L’ouvrage "The Privileged Poor : How Elite Colleges Are Failing Disadvantaged Students" du sociologue Anthony Abraham Jack cherche à mieux comprendre les expériences des étudiants de première génération (EPG) à faible revenu aux États-Unis.

Une recension du livre réalisée par le sociologue Malik Fercovic a récemment été publiée sur le blog du London School of Economics and Political Science. Selon Fercovic, le livre The Privilege Poor constitue une contribution importante aux recherches sur les classes sociales et la mobilité aux États-Unis, notamment en incitant les établissements d’enseignement supérieur américains à réfléchir aux inégalités présentes dans la population étudiante.

Accessibilité ≠ inclusion

L’ouvrage, basé sur une recherche qualitative, soutient que l’accès des EPG à faible revenu aux universités et collèges américains ne signifie pas nécessairement leur inclusion.

La croissance du nombre d’EPG inscrits ne marque que le début des responsabilités des établissements, qui doivent réfléchir à la manière dont les étudiants issus de milieux défavorisés s’intègrent à la vie du campus une fois admis.

Selon Fercovic, dans le contexte d’inégalités croissantes (raciales, géographiques, résidentielles, etc.) aux États-Unis, cette analyse de l’influence de la classe sociale d’origine dans le parcours des étudiants défavorisés s’avère fort pertinente.

Les désavantagés parmi les défavorisés

L’auteur de l’ouvrage distingue deux catégories d’étudiants défavorisés, soit les « pauvres privilégiés » et les « doublement défavorisés » :

  • les « pauvres privilégiés » désignent les étudiants pauvres provenant d’écoles secondaires où ils ont côtoyé des pairs riches, s’immergeant tôt dans les normes culturelles et les règles sociales qui prévalent dans des environnements privilégiés;
  • les « doublement désavantagés », en revanche, désignent les étudiants qui entrent à l’université à partir d’écoles publiques sous-financées, sans aucune interaction significative avec des étudiants aisés avant leur transition vers l’enseignement supérieur.

Les résultats de la recherche menée par Jack, lui-même un EPG d’origine défavorisé, montre que les « pauvres privilégiés » et les « doublement désavantagés » font face aux défis de la vie étudiante différemment. Dans les récits des « pauvres privilégiés », Jack relève un sentiment clair de continuité entre l’école secondaire et l’université sur le plan des pratiques et des normes culturelles. L’exposition précoce aux pairs privilégiés faciliterait ainsi leur transition vers l’expérience étudiante en enseignement supérieur.

Or, pour les « doublement désavantagées », les rencontres avec des pairs issus de milieux favorisés sont vécues comme des collisions de monde différents, voire des « chocs culturels » intenses. Les expositions quotidiennes de richesses par leurs pairs privilégiés – sous forme de vêtements chers ou de vacances à l’étranger – ne servent qu’à leur rappeler qu’ils ne font pas parti de l’élite, même s’ils ont réussi à être admis dans des établissements de renom.

Image : Pixabay

Jack montre également que ces deux catégories d’étudiants utilisent différemment les ressources offertes sur les campus. Les « pauvres privilégiés » consultent activement leurs enseignants lorsqu’ils ont des difficultés en classe et tissent des liens avec des camarades qui pourraient devenir des relations significatives dans le futur.

Les « doublement désavantagées », en revanche, considèrent ces attitudes comme « lèche-bottes ».  Beaucoup d’entre eux se concentrent exclusivement sur les études et l’obtention de bonnes notes.

Selon Jack, les différentes stratégies qu’adoptent les étudiants à faible revenu sont non seulement importantes pour la transition vers l’université, mais elles sont aussi très susceptibles d’avoir une influence sur les inégalités socioprofessionnelles une fois le diplôme obtenu.

Contrairement à la plupart des recherches précédentes qui insistent sur l’influence de la famille sur les parcours des EPG à faible revenu, l’ouvrage de Jack insiste sur le rôle des écoles secondaires dans ces processus.Selon l’auteur, en tant que « forces socialisantes extrêmement puissantes », les écoles secondaires façonnent différemment la vie des étudiants qui ont obtenu leur diplôme dans des écoles privées riches en ressources et de ceux qui sont passés par des écoles secondaires publiques défavorisées.

Consulter la recension complète du livre The Privilege Poor sur le blogue du London School of Economics and Political Science

Source : Jack, A. A. (2019). The Privileged Poor: How Elite Colleges Are Failing Disadvantaged Students. Harvard University Press.