dans un milieu incertain, mouvant et flexible. Plus encore, il faudrait être autonome pour être créatif. En effet :

« La créativité est la capacité à trouver de nouveaux chemins et à faire des liens entre différents domaines. Dans ce cadre, développer une culture de l’innovation et de la créativité passe par l’interdisciplinarité et une approche de la complexité. »

Ibid., p. 14

Interdisciplinarité et « design thinking »

À ce titre, dans un autre article des Cahiers pédagogiques consacré à la créativité en enseignement supérieur et intitulé « Pour un supérieur créatif et innovant », Charlotte Pourcelot renchérit sur l’importance de l’interdisciplinarité et du « design thinking » afin d’instaurer une culture de la créativité au sein de l’enseignement supérieur. Le milieu de l’emploi s’attend, selon elle, au développement de la créativité chez les étudiant·es. Il s’agit d’une compétence essentielle pour l’éducation du 21e siècle.

Définition du « design thinking »

« L’ensemble des méthodes et des outils qui aident, face à un problème ou un projet d’innovation, à appliquer la même démarche que celle qu’aurait un designeur. C’est une approche de l’innovation et de son management qui se veut une synthèse entre la pensée analytique et la pensée intuitive. Il s’appuie beaucoup sur un processus de cocréativité impliquant des retours de l’utilisateur final. Ces méthodes ont été élaborées dans les années 1980 par Rolf Faste sur la base des travaux de Robert McKim »

Leac cité dans Pourcelot (2021).

L’autrice conclut en invitant les conseiller·ères et les ingénieur·es pédagogiques à défricher le champ de la créativité afin de favoriser la réussite et l’insertion professionnelle des étudiant·es, notamment en privilégiant l’approche par projet.  

Références : Watrelot, P. (2021). « Est-ce que ça s’apprend? ». Cahiers pédagogiques, no 569, 12-14.

Pourcelot, C. (2021). Pour un supérieur créatif et innovant. Cahiers pédagogiques [en ligne]. Article consulté le 20 juillet 2021.

Leac, J.-P. (date inconnue). Qu’est-ce-que le design thinking ? Les Cahiers de l’innovation [en ligne]. Article consulté le 21 juillet 2021.