Dans un récent article, les chercheures Marie-Cécile Guillot et Nicole Carignan de l'UQAM examinent la pertinence des jumelages interculturels à la fois pour les immigrants non francophones et les membres de la société d’accueil. L‘article, publié dans Alterstice. Revue internationale de la recherche interculturelle, fait état des jumelages interculturels mis en place par l’UQAM, auxquels plus de 15 000 jumeaux et jumelles ont participé depuis les années 2000.

Contexte et objectifs des jumelages

Au Québec, le manque de réseaux francophones pour les immigrants constitue un frein important à leur apprentissage de la langue française. C’est dans le but de sensibiliser les enseignants à la réalité vécue par les immigrants et de valoriser l’intégration des immigrants dans des réseaux francophones que des jumelages interculturels ont été développés. Il s’agit d’activités d’échange et d’apprentissage réunissant des personnes immigrantes apprenant le français (dans des cours de communication orale et écrite, de phonétique et de grammaire) et des francophones étudiant en éducation, en psychologie, en travail social et en communication. Ces rencontres permettent entre autres de :
  • mieux comprendre les relations intergroupes ;
  • débusquer les préjugés et la discrimination ;
  • proposer un rapport à la langue française positif ;
  • favoriser des contacts entre Québécois de toutes origines ;
  • développer de nouvelles pratiques d’enseignement et d’apprentissage.
Chez les immigrants adultes qui apprennent le français à l’université, ces jumelages visent aussi leur intégration à leur société d’accueil. Chez les futurs enseignants du primaire, du secondaire et du collégial, les carriérologues, les psychologues, les travailleurs sociaux et les professionnels en communication, les jumelages visent à les sensibiliser à la diversité ethnoculturelle et à les outiller pour travailler avec des personnes d’autres cultures.

Vers la réduction des préjugés

Les jumelages interculturels tels qu’ils sont proposés à l’UQAM visent à réduire les préjugés que des étudiants peuvent entretenir les uns envers les autres et à les sensibiliser aux conséquences négatives sur la santé physique et psychologique de ceux qui subissent différents types de discrimination. Les jumelages permettent la rencontre entre des personnes de différentes cultures, de différents horizons. Les deux groupes peuvent ainsi mieux se connaître, ce qui conduit à réduire les préjugés et la discrimination.

Source : Pixabay

Le soutien et le rôle de l’institution

Le jumelage est devenu, au fil des ans, une activité phare du programme de Français langue seconde. Plusieurs articles,  communications, conférences ont eu lieu sous l’impulsion de la direction de l’École de langues. Les enseignants pratiquant l’activité sont fiers de faire partie de cette rencontre entre immigrants et membres de la société d’accueil. De plus, cette activité se révèle structurante sur le plan institutionnel : sept départements, provenant de trois facultés différentes de l’UQAM, y participent. Outre les politiques et des règlements en vigueur à l’UQAM qui favorisent l’innovation, on peut compter sur la mobilisation des gestionnaires et sur le leadership partagé. À titre d’exemple, lorsque le premier enseignant a voulu organiser un jumelage, le rôle du gestionnaire a été de l’écouter, de comprendre l’activité proposée et de le soutenir dans la réalisation de celle-ci.

Les retombées 

C’est lors de la phase de rétroaction, dernière étape du jumelage, que se mesure l’acquisition des compétences de  communication interculturelle. Trimestre après trimestre, les travaux d’étudiants montrent que le jumelage interculturel développe les aspects émotifs et cognitifs des modes de communication et d’apprentissage, diminue le  sentiment de menace identitaire envers les immigrants et les minorités, augmente le sentiment de sécurité linguistique et culturelle et réduit les préjugés. Une évaluation de l’impact d’un cours de pluriethnicité incluant les jumelages interculturels a montré leur effet bénéfique auprès des étudiants québécois francophones. Les jumelages endossent le caractère réciproque de la dynamique de la communication interculturelle, c’est-à-dire qu’il n’incombe pas qu’aux immigrants de s’adapter et de s’intégrer, c’est un travail qui concerne tout autant la population locale.