Une équipe de recherche suédoise examine les effets de l’introduction de droits de scolarité sur certaines populations internationales étudiantes en Suède.

Dans un récent article paru dans Education Inquiry et accessible en libre accès, P.A. Nilsson et L. Westin (Umeå University) rappellent que les droits de scolarité pour les populations étudiantes internationales et locales ne sont pas les mêmes partout dans le monde. Dans certains pays, les frais sont identiques pour les deux catégories, tandis que dans d’autres, les étudiantes et étudiants internationaux (ÉI) paient des frais plus élevés. Dans d’autres encore, il n’y a pas de frais de scolarité du tout (OCDE, 2014, dans Nilsson et L. Westin, 2022, p.2).

Pour sa part, la Suède a introduit en 2011 des droits de scolarité pour les étudiantes et les étudiants originaires de pays situés en dehors de l’Espace économique européen. La même année, le nombre d’ÉI nombre a diminué, mais il a réaugmenté pendant les années subséquentes (de 2011-2012 à 2020-2021, soit l’année de la pandémie mondiale de COVID-19).

Par ailleurs, même si le nombre d’ÉI s’est finalement stabilisé, l’introduction de droits de scolarité a eu des effets importants sur l’enseignement supérieur suédois et sur la population étudiante internationale hors Europe souhaitant fréquenter un établissement d’enseignement supérieur en Suède (p.14).

Effets de l’introduction des droits de scolarité pour les EI

L’introduction de frais de scolarité pour la population étudiante internationale originaire de pays autres que ceux de l’Europe a transformé l’enseignement supérieur en Suède de plusieurs façons (p.13).

Des effets administratifs et financiers

Les établissements ont d’abord rencontré des défis sur le plan administratif à la suite de l’abandon du précédent système de gratuité universelle. Dès le départ, chaque établissement a élaboré ses propres règles et principes de remboursement des frais d’inscription, ce qui a semé la confusion parmi la population étudiante internationale (ibid.).

L’un des effets les plus évidents de l’introduction des droits de scolarité pour les ÉI hors d’Europe est le financement des établissements suédois d’enseignement supérieur. Les données de l’UKÄ, l’autorité suédoise en enseignement supérieur, montrent que les recettes provenant des frais d’inscription n’ont cessé d’augmenter, passant d’environ 8 millions d’euros en 2011 à 92 millions d’euros en 2021 (p.13). Dans certains établissements d’enseignement supérieur, elles représentent environ 10 % des revenus totaux de l’enseignement (ibid.).

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À l’Université d’Umeå, par exemple, le coût du programme le moins cher (en sciences sociales) se chiffre à 9000 euros par an et celui du plus cher (en arts) atteint 35 500 euros annuellement pour les ÉI hors d’Europe (p.14).

Par conséquent, certains établissements s’efforcent de recruter une population étudiante internationale « payante », en lançant des programmes attrayants comme ceux de maitrise offerts en anglais (p.15).

L’équipe de recherche souligne également que la proportion d’étudiantes internationales hors d’Europe diffère selon les établissements d’enseignement supérieur ; elles semblent préférer fréquenter les grandes universités polyvalentes (Lund, Uppsala, Göteborg et Stockholm) plutôt que les écoles d’ingénierie ou les petites universités (p.13). Cette tendance se retrouverait toutefois chez la population étudiante suédoise locale (ibid.).

En somme, sur le plan des retombées financières, l’un des effets de l’introduction de droits de scolarité pour les ÉI a été de déplacer certains coûts de l’enseignement supérieur du secteur public suédois vers d’autres acteurs suédois et internationaux (p.3).

Des effets sur les ÉI en provenance de pays à faible revenu

L’introduction de frais de scolarité a clairement affecté la sélection et la composition de la population étudiante internationale venant étudier en Suède (p.16).

Le nombre de personnes étudiantes originaires de pays à faible revenu (low-income countries) – soit ceux figurant sur la liste du Comité d’aide au développement de l’OCDE : Bangladesh, Cambodge, Éthiopie, Sénégal, Soudan, Yémen, etc. – a diminué (Bryntesson et Börjesson, 2019, dans Nilsson et L. Westin, 2022, p.15).  Cela a également eu un impact négatif sur l’objectif de l’aide au développement et la lutte contre la pauvreté dans les pays à faible revenu (ibid.).

Avec l’introduction de droits de scolarité, ce type de population étudiante internationale provenant de pays à faible revenu, celle-ci est devenue davantage dépendante des programmes de bourses d’études pour venir en Suède (ibid.).

Par ailleurs, les chercheurs rappellent que certains étudiants et étudiantes originaires de pays à faible revenu — l’Inde et la Chine, par exemple, qui figurent sur la liste élargie de l’OCDE — proviennent de familles de classe moyenne à aisée qui ont l’habitude de payer des frais d’inscription liés à l’enseignement supérieur (ibid.). De plus, s’inscrire à des études à temps plein en Suède exige de disposer d’au moins 800 euros par mois dans un compte bancaire et d’une assurance-maladie complète (p.14).  

Figure : Pays ayant un grand nombre d’étudiantes et d’étudiants payant des droits de scolarité Source : UKÄ (Autorité suédoise de l’enseignement supérieur), dans Nilsson et L. Westin, 2022, p.12.

Selon Nilsson et L. Westin (2022), cette situation devrait inciter les autorités suédoises en matière d’enseignement supérieur à offrir des bourses d’études aux étudiantes et aux étudiants motivés de partout dans le monde, en particulier ceux et celles qui ne disposent pas du soutien de leur gouvernement (p.16).


Référence

Nilsson, P.A. et Westin. L. (2022). Ten years after. Reflections on the introduction of tuition fees for some international students in Swedish post-secondary education.